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Une maison n'est pas seulement un abri ; une maison est aussi un humain

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L'objectif de cet article est de connecter deux concepts qui ont été déterminants pour le développement des études de la culture matérielle, en particulier dans la déconstruction de l'idée selon laquelle les objets seraient statiques et passifs. Il s'agit de la sémiotique de l'espace et des biographies sociales de l'objet. Si le premier concept a été usité par plusieurs chercheurs africanistes (Griaule, Blier, Malaquais, etc.), le second n'a pas encore fait l'objet d'une théorisation mis à part les travaux de l'anthropologue allemand Hans Peter Hahn. Dans ce travail, la mise en relation de la sémiotique de l'espace et la méthode biographique permet d'étudier le rapport réciproque entre individus et maisons dans les Monts Mandara du Cameroun, rapport dans lequel les individus construisent les maisons en même temps qu'ils sont construits par elles.
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Une maison n’est pas seulement un abri ; une maison
est aussi un humain
Melchisedek Che
´tima Universite
´Laval
Lase
´miotique de l’espace construit a e
´te
´une approche
utilise
´e par de nombreux auteurs africanistes (Mala-
quais 2002, 1994; Fassassi 1997; Blier 1987, 1983; Lebeuf,
1960) pour e
´tudier le rapport entre corps et espace. Dans
leurs e
´tudes se de
´gagent trois mode
`les : le premier
mode
`le, repre
´sente
´par les travaux de Marcel Griaule
(1954), a pour point focal l’interconnexion entre espace
construit du village, corps humain et cosmos. Griaule
montre que l’ordonnancement des villages de
´coule de
la conception qu’ont les Dogons de l’univers, de la ville
et de l’homme qu’ils conside
`rent comme identiques. Le
deuxie
`me mode
`le vient des travaux de Suzanne Preston
Blier (1987 ; 1983) sur les Batammaliba du Togo. Ici
c’est l’espace inte
´rieur de la maison, pluto
ˆt que l’espace
construit du village qui inte
`gre le corps humain. Le troi-
sie
`me mode
`le d’analyse est fourni par Dominique Mala-
quais (2002, 1994) dans ses travaux sur le rapport entre
architecture et pouvoir chez les Bamile
´ke
´du Cameroun.
Contrairement aux deux premiers mode
`les ou
`l’espace
construit repre
´sente le corps humain dans son inte
´gra-
lite
´, il est pluto
ˆt chez les Bamile
´ke
´un recueil de pie
`ces
disparates (une te
ˆte, un estomac, une bouche) ayant un
rapport direct avec la que
ˆte du statut social (1994:22).
Si ces mode
`les anthropomorphiques de l’espace
construit diffe
`rent selon qu’on se trouve chez les Dogons,
les Batammaliba et les Bamile
´ke
´, ils se rapprochent
tous les trois des approches biographiques de l’objet
de
´veloppe
´es entre autres par Arjun Apadurai (1986) et
par Janet Hoskins (1998). Au cours de ses travaux de
terrain, Hoskins a re
´alise
´qu’elle e
´tait incapable de
recueillir les histoires de vie des personnes inde
´pendam-
ment de l’histoire de vie de leurs objets domestiques, car
dit-elle, les participants avaient tendance a
`centrer leurs
biographies autour de leurs objets. En de
´veloppant la
notion de ce qu’il appelle « carrie
`re objectale », cette
auteure conside
`re les objets comme posse
´dant une vie
sociale similairement a
`celle des individus. L’analyse
d’Arjun Appadurai est aussi, de ce point de vue, tre
`se
´lo-
quente voire comple
´mentaire, puisqu’il conside
`re e
´gale-
ment l’objet comme ayant une vie et une valeur sociale.
Re
´sume
´:L’objectif de cet article est de connecter deux
concepts qui ont e
´te
´de
´terminants pour le de
´veloppement des
e
´tudes de la culture mate
´rielle, en particulier dans la de
´cons-
truction de l’ide
´e selon laquelle les objets seraient statiques et
passifs. Il s’agit de la se
´miotique de l’espace et des biographies
sociales de l’objet. Si le premier concept a e
´te
´usite
´par plu-
sieurs chercheurs africanistes (Griaule, Blier, Malaquais, etc.),
le second n’a pas encore fait l’objet d’une the
´orisation mis
a
`part les travaux de l’anthropologue allemand Hans Peter
Hahn. Dans ce travail, la mise en relation de la se
´miotique de
l’espace et la me
´thode biographique permet d’e
´tudier le rap-
port re
´ciproque entre individus et maisons dans les Monts
Mandara du Cameroun, rapport dans lequel les individus cons-
truisent les maisons en me
ˆme temps qu’ils sont construits
par elles.
Mots-cle
´s:maison, se
´miotique de l’espace, biographie sociale
des objets, identite
´, statut social
Abstract: The goal of this article is to connect two significant
concepts in the studies on material culture and, more precisely,
regarding the deconstruction of the idea that objects should be
passive and static: these are the semiotics of space and the
social biographies of objects. If many Africanist researchers
have drawn on the former (e.g., Griaule, Blier, Malaquais,
etc.), the latter has not been fully theorized except in the works
of German anthropologist Hans Peter Hahn. In this article, the
articulation between the semiotics of space and the biographical
method has allowed me to examine the reciprocity between indi-
viduals and houses in the Mandara Mountains of Cameroon, a
relationship through which individuals construct houses while
they are also constructed by them.
Keywords: house, semiotics of space, social biography of
objects, identity, social status
106 / Melchisedek Che
´tima Anthropologica 58 (2016) 106–120
Appadurai affirme que « les objets mate
´riels, tout comme
les personnes, ont une existence sociale » (1986:3). Si tel
est le cas, il devient possible de reconstituer leur biogra-
phie, mais aussi de la mettre en relation avec les repre
´-
sentations que les populations ont de
´veloppe
´es autour
de l’espace construit. L’objectif de cet article est de
connecter ces deux concepts, a
`savoir la se
´miotique de
l’espace construit et les approches biographiques de
l’objet-maison, tant ils sont inter-lie
´s. D’ailleurs, les
auteurs africanistes cite
´s plus haut (Griaule, Blier, Mala-
quais) se sont servi de la se
´miotique de l’espace pour
reconstituer la vie de la maison, autrement dit sa biogra-
phie, me
ˆme si cette expression n’apparaı
ˆ
t nullement
dans leurs e
´crits. Les deux concepts me semblent impor-
tants pour la de
´construction de l’ide
´e selon laquelle les
objets seraient statiques et inchangeables. L’ide
´e que
l’objet-maison serait statique et fige
´est intenable pour
le cas des populations des monts Mandara au regard de
leurs conceptions de l’espace construit et de la relation
dynamique et re
´cursive qu’elles e
´tablissent avec leurs
maisons.
Pour les besoins de cet article, j’ai re
´alise
´des enque
ˆtes
au sein de trois groupes que sont les Mura, les Podokwo
et les Muktele, trois ethnies parmi la vingtaine que
compte cette re
´gion montagneuse du Nord-Cameroun.
Trois localite
´s issues de ces trois groupes m’ont servi de
lieu d’observation et d’enque
ˆtes, a
`savoir les villages
de Dume chez les Mura, d’Udjila chez les Podokwo et
de Zuelva chez les Muktele. Six se
´jours dans ces localite
´s
se sont e
´chelonne
´s entre 2006 et 2013. En 2011, 320
me
´nages ont e
´te
´recense
´s dans la localite
´de Dume,
1352 me
´nages a
`Udjila et 746 me
´nages a
`Zuelva. La por-
tion des maisons traditionnelles dans les trois localite
´s
reste encore tre
`se
´leve
´e et repre
´sentait en 2011 un peu
plus de 70% dans chacun des trois villages.
Pour ce qui est de l’e
´volution historique des trois
groupes retenus pour l’e
´tude, elle est a
`inscrire dans la
dynamique globale du bassin tchadien, un espace ge
´o-
graphique qui a vu l’e
´mergence des royaumes tels que
le Kanem-Borno, le Bagirmi et le Wandala (Che
´tima
2015b). Leur expansion territoriale s’est accompagne
´e
d’une se
´rie de violences qui semble e
ˆtre a
`l’origine des
vagues mouvements migratoires vers les principaux
sites de
´fensifs, a
`l’instar des monts Mandara (Che
´tima
et Gaimatakwan 2016). Face aux razzias perpe
´tre
´es par
les esclavagistes, les Montagnards mirent en place des
me
´canismes de de
´fense qui se re
´ve
´le
`rent dans leur
syste
`me de construction des maisons (Che
´tima 2010;
Seignobos 1982).
Si l’occupation des sommets montagneux constituait
la principale strate
´gie pour se soustraire aux menaces
des razzieurs, elle est devenue au fil du temps un indica-
teur de la position sociale des individus au sein de la
communaute
´et de la maison. La fin de l’esclavage au
de
´but du XX
e
sie
`cle, et surtout le de
´cret sous-pre
´fectoral
de 1963 rendant obligatoire la descente des Montagnards,
vont provoquer un mouvement de la population vers
la plaine (Boutrais 1973:53). Toutefois, comme le note
si bien Christian Seignobos (1982:81), seuls ceux qui
e
´taient moins accroche
´sa
`la montagne sont descendus,
en particulier les cadets qui avaient moins d’importance
dans le de
´roulement des rites et des ce
´re
´monies reli-
gieuses au sein de la maison. La plupart des
ˆ
ne
´s sont
reste
´s en montagne pour assurer la continuite
´de la
maison et du culte ancestral qui s’y de
´roule (Che
´tima
2015a:243). Cet attachement a
`la montagne explique
encore aujourd’hui la re
´serve qu’ont les Montagnards
pour les nouveaux styles architecturaux. Si de nouveaux
mate
´riaux (to
ˆle, ciment) font de plus en plus leur appari-
tion, il reste que leur proportion dans les localite
´sde
montagne est encore tre
`s basse. Aussi, ces nouveaux
mate
´riaux n’induisent aucune rupture avec les pratiques
architecturales anciennes ; elles sont simplement domes-
tique
´es et incorpore
´es a
`l’inte
´rieur des structures sym-
boliques existantes.
En lien avec les approches biographiques de l’objet
mentionne
´es ci-dessus, j’ai opte
´pour les re
´cits de vie
comme principale me
´thode de recueil et de traitement
des donne
´es. Cette me
´thode s’est impose
´e d’elle-me
ˆme
dans la mesure ou
`les informateurs, notamment chez les
Mura, me conviaient a
`des « visites guide
´es » de leurs
Figure 1 : Re
´partition des groupes ethniques dans les monts
Mandara septentrionaux
Anthropologica 58 (2016) Une maison n’est pas seulement un abri / 107
maisons. Il est a
`remarquer que cette pratique est tre
`s
re
´currente dans les monts Mandara, comme cela a e
´te
´
remarque
´par l’anthropologue hollandais Wouter Van
Beek (1986). Ainsi, au fur et a
`mesure qu’on pe
´ne
´trait
dans l’enceinte d’une maison, le proprie
´taire pre
´sentait
des objets et des unite
´s architecturales en les mettant
en rapport, soit avec une se
´quence de sa propre vie,
soit en soulignant l’importance de ces e
´le
´ments dans la
construction de son statut actuel. Bien qu’au de
´part
mon attention e
´tait porte
´e sur les trajectoires de vie
des individus, j’ai re
´alise
´combien la maison e
´tait impor-
tante en ce qu’elle servait aux participants d’illustrer
certaines pe
´riodes charnie
`res qui caracte
´risent leurs
parcours de vie (appartenances sociales, pratiques et
habitudes, etc.). Par ailleurs, en parlant d’eux-me
ˆmes,
les informateurs ont e
´galement parle
´de leurs rapports
avec les autres, de leur honneur et de leur respectabilite
´
au sein de leur communaute
´d’appartenance, mate
´rialise
´s
par la position topographique et la grandeur de leurs
maisons (voir aussi Van Beek 1986). La lecture se
´mio-
tique de l’espace construit et la me
´thode biographique
m’ont ainsi permis d’e
´tudier le rapport entre individus
et maisons, rapport dans lequel ils s’influencent re
´ci-
proquement. De manie
`re ge
´ne
´rale, la maison comme
mode
`le du corps humain et comme image de la fe
´condite
´
se rencontre chez les Mura alors que l’anthropomor-
phisme comme recueil de pie
`ces disparates (une te
ˆte,
un estomac, une bouche) se rencontre chez les Podokwo
et les Muktele.
« Les maisons sont aussi des humains » :
maisons et images de la fe
´condite
´chez les
Mura
Dans la logique de la conception de l’espace associant
la hauteur au prestige, j’ai montre
´ailleurs que les struc-
tures appartenant a
`l’homme se trouvent toujours dans
la partie haute de la maison (Che
´tima 2015). Il y a ce-
pendant une exception a
`cette re
`gle, a
`savoir la pre
´sence
du grenier central, e
´le
´ment masculin, dans la partie basse
de la maison, e
´le
´ment fe
´minin. Alors qu’on pourrait voir
en cela une contradiction, Dgla insiste sur le fait que la
pre
´sence de cet e
´le
´ment masculin dans la partie basse
traduit la puissance virile de l’homme. Selon cet infor-
mateur, le pe
`re de la famille est « au-dessus de toute la
famille », car il est « la personne qui donne naissance
aux descendants »
1
. Place
´au centre de la maison, le gre-
nier central devient une repre
´sentation de son pouvoir
sur les femmes et sur le mil
2
. Cette explication n’est pas
satisfaisante a
`premie
`re vue, car elle contredit la symbo-
lique de l’espace de
´veloppe
´e dans la partie pre
´ce
´dente.
Elle a tout de me
ˆme fourni une piste inte
´ressante pour
e
´tudier les de
´signations symboliques du grenier, lesquel-
les permettent d’avancer l’hypothe
`se que la pre
´sence du
grenier central dans la partie basse de la maison est a
`
mettre en lien avec l’ide
´edelafe
´condite
´
3
.
Bien que les informateurs mura ne connectent pas
le grenier a
`la grossesse, la relation entre grenier et
fertilite
´est souligne
´e. Elle s’articule, par exemple, lors
des sacrifices effectue
´s au pied du grenier central sous
lequel sont entasse
´s les pots ancestraux (gerda lay).
Rappelons que lorsqu’un patriarche de
´ce
`de, il e
´tait
enterre
´a
`l’entre
´e de la concession (Che
´tima 2015).
L’homme de la maison devrait e
ˆtre enterre
´au pied du
grenier central, car il est la te
ˆte de la famille de me
ˆme
que le grenier central est la te
ˆte et le poteau central de
la maison. Dans la mesure ou
`l’espace inte
´rieur est trop
restreint pour accueillir la foule pendant les fune
´railles,
le pe
`re de la famille se faisait pluto
ˆt inhumer a
`l’entre
´e
de la maison. Une anne
´e plus tard, lors des dernie
`res
fune
´railles, un pot dans lequel re
´sidera son a
ˆme lui est
fabrique
´et place
´symboliquement sous le grenier cen-
tral. Tout sacrifice concernant la survie des enfants
malades au sein de la maison, l’abondance des re
´coltes
et la fertilite
´des femmes doit se tenir au pied du grenier
sous lequel se trouvent les gerda lay
4
.
En conside
´rant le rapport entre le grenier central et
les sacrifices attribue
´s aux gerda lay, aussi conside
´re
´s
comme la force vitale de la famille, il est possible,
comme c’est le cas chez les Tallensi du nord du Ghana
e
´tudie
´s par Labelle Prussin (1972) et chez les Musgum
du Nord-Cameroun e
´tudie
´s par Steven Nelson (2007),
que l’emplacement du grenier masculin au centre de la
maison soit une allusion a
`la puissance virile de l’homme.
Sous le grenier central, avons-nous dit, sont entasse
´s
les pots ancestraux, qui par leur virilite
´,fe
´condent les
femmes et les re
´coltes. Conside
´re
´comme la te
ˆte de la
maison et comme le poteau central, le grenier central
se dresse au milieu de deux autres greniers masculins
repre
´sentant les testicules de la maison
5
. Tous les trois
se retrouvent dans la partie basse et constituent la pre-
mie
`re e
´tape dans la mise en place d’une habitation. De la
me
ˆme manie
`re que les enfants proviennent de la puis-
sance virile masculine, les autres parties de l’habitation
proviennent de ce poteau central et de la puissance virile
des gerda lay place
´s sous le grenier. De la puissance
virile de l’homme et des ance
ˆtres de
´pendra l’extension
de la maison
6
, qui, a
`son tour, constituera le premier
signe de l’honorabilite
´de l’homme au sein de la socie
´te
´.
La symbolique de la fe
´condite
´est a
`l’œuvre dans la
socie
´te
´mura, comme chez les Fali, telle que de
´crite par
Jean-Paul Lebeuf (1960 :523)
7
. Mais contrairement aux
Fali chez qui la symbolique apparaı
ˆ
t dans l’usage des
mate
´riaux, elle est pluto
ˆt mise en rapport avec la re
´par-
tition du temps en deux saisons chez les Mura, soient :
108 / Melchisedek Che
´tima Anthropologica 58 (2016)
une saison se
`che, pe
´riode ma
ˆle et une saison pluvieuse,
pe
´riode femelle, dont la combinaison donne naissance
aux re
´coltes agricoles
8
.Delame
ˆme manie
`re, la maison
est organise
´e en deux domaines : une partie ma
ˆle, essen-
tiellement en pierres se
`ches symbolisant la se
`cheresse
de l’homme, et une partie femelle construite a
`base
d’argile pe
´trie dans de l’eau, symbole de l’humidite
´
fe
´minine
9
. Le centre de la maison, de
´signant symboli-
quement le sexe de la femme, est repre
´sente
´par l’espace
circulaire englobant les greniers, les cases et les cuisines
des e
´pouses. La te
ˆte de la maison, de
´signant en langage
symbolique le sexe masculin, est repre
´sente
´e par le gre-
nier de l’homme
10
.A
`partir des jeux de correspondance,
on peut e
´mettre l’hypothe
`se que chez les Mura, la pre
´-
sence du poteau central au centre de la maison est une
allusion voile
´ea
`l’union sexuelle entre un homme et
une femme, d’ou
`le fait qu’une maison parvenue a
`son
optimum connote une intense activite
´sexuelle
11
.
Les Mura n’associent pas seulement leurs maisons a
`
la fe
´condite
´, mais aussi a
`l’aspect psychologique (l’a
ˆme)
de leur personne. En effet, l’aspect psychologique res-
sort dans les diverses formes de the
´rapie dans lesquelles
la maison est parfois partie prenante. Par exemple,
la maison intervient re
´gulie
`rement dans le processus
the
´rapeutique des maladies lie
´es aux possessions de
´mo-
niaques. Dans l’imaginaire mura, le corps physique
d’une personne, de me
ˆme que le corps physique de la
maison, peut abriter des mauvais esprits cre
´ant un
de
´se
´quilibre aussi bien entre le corps et l’a
ˆme de la
personne que dans le processus du de
´veloppement archi-
tectural. Autrement dit, la possession de
´moniaque d’une
personne affecte le processus du de
´veloppement de la
maison, de me
ˆme que la possession d’une maison par
les esprits mauvais affecte l’e
´quilibre mental de la per-
sonne. Dans ce sens, le traitement d’une maladie d’ordre
mental impliquait, a
`la fois, la me
´dication de la personne
malade et l’alte
´ration partielle ou comple
`te de sa case
12
.
Dans certains cas, il peut entraı
ˆ
ner l’abandon total de la
maison et l’e
´tablissement du proprie
´taire sur un nouveau
site
13
. L’exorcisme du malade seul ne suffit donc pas, il
faut lui adjoindre l’exorcisme de la maison car celle-ci
est susceptible d’abriter le mauvais esprit, qui le rendrait
capable de hanter a
`son tour la victime. En revanche,
en de
´truisant la maison et en la reconstruisant sur un
nouveau site, il y a non seulement l’impossibilite
´pour le
« mauvais esprit » de posse
´der a
`nouveau sa victime,
mais la possibilite
´pour la victime de voir s’e
´quilibrer la
balance entre son corps et son a
ˆme
14
.
Ainsi l’e
´quilibre physique et moral d’une personne
est indispensable pour le de
´veloppement de la maison
tout au long de son cycle de vie. Inversement, l’e
´quilibre
entre l’aspect physique et l’aspect psychologique de la
maison permet l’ascension sociale de son proprie
´taire.
Dans cette perspective, la de
´sharmonie entre corps et
a
ˆme de la maison influe sur le bien-e
ˆtre physique et
psychologique de l’individu qui peut, a
`son tour, influer
sur la croissance de la maison. La re
´ussite sociale d’une
personne est de
`s lors tributaire, a
`la fois, de son e
´quili-
bre physique et moral, lequel lui permet de prendre
soin de sa famille, et du bien-e
ˆtre physique et psycholo-
gique de la maison qui, en retour, prote
`ge ses occupants
contre les forces occultes. L’attribution des caracte
´risti-
ques humaines a
`la maison ne renvoie pas simplement
a
`un anthropomorphisme passif. Elle est lieu de vie,
comme le souligne justement Malaquais (2002:117–135),
capable elle-me
ˆme de produire d’autres vies (Che
´tima
2016).
Ceci permet d’expliquer pourquoi les Mura inter-
pre
`tent la diffe
´rence entre une grande maison et une
petite maison comme le re
´sultat de l’e
´quilibre (ou du
de
´se
´quilibre) de la personne et de la maison elle-me
ˆme.
Soulignons que la re
´ussite sociale est intrinse
`quement
lie
´e au fait d’avoir un nombre conside
´rable d’e
´pouses et
de les maintenir dans la maison d’une part, et d’avoir un
nombre conside
´rable d’enfants survivants d’autre part.
Or, les Mura butent habituellement sur deux obstacles
majeurs sur le chemin de la re
´ussite. Le premier est la
forte propension des femmes au divorce (Vincent 1972;
Juillerat 1971), et le deuxie
`me est le taux e
´leve
´de la
mortalite
´infantile (Hallaire 1965). D’une part, la mobi-
lite
´des femmes remet en cause la capacite
´de l’homme
a
`bien ge
´rer sa maison et questionne par conse
´quent
son e
´quilibre moral
15
. D’autre part, la mortalite
´infan-
tile, toujours attribue
´e aux attaques sorcie
`res, remet en
cause l’e
´quilibre psychologique de la maison. Dans cette
perspective, une grande maison, c’est-a
`-dire une maison
qui abrite plus de quatre quartiers, est conside
´re
´ea
`
la fois comme le re
´sultat de la capacite
´de l’homme a
`
prendre soin de la maison et de la capacite
´de la maison
a
`assurer la survie de ses membres contre les attaques
sorcie
`res et les possessions de
´moniaques
16
. Illustrons
cela par deux maisons au parcours de vie diffe
´rent
soient : la maison de Kwona en guise d’exemple de la
ligne ide
´ale qui me
`ne a
`la re
´ussite, et la maison de
Madu en tant qu’exemple de l’e
´chec d’un individu dans
l’inge
´nierie sociale.
Kwona a e
´pouse
´sa premie
`re femme quand il avait
seulement 20 ans
17
, pendant qu’il vivait encore dans la
maison paternelle. L’anne
´eou
`sa femme conc¸ut leur
premier fils Dama, Kwona de
´me
´nagea de chez son pe
`re
pour construire sa propre maison compose
´e initialement
de deux quartiers pour e
´pouses. A
`ce stade, les Mura
Anthropologica 58 (2016) Une maison n’est pas seulement un abri / 109
conside
`rent la maison comme a
`sa premie
`re pe
´riode de
vie, car une maison n’est jamais cense
´e contenir un seul
quartier, a
`moins d’e
ˆtre la maison d’un vieillard
18
. Tou-
jours dans la vingtaine, Kwona e
´pouse une deuxie
`me
femme pour occuper le deuxie
`me quartier qui logeait
jusque-la
`la plus jeune e
´pouse de son pe
`re. Entre
´
dans la trentaine, Kwona e
´pousera encore une nouvelle
femme tout en maintenant les deux premie
`res au sein
de la concession. Il construisit de
`s lors un autre quartier
pour abriter la nouvelle femme, c’est-a
`-dire sa case a
`
coucher, sa cuisine et son grenier.
Kwona devenait ainsi proprie
´taire d’une maison a
`
trois quartiers comportant de nombreuses autres struc-
tures masculines, notamment des greniers, des vestibules,
des enclos a
`be
´tails et une case abritant son premier fils
de
´ja
`pube
`re, e
´le
´ments qui constituent la respectabilite
´.
Cette phase du de
´veloppement de la maison est celle
d’un homme bien e
´tabli, mais ne jouissant pas encore
d’un statut social enviable. Dans ses 40 ans, la premie
`re
femme de Kwona quitte la concession en raison de la
venue d’une troisie
`me e
´pouse, mais laisse derrie
`re elle
ses trois enfants qui continue
`rent d’occuper le domaine
re
´serve
´a
`leur maman. L’anne
´e suivant le divorce,
Kwona contracte un nouveau mariage et construit un
autre quartier pour accueillir la nouvelle femme. Sa
maison est de
´sormais a
`quatre quartiers, et ce genre de
maison, de
´clare Dgla, n’appartient en re
´alite
´qu’aux
gens distingue
´s, c’est-a
`-dire a
`ceux, qui par le biais de
leur maison, ont gagne
´la reconnaissance sociale au sein
du village.
C’est vraisemblablement a
`partir de cette pe
´riode
que Kwona est devenu un homme distingue
´dans le
village. De
´sormais, un grand fosse
´s’est installe
´entre
lui et la majorite
´des hommes de son a
ˆge : « Kwona a
une maison remplie des femmes et d’enfants. Sa descen-
dance ne disparaı
ˆ
tra pas un jour, car les entrailles de ses
femmes sont fertiles et sa maison aussi est fertile »
explique Mahama
19
, un Mura de
´ja
`parvenu dans la
cinquantaine et habitant les pie
´monts de Mora-Massif.
L’importante production en mil et le nombre important
de be
´tails autorisent Kwona a
`donner son opinion sur
toutes les questions relatives a
`la vie du village, comme
l’explique Dgla :
Il prend toujours la parole le dernier quand tout le
monde a donne
´son opinion. Apre
`s lui, personne d’au-
tre ne peut a
`nouveau parler, car qui peut prononcer
des bonnes paroles comme Kwona ? C’est quelqu’un
qui a re
´ussi dans la vie. Ses enfants ont construit
leurs maisons et ses greniers toujours remplis avec
les re
´coltes des anne
´es pre
´ce
´dentes
20
.
Au moment des recherches sur le terrain, Kwona dit
avoir 65 ans et est donc a
`l’apoge
´e de sa force sociale.
Ses femmes et ses enfants de
´ja
`marie
´s ont commence
´a
`
le quitter. En effet, a
`partir de cet a
ˆge, les Mura pensent
que l’individu a entame
´ses dernie
`res anne
´es d’existence
et que sa vigueur commence progressivement a
`diminuer,
d’ou
`le choix des e
´pouses de Kwona, beaucoup plus jeunes
que lui, de divorcer pour se remarier a
`d’autres hommes.
Ce qu’il est inte
´ressant de souligner est le fait que les
informateurs ne bla
ˆment pas ces choix de divorce. Au
contraire, ils tentent de les justifier, non seulement
par l’a
ˆge avance
´de Kwona, mais aussi par la dure
´e
de vie de la maison qui est aussi entame
´e, parce qu’ayant
ve
´cu plusieurs e
´tapes au cours de sa vie. Autrement dit,
dans le mouvement d’ensemble qui lie la maison et son
occupant, les femmes tiennent un ro
ˆle important : d’une
part, elles garantissent l’ascension sociale du chef de
famille aussi bien que la croissance de la maison, et
d’autre part, elles provoquent a
`partir d’un certain a
ˆge
la fin du cycle de vie de la maison en quittant leur e
´poux
pour se remarier. La maison refle
`tera dans ce cas,
« l’a
ˆge de son proprie
´taire, et ressemblera un peu a
`la
mienne »
21
. La maison de Kwona comporte toujours
quatre quartiers, mais son avenir de
´pendra de
´sormais
de la fe
´condite
´de son fils Dama, car « plus il sera fertile
comme son pe
`re, plus la maison sera aussi fertile
22
.
L’histoire de Kwona montre qu’il a suivi la ligne ide
´ale
qui me
`ne a
`la re
´ussite et au prestige social. Son a
ˆge bio-
logique est donc en corre
´lation avec la superficie occu-
pe
´e par sa maison. Les Mura pensent que tout adulte
de plus de 50 ans doit ide
´alement avoir une maison a
`
quatre quartiers. Seulement, tre
`s peu y parviennent en
raison de la mortalite
´infantile et du taux des divorces
relativement e
´leve
´.
Comme Kwona, Madu est dans la soixantaine, mais
sa maison ne refle
`te pas son a
ˆge biologique. Elle est si-
tue
´e juste en contrebas de la maison de Kwona et ils ap-
partiennent tous deux a
`la me
ˆme ligne
´e. Kwona et les
autres Mura de leur ge
´ne
´ration citent la maison de
Madu comme l’exemple de l’e
´chec d’un individu dans
l’inge
´nierie sociale. Pour cause, sa maison est reste
´e
coince
´e entre la phase 1 et la phase 2 du cycle de vie
d’une maison normale. Comme Kwona, Madu a e
´pouse
´sa
premie
`re femme lorsqu’il n’avait que 20 ans, et a construit
sa maison a
`deux quartiers (phase 1) imme
´diatement
apre
`s la naissance de son premier fils. Malheureusement
ce dernier n’a pas surve
´cu et sa femme dut le quitter im-
me
´diatement apre
`slede
´ce
`s de l’enfant ; la mortalite
´in-
fantile e
´tant ici attribue
´ea
`la sorcellerie au sein de la
maison (voir Lyons 1998; 1992). Autrement dit, on pour-
rait e
´mettre l’hypothe
`se que cette femme a divorce
´pour
se soustraire a
`la sorcellerie de la maison, pour utiliser
les termes de Peter Geschiere (2013; 2010; 2000). Apre
`s
son de
´part de la maison, Madu e
´pousa naturellement
110 / Melchisedek Che
´tima Anthropologica 58 (2016)
une seconde femme en guise de remplacement avec qui
il eut deux enfants. Au sortir de sa vingtaine, il e
´pousa
de suite deux nouvelles e
´pouses la me
ˆme anne
´e, mais
ces relations provoque
`rent la jalousie de la premie
`re
femme qui pre
´fe
´ra le divorce. A
`cette pe
´riode, la maison
comportait trois quartiers qui correspond, selon les
Mura, a
`la phase 2 de la dure
´e de vie d’une maison.
A
`partir de ce moment, Madu e
´pousait en moyenne
deux femmes tous les cinq ans, pour accroı
ˆ
tre la surface
de sa maison, mais celle-ci ne se de
´veloppa pas en raison
d’une se
´rie de malheurs. D’abord, sa maison connut un
incendie qui provoqua le de
´part des deux dernie
`res
e
´pouses sur les trois qui vivaient dans la maison. Avec
l’aide des voisins et des membres de son lignage, Madu
reconstruisit la maison avec ses trois quartiers, car il
ambitionnait de remplacer les deux de
´parts. Commence
cependant une succession rapide de de
´ce
`s au sein de la
maison. D’abord, sa dernie
`re femme tomba malade et
succomba brusquement. Madu accusa sa seconde femme
de l’avoir empoisonne
´e en mettant en avant la jalousie
qu’elle lui avait toujours manifeste
´e. A
`moins d’un an, la
seconde femme tomba elle-me
ˆme malade et succomba.
Sa mort provoqua une grande rumeur dans le village
accusant Madu de l’avoir tue
´e pour se venger de sa
de
´funte femme pre
´fe
´re
´e. Ironie du sort, Madu tomba
lui-me
ˆme malade et ne fut re
´tabli que gra
ˆce a
`l’interven-
tion d’un gue
´risseur local. Les responsabilite
´s furent a
`
ce moment interverties et on incrimina cette fois-ci les
mauvais esprits de hanter la maison et d’y avoir installe
´
la mort et la maladie. Madu dut ainsi faire appel a
`un
devin pour exorciser la maison. Malheureusement, il n’a
pas pu retenir l’unique femme qui lui restait, car cette
dernie
`re quitta a
`son tour la maison par peur de la
mort. Les cases de la maison de Madu finirent ainsi par
s’e
´crouler, et au moment de l’enque
ˆte, il ne lui restait
que trois cases, ce qui amena Kwona a
`comparer la
maison de Madu a
`un « fleuve d’eau empoisonne
´qui tue
les poissons »
23
.
Ce qui pre
´ce
`de permet de confirmer l’ide
´e selon
laquelle la maison posse
`de une vie sociale, qu’elle est
fac¸onne
´eenme
ˆme temps qu’elle fac¸onne la vie sociale
de ses occupants. Elle e
´volue en tendon avec les personnes
qui les occupe et affecte la manie
`re dont elles interagissent
avec elle. Cette conclusion rappelle sans doute les appro-
ches biographiques de
´veloppe
´es par certains auteurs
(Walker and Schiffer 2006; Hoskins 2006, 1998; Gosden
et Marshall 1999; Appadurai 1986; Kopytoff 1986) qui,
travaillant dans d’autres contextes culturels, ont suivi
les parcours de vie de certains objets et ont mis a
`jour
les « voix et de
´tours » (Appadurai 1986a:16-29) qui les
ont marque
´sa
`travers le temps et l’espace (Kopytoff
1986:67). Si la maison n’est pas transposable d’un lieu a
`
un autre comme le sont les objets e
´tudie
´s par ces auteurs,
elle subit ne
´anmoins de nombreuses reconfigurations a
`
travers le temps, reconfigurations dont la marque de
fabrique est la dynamique de ce que les Podokwo et les
Muktele appellent le ventre de la maison.
« Le ventre de la maison est source de vie » :
e
´volution de la maison en lien avec le
changement social de l’occupant
A
`la diffe
´rence des Mura qui comparent la maison a
`la
forme humaine dans son inte
´gralite
´, les Podokwo et les
Muktele traitent distinctement la maison en qualifiant
certaines de ses parties par des de
´nominatifs humains.
L’anthropomorphisme podokwo et muktele s’apparente
davantage a
`celui que l’on trouve chez les Bamile
´ke
´
de l’Ouest-Cameroun. Ces derniers ne conside
`rent pas
la maison comme un homme dans son inte
´gralite
´. Ils
s’inte
´ressent uniquement a
`certaines parties dont la
correspondance avec les parties du corps permet l’as-
cension sociale du proprie
´taire (Malaquais 2002:203).
Les blocs de maisons qui reviennent constamment sont
la te
ˆte, la bouche et le ventre (Malaquais 1994:25). De
ces trois e
´le
´ments, le ventre apparaı
ˆ
t le plus essentiel
dans la croissance de la maison et dans l’ascension
sociale de son occupant. C’est par le biais de son ventre
que l’individu trouve une place au sein de la socie
´te
´,eta
`
ce point, il fait l’objet de nombreuses pratiques rituelles
tout au long de la croissance de l’enfant. De la me
ˆme
manie
`re, le ventre est la partie de la maison qui confe
`re
au proprie
´taire une place au sein de la socie
´te
´, et des
rites sont aussi tenus dans son enceinte pour prote
´ger
ses occupants contre les forces occultes. Compte tenu
de l’importance, a
`la fois, du ventre humain et du ventre
de la maison dans la que
ˆte du statut social, il est ne
´ces-
saire de conside
´rer premie
`rement l’imaginaire local du
ventre avant de s’inte
´resser a
`la manie
`re dont l’e
´largis-
sement du ventre de la maison confe
`re a
`l’individu une
place de choix au sein de sa socie
´te
´.
Les Podokwo et les Muktele ont de
´veloppe
´des
imaginaires du ventre pour souligner certaines vertus
ne
´cessaires a
`l’encadrement des relations entre les indi-
vidus. Trois de ces imaginaires ont retenu mon atten-
tion, d’une part, parce qu’ils ressortent simultane
´ment
dans les discours des informateurs issus des deux
groupes, et d’autre part, parce qu’ils permettent de
cre
´er un rapport dialectal entre le ventre humain et le
ventre de la maison. Ces imaginaires approchent le
ventre en tant que lieu des sentiments communautaristes
et individualistes, sie
`ge des connaissances et des secrets,
et enfin comme symbole fe
´minin de la fertilite
´et de la
sorcellerie.
Anthropologica 58 (2016) Une maison n’est pas seulement un abri / 111
La premie
`re me
´taphore, celle qui porte sur le ventre
en tant que sie
`ge des sentiments communautaires, est
manifeste autour de la consommation des repas : « c’est
lors de la prise des repas qu’on socialise les enfants pour
qu’ils aient un bon ventre, en leur apprenant l’ide
´ede
toujours partager leur repas avec une tierce », explique
Bassaka Kuma
24
. En effet, celui qui invite un passant
pour partager son repas est une personne qui a un
« bon ventre ». En revanche, celui qui mange seul dans
le secret de sa maison est suspecte
´d’avoir un ventre
amer. L’expression podokwo de
´signant une personne au
ventre amer (dwek
hud
m
na) est la me
ˆme qui quali-
fie l’acte antisocial du sorcier. L’e
´goı
¨
sme et la sorcellerie
apparaissent tous deux comme des cate
´gories englobant
des vertus oppose
´es a
`celles des personnes approuve
´es
par la socie
´te
´, c’est-a
`-dire ceux qui ont un bon ventre.
Paradoxalement, l’imaginaire du ventre traduit aussi
des sentiments e
´goı
¨
stes tels que l’envie et la jalousie.
Le fait de toucher le ventre d’une personne est par
exemple conside
´re
´par les Podokwo comme la trahison
de son intimite
´personnelle, car le ventre est ce qu’il y
a d’intime. Les Muktele vont jusqu’a
`sugge
´rer que la
sorcellerie elle-me
ˆme vivrait dans le ventre de son
de
´tenteur sous la forme d’un petit crabe (voir Juillerat
1971). Les deux groupes ont donc de
´veloppe
´a
`la fois
une vision individualiste et un point de vue communauta-
riste de leurs ventres, une tension souligne
´e par l’utilisa-
tion d’un terme commun pour de
´signer le ventre indivi-
duel d’une personne et le groupe ascendant auquel il
appartient.
La deuxie
`me me
´taphore, celle qui porte sur le ventre
en tant que sie
`ge des connaissances et des secrets, a
trait a
`la capacite
´qu’ont certaines personnes a
`utiliser
des alle
´gories pour tenir un discours. Les paroles vulgaires
sortent de la bouche, mais les bonnes paroles ne peuvent
sortir que d’un bon ventre
25
. Les bonnes paroles dont il
est question font allusion aux connaissances me
´taphori-
ques qu’apprennent les enfants de
`s le bas a
ˆge aux pieds
des sages vieillards. Il est d’ailleurs significatif que les
Podokwo et les Muktele mettent en paralle
`le ce processus
d’acquisition des connaissances avec la consommation du
premier repas de mil par les enfants. En effet, jusqu’a
`
ce qu’ils consomment leurs premiers repas de mil, les
enfants chez les Podokwo et Muktele sont conside
´re
´s
comme des e
ˆtres sans ve
´ritable identite
´, tel que Slagama
les compare a
`des paniers vides
26
. C’est seulement a
`
partir du moment ou
`ils avalent leur premie
`re boule du
mil qu’ils s’inte
`grent dans la socie
´te
´des hommes, et cela,
quel que soit le sexe de l’enfant. Dans cette avenue, la
consommation du premier repas constitue la preuve que
l’estomac de l’enfant a grandi
27
et est devenu solide. Si la
consommation de la boule du mil affecte la croissance
physique, la consommation des connaissances participe
pluto
ˆta
`la fabrique de l’e
ˆtre social : « seuls les enfants
qui ont continuellement mange
´les connaissances devien-
nent des gens respecte
´sete
´coute
´
28
. Toutefois, la
connaissance fait souvent la place a
`son versant obscur
qui est l’ignorance. Dans cette veine, le ventre prend
parfois une dimension discre
`te et myste
´rieuse, car « nul
ne peut savoir le contenu de son propre ventre, combien
a
`plus forte raison celui de son voisin »
29
.
La troisie
`me me
´taphore, celle qui fait du ventre un
symbole fe
´minin, e
´voque la fe
´condite
´et la grossesse.
Contrairement au ventre de l’homme dont l’importance
de
´coule de sa capacite
´a
`produire la connaissance, l’im-
portance du ventre comme mode
`le fe
´minin est lie
´ea
`la
capacite
´des femmes a
`produire des individus. De me
ˆme
que les hommes de
´pourvus de connaissances sont re
´pute
´s
e
ˆtre des re
´cipients vides, les femmes sans enfants sont
de
´conside
´re
´es au sein de la socie
´te
´. Quel que soit son
a
ˆge, une femme sans enfants est elle-me
ˆme vue comme
une enfant. Elle est de
´signe
´e par le nom de son pe
`re
(fille de. . .), et non par le qualificatif (maman de. . .). La
raison est qu’un ventre fe
´minin vide est une tare qui
met a
`mal la continuite
´ge
´ne
´rationnelle de la maison et
de la famille. Si le ventre porte en lui les symboles de la
fe
´condite
´et de la vie, il peut aussi produire la mort : « la
mort d’un enfant commence dans son ventre », raconte
Ussalaka Duluva, un des nombreux notables du chef
d’Udjila, et les rites de protection de l’enfant sont entre
autres centre
´s autour de son ventre pour le prote
´ger
tout au long de sa croissance physique, pre
´cise-t-il.
Certains enfants rec¸oivent a
`cet effet des amulettes de
protection autour de leur taille.
On se rend donc compte que les diffe
´rents the
`mes
e
´labore
´s autour du ventre peuvent se comple
´ter comme
ils peuvent s’opposer : le ventre symbolise la ge
´ne
´rosite
´
de me
ˆme que le repli sur soi; il peut e
ˆtre sie
`ge de la
sagesse et de la parole aussi bien que de l’indicible, de
la confusion et des sentiments non contro
ˆle
´sdejalousie;
il est le lieu de la fe
´condite
´,delafertilite
´et de la vie, mais
aussi de la de
´voration (me
´taphore lie
´ea
`la sorcellerie) et
de la mort. L’importance du ventre dans l’imaginaire
corporel explique pourquoi il est utilise
´comme ve
´hicule
dans l’e
´ducation des enfants. Les contes podokwo et
muktele racontant l’aventure des voleurs et des menteurs
terminent toujours sur une me
ˆme note, a
`savoir le ballon-
nement de leurs ventres. Dans cette me
ˆme veine, la
pratique des ordalies e
´tait centre
´e autour du ventre. On
faisait consommer aux personnes accuse
´es d’un de
´lit une
substance liquide pour de
´terminer leur culpabilite
´ou
leur innocence. En cas de culpabilite
´, leur ventre se
dilaterait jusqu’a
`ce que mort s’ensuive (Diye
´2012).
Finalement, le ventre humain est la fois ce qui confe
`re
112 / Melchisedek Che
´tima Anthropologica 58 (2016)
la distinction sociale a
`un individu dans le sens ou
`la
reconnaissance de l’identite
´de l’enfant commence par
son ventre. Dans le me
ˆme temps, il est un lieu ou
`son
e
´clipse sociale et physique peut avoir lieu dans la mesure
ou
`en cas de culpabilite
´lors des pratiques des ordalies,
c’est par le ventre que la destruction de l’individu de
´-
bute. Autrement dit, tout acte pose
´au cours de l’exis-
tence de l’individu peut avoir des conse
´quences qui
passent par l’effet physique dans le ventre, d’ou
`la place
qu’il tient en tant pilier central dans l’e
´ducation des
enfants a
`travers les contes. Cette importance et cette
ambigu¨ite
´intrinse
`que du ventre a imprime
´sa marque
sur le ventre de la maison dont le ro
ˆle est tout aussi
ambigu ; les deux de
´bouchant naturellement a
`rendre
les proprie
´taires des grandes maisons des e
ˆtres intrinse
`-
quement ambigus.
Comme le ventre humain, le ventre de la maison est
intrinse
`quement ambigu, car il juxtapose a
`la fois deux
sentiments contradictoires, a
`savoir la volonte
´de dis-
simulation et le de
´sir d’ostentation. La dissimulation
transparait dans le secret qui entoure le quartier des
femmes, en particulier celui des grandes maisons, et
l’ostentation apparaı
ˆ
ta
`travers les toits en tiges de mil
dont le ro
ˆle dans l’affichage public de la richesse de l’oc-
cupant est e
´vident. Conside
´rons premie
`rement l’aspect
dissimulateur. S’il est possible aux gens du village et
aux e
´trangers d’acce
´der dans le quartier de l’homme
et de pe
´ne
´trer dans les structures qui le composent, ce
n’est pas pareil avec le quartier des femmes dont le
moins que l’on puisse dire est qu’il est tenu a
`l’e
´cart de
tout regard exotique. Une personne qui se retrouverait
dans le ventre de la maison e
´tait tout simplement consi-
de
´re
´e comme un voleur ou une personne malintention-
ne
´e cherchant a
`provoquer l’infe
´condite
´des e
´pouses
et la mortalite
´infantile
30
. Une telle personne devrait
prouver son innocence en se soumettant a
`l’e
´preuve de
l’ordalie laquelle pourrait de
´boucher sur l’e
´clatement de
son ventre en cas de culpabilite
´(Diye
´2012).
Lors de mon se
´jour sur le terrain, la principale diffi-
culte
´a
`laquelle je faisais re
´gulie
`rement face e
´tait l’im-
possibilite
´d’entrer dans le ventre des grandes conces-
sions. Chez le chef de Baldama, par exemple, mes
tentatives re
´pe
´te
´es et l’insistance de mes guides et inter-
pre
`tes pourtant natifs du village ont e
´te
´sans succe
`s. Le
chef me permit ne
´anmoins de visiter toutes les structures
de la partie haute, mais en donnant a
`mes accompagna-
teurs l’ordre formel de veiller a
`ce que je n’arpente
pas le couloir vers le ventre de la maison. Ces derniers
m’explique
`rent que seuls les dignitaires de la me
ˆme
ligne
´e que le chef y acce
´daient annuellement pour assister
aux libations se de
´roulant au pied du grenier de l’homme.
Leur pre
´senceselimitaitdailleursa
`cette zone bien de
´ter-
mine
´e, la partie la plus infe
´rieure de la maison, c’est-a
`-dire
l’aire des cases et des cuisines, e
´tant tenue dans le plus
grand secret
31
. La raison se trouve dans le fait que le
ventre de la maison, tel le ventre humain, re
ˆvait une
dimension e
´nigmatique et a
`ce titre, tel le ventre humain,
l’e
´tranger ne doit pas savoir son contenu
32
.
Par ailleurs, la maison est configure
´e de telle sorte
que seuls ceux qui en ont une parfaite connaissance pou-
vaient y acce
´der. Comme l’e
´crit Seignobos, c’est par
un passage discret et oblige
´, « caracte
´rise
´par des ouver-
tures e
´troites longeant en paralle
`le l’entre
´e du domaine,
que l’on pe
´ne
`tre au sein de la concession » (Seignobos
1982:28). Il faut ajouter a
`cette e
´troitesse des couloirs,
les de
´nivellations du sol et l’obscurite
´qui rendent diffi-
cile le mouvement d’un visiteur vers le quartier des
femmes. L’unique entre
´e s’effectue a
`partir du domaine
de l’homme situe
´dans la partie haute de la maison,
laquelle de
´bouche directement sur le vestibule qui
constitue un lieu strate
´gique dans la mesure ou
`il est
le lieu de repos du chef de famille (Che
´tima 2010;
Seignobos 1982). En plus de prote
´ger les e
´pouses et
les re
´coltes, l’insistance sur la dissimulation poursuivait
visiblement un autre objectif qui est la cre
´ation d’un
halo de myste
`re autour du ventre de la maison, et
partant, autour du proprie
´taire lui-me
ˆme. Lie
´de pre
`s
au rapport entre ventre humain et ventre de la maison,
ce myste
`re particularise en quelque sorte les proprie
´taires
de vastes maisons les distinguant des autres gens du
village. Mais plus que cela, il conforte l’ide
´e selon la-
quelle le ventre de la maison est un oce
´an de myste
`res
et de secrets. Un informateur muktele pre
´cise a
`cet effet
que « le ventre de la maison est comme le ventre de
l’homme. Il cache beaucoup de choses, bonnes et mau-
vaises; agre
´ables et de
´sagre
´ables; heureuses et malheu-
reuses »
33
. Tout comme dans le ventre humain, toute
sorte d’e
´ve
`nements peuvent s’y produire. C’est dans
l’intimite
´du ventre de la maison, au pied du grenier
central, que les parents prononcent des paroles de be
´ne
´-
dictions pour la prospe
´rite
´de leurs enfants, aussi bien
que des paroles de male
´diction qui les hanteront des
anne
´es plus tard.
Si le ventre de la maison ve
´hicule un myste
`re autour
des grands dignitaires, c’est une tout autre image qu’of-
frent les toits des cases. La dissimulation et le secret
sont ici remplace
´s par l’ostentation. Alors que le ventre
de la maison est inaccessible, les toits sont accessibles
de sorte que tout le monde peut s’en approcher. Lorsque
je demandais au chef de Baldama le nombre des e
´pouses
contenues dans sa maison, un des notables anticipait sa
re
´ponse en disant que cela ne me concernait pas. Quel-
ques jours plus tard, le me
ˆme notable me confia que si
je voulais savoir le nombre des e
´pouses du chef, je
Anthropologica 58 (2016) Une maison n’est pas seulement un abri / 113
n’avais qu’a
`contempler les toits contenus dans le mur
d’enceinte. Les toits offrent en effet la possibilite
´d’avoir
une ide
´e sur la vie matrimoniale du proprie
´taire. Ils sou-
lignent ainsi le prestige d’un individu, car leur nombre
est synonyme d’abondance et de richesse, et re
´ve
`le l’im-
pressionnante production de mil de l’occupant. C’est
sans doute l’importance des toits dans l’imaginaire local
qui fait dire a
`Christian Seignobos que les montagnards
multipliaient volontiers le nombre des cases pour paraı
ˆ
tre
prestigieux (1982:33).
L’accent mis sur l’aspect dissimulateur et ostenta-
toire du ventre de la maison re
´ve
`le une fonction impor-
tante du quartier des femmes, a
`savoir sa capacite
´a
`
rendre prestigieux le proprie
´taire (Che
´tima, 2007).
C’est ici que vivent les femmes qui constituent la plus
pre
´cieuse source de prestige qu’un homme peut dis-
poser. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les monta-
gnards ont une inclinaison pour la polygamie. Sans faire
l’objet d’une institutionnalisation, le re
ˆve de tout monta-
gnard est d’avoir un maximum possible de femmes, et
par ricochet une multitude d’enfants. Si cela est vrai
pour le paysan ordinaire, il l’est davantage pour ceux
qui de
´tiennent un pouvoir quelconque, et pour ceux qui
sont a
`la que
ˆte de l’honneur et du prestige. On dit du
chef Mozogo qu’il a contracte
´une centaine de mariages
au cours de son re
`gne. Dans certaines chefferies comme
celle des Muktele de Zuelva, la polygamie est en train
d’e
ˆtre e
´rige
´e en une sorte de rite de passage par le biais
duquel le chef prouve son aptitude a
`re
´gner. Au cours de
mon se
´jour dans ce village en 2011, l’actuel chef, qui fut
par ailleurs mon interpre
`te a
`cette pe
´riode, n’e
´tait marie
´
qu’a
`une seule femme. Lorsqu’il fut de
´signe
´pour succe
´-
der a
`son pe
`re de
´ce
´de
´en 2011, il s’engagea dans des
alliances matrimoniales pour assurer, dit-il, la continuite
´
de la maison royale.
Si la polygamie be
´ne
´ficie d’un jugement positif de
la part des montagnards, c’est en partie parce que les
femmes tiennent une importance dans la dynamique de
la maison. D’une part, le ventre de la maison est indis-
pensable pour fe
´conder les e
´pouses et assurer la survie
des nouveau-ne
´s. D’autre part, femmes et enfants met-
tent a
`la disposition du chef une main-d’œuvre abondante
pour la culture de ses champs de mil. Femmes, enfants et
mil influent en dernier ressort sur le plan et la dynamique
du ventre de la maison. Le tout mis ensemble permet au
Figure 2 : Oce
´an de toits de la maison du chef de Baldama : un
indicateur de son statut matrimonial et social.
Figure 3 : Toits et murs des cases constituant le ventre de la
maison du chef de Baldama, vue de gauche.
Figure 4 : Polygamie en tant que facteur important dans
l’e
´largissement de la maison et l’ascension sociale du proprie
´-
taire.
114 / Melchisedek Che
´tima Anthropologica 58 (2016)
chef de famille de gagner en prestige gra
ˆce a
`la visibilite
´
des toits en tiges de mil et a
`l’e
´largissement de la maison
du a
`l’abondance des re
´coltes et au nombre de personnes
toujours croissant qui y vivent.
Il n’est donc pas surprenant que les monts Mandara
apparaissent comme l’une des re
´gions les plus peuple
´es
avec des densite
´sde
´passant parfois les 100 hab./km
2
et atteignant les 200 hab./km
2
dans certains massifs
podokwo et muktele (Hallaire 1991:28). Cette densite
´
humaine est e
´videmment ce
´le
´bre
´e dans l’architecture,
et on pourrait me
ˆme avancer a
`la suite de Dominique
Malaquais (2002:127) que la femme et la maison s’inter-
connectent dans une relation dialectale et re
´cursive.
L’un des the
`mes les plus dominants dans la de
´coration
des cases montagnardes est d’ailleurs l’image des seins
que l’on trouve sur les parois des cuisines et au-dessus
de la table meulie
`re. Plus les femmes sont nombreuses
et fe
´condes, plus le ventre de la maison sera large,
et plus le prestige de l’occupant deviendra e
´vident. La
fe
´condite
´fe
´minine est importante non seulement parce
qu’il permet de rendre visible et tangible le prestige du
chef, mais aussi parce qu’il participe a
`la construction
me
ˆme de ce prestige gra
ˆce au pouvoir qu’il exerce sur
la conception et sur la vie.
Par exemple, lors d’une rencontre avec Slagama, un
participant a
`ma recherche dans le village d’Udjila, j’ai
e
´te
´invite
´a
`le suivre dans sa concession, de
´sireux de me
montrer les nombreuses cases et personnes qui la
composent. Avant d’arriver dans l’enceinte inte
´rieure,
nous marchions a
`travers les vestibules, les cases d’entre
´e
avec ses caracte
´ristiques de deux ouvertures, chacune
donnant l’acce
`sa
`une autre. Une fois dans l’enceinte de
la concession, Slagama me montra avec admiration les
quartiers d’e
´pouses, sept au total compose
´s, chacun
d’une cuisine, d’une case a
`coucher et de deux greniers.
En m’expliquant les principes qui commandent la dis-
position des domaines des e
´pouses au sein de la maison,
Slagama profita pour souligner l’importance de la poly-
gamie dans la socie
´te
´podokwo : « avoir plusieurs femmes
te permet d’avoir une grande maison et des re
´coltes
abondantes », pense-t-il. En prenant pour mode
`le de
re
´ussite sociale son cas personnel, Slagama explique
qu’avec ses sept e
´pouses, sa concession ressemble a
`un
bastion et impose le respect dans tout le village. En
tant que tel, Slagama est tre
`s respecte
´dans le village.
Un de ses voisins affirme d’ailleurs :
Les gens e
´coutent Slagama quand il parle au sujet
des affaires du village et remettent rarement en ques-
tion les conseils qu’il donne. Si tu aperc¸ois une maison
comme sa part, la personne qui l’occupe doit e
ˆtre un
homme tre
`s riche dans la socie
´te
´, et en temps de
grande famine, c’est vers lui que les autres gens du
village accourent pour avoir les vivres.
« C’est un travailleur acharne
´, comme tu peux voir
en observant ses cases et ses greniers toujours remplis
de mil », renche
´rit un autre voisin. Ses sept femmes
et une dizaine de ses enfants les plus a
ˆge
´s forment
la majeure partie de sa force de travail. Cependant,
Slagama explique qu’il n’est pas respecte
´parce qu’il a
beaucoup de femmes, d’enfants et de vivres, mais sim-
plement parce que sa maison impose le respect et oblige
les passants a
`jeter un regard d’admiration pour son
mur et pour les toits enfile
´s de ses nombreuses cases.
En faisant le tour exte
´rieur de sa maison, nous apercevons
la maison d’un voisin a
`Slagama situe
´e juste en contrebas.
Comme, on peut l’observer sur la figure 5, le
contraste entre la maison de Slagama et celle de son
voisin est bien visible. Si la maison de Slagama est effec-
tivement une grande et une belle structure, celle de son
voisin n’est qu’une petite concession comprenant seule-
ment trois cases relie
´es entre elles par de petits murets.
En me racontant l’histoire de vie de son voisin, ses
de
´boires et les nombreux divorces qui ont e
´maille
´son
histoire de vie, Slagama se sert de la maison de ce
dernier en la pre
´sentant comme le prototype me
ˆme de
la maison d’une personne qui a e
´choue
´sur le chemin de
l’ascension sociale :
Tu vois le petit mur la
`? Il contient seulement quel-
ques cases, tu peux compter les toits. La
`, c’est un
pauvre type qui habite seul. Toutes ses femmes l’ont
abandonne
´, et pourquoi ? Parce qu’il n’arrive pas a
`
les entretenir [Rires]. Et ou
`sont ses enfants ? Me
ˆme
sa maison montre qu’il est un homme irresponsable.
Comment pareil homme peut-il se faire respecter
dans le village ? Chez nous, la maison est comme un
miroir dans lequel les gens te regardent
34
.
Figure 5 : Maison de Slagama en altitude ceinte par un grand
mur d’enceinte.
En dessous est la maison de son voisin, petite concession de
trois cases et d’un grenier.
Anthropologica 58 (2016) Une maison n’est pas seulement un abri / 115
En tant que « miroir dans lequel les gens peuvent te
regarder », Slagama ne voit certainement pas la maison
comme un simple reflet passif des relations sociales. Il
fait surtout allusion a
`son pouvoir d’action et a
`sa capa-
cite
´de communiquer, de repre
´senter, d’influencer et
d’enseigner les individus qui l’habitent. En tant que
telle, elle est ve
´cue comme un symbole fort de la re
´ussite
ou de l’e
´chec d’une personne dans la vie. Elle re
´ve
`le des
informations sur les relations familiales et les re
´seaux
sociaux, ou l’absence de ces relations et de ces re
´seaux.
Elle donne des informations sur l’e
´conomie d’un me
´nage
et l’honorabilite
´d’un individu, ou sur sa vulne
´rabilite
´
e
´conomique et l’absence de son honorabilite
´. Elle ne fait
pas que renvoyer l’image du possesseur aux autres, mais
donne a
`celui-ci l’occasion de se (re)garder lui-me
ˆme,
d’e
´valuer sa re
´putation au sein de la socie
´te
´et de l’ame
´-
liorer par la construction d’une autre maison « plus
grande et plus belle ». A
`travers la transformation de la
maison s’ope
`re ainsi une modification de l’image du pro-
prie
´taire qui, finalement, est ce qui compte le plus. La
fonction classique de la maison (lieu pour habiter, lieu
pour manger, lieu pour se reposer, etc.) est de
`s lors de-
vance
´e par celle de barome
`tre de la re
´ussite e
´conomique
et surtout sociale.
Par ailleurs, la visite guide
´e de la maison de Sla-
gama montre donc clairement les imbrications entre le
re
´cit de vie des personnes et l’histoire de vie de leurs
maisons. Elle e
´tablit e
´galement le rapport entre soi et
les autres en terme d’importance et de re
´ussite au plan
social. Plus qu’un simple objet mate
´riel, elle incorpore
des intentions signifiantes, car a
`la fois forme et sens,
ce qui rend impertinent la se
´paration longtemps entrete-
nue entre maison en tant structure physique et maison
en tant que forme expressive. En plus de cette valeur
sociale, la maison re
´ve
`le aussi son co
ˆte
´ostentatoire. A
`
ce titre, elle interpelle et envou
ˆte les passants (comme
c’est le cas avec la maison de Kwona et de Slagama) les
obligeant a
`s’exclamer et a
`jeter un coup d’oeil pour e
´va-
luer l’importance de son occupant. Ce ro
ˆle ostentatoire
oblige a
`reconnaı
ˆ
tre son importance en tant que me
´dia-
trice dans la pre
´sentation de soi aux autres membres de
la socie
´te
´. Cette pre
´sentation de soi peut e
ˆtre vue d’un
point de vue goffmanienne (Goffman 1959), ou
`la maison
et les objets domestiques deviennent une collection de
de
´cors et d’accessoires de la performance sociale. Dans
cette avenue, les gens choisissent, pour les manipuler,
certains aspects de leurs maisons dans le but de montrer
aux autres l’importance qu’ils ont au sein de la socie
´te
´.
Conclusion
Ce qui pre
´ce
`de ame
`ne deux conclusions. Premie
`rement,
il ressort que la maison, notamment ce que les popula-
tions appellent le « ventre de la maison », et la famille
sont mutuellement constitutives et e
´voluent en tandem.
La maison doit son e
´largissement au nombre croissant
des individus qui y habitent et qui exercent de ce
fait leur agency pour agrandir l’espace domestique de
fac¸on a
`contenir les nouveaux membres et le surplus
des re
´coltes. Le nombre croissant d’individus est en
retour attribue
´au pouvoir protecteur du ventre de la
maison qui exercerait un pouvoir surnaturel sur les
esprits male
´fiques susceptibles de nuire a
`l’e
´quilibre
familial. Cet entrelacement entre maison et famille
rappelle la notion de « double structuration » (Giddens
1989, 1984), laquelle met l’accent sur la manie
`re dont
des entite
´s distinctes s’incrustent l’une dans l’autre. La
maison devient ainsi un facteur central dans la formation
et la reproduction sociale, e
´conomique et me
ˆme morale
de la famille biologique (Birdwell-Pheasant et Lawrence-
Zuniga 1999:7; Le
´vi-Strauss 1987:210). C’est pour cela
qu’en tant que lieu de vie et d’identite
´, le ventre de la
maison est la partie de la maison la plus malle
´able, car
c’est son incessante modification qui de
´termine le regard
que les Mura, les Muktele et les Podokwo portent sur
l’occupant. La malle
´abilite
´du ventre de la maison incor-
pore ce qu’Alfred Gell (1998) appelle l’intentionnalite
´des
acteurs et sert d’interme
´diaire a
`leur ascension sociale
en devenant un agent de diffe
´renciation et de hie
´rarchi-
sation entre individus. Alfred Gell affirme dans ce sens
que les objets, y compris ceux n’ayant aucune fonction
directement identifiable, sont produits pour influencer
les pense
´es et les actions des individus (1998:18–21). Ce
postulat est particulie
`rement important, car il e
´tend
l’agency au-dela
`de l’action humaine pour embrasser
des objets susceptibles d’agir sur leurs cre
´ateurs.
Cependant, ici c’est la maison dans toute son entie
`rete
´
qui doit e
ˆtre conside
´re
´e comme un agent et non simple-
ment les objets comme le conc¸oit Alfred Gell. La maison
est certes un lieu cre
´e
´dans le but premier de disposer
d’un espace pour le repos, la pre
´paration des aliments
et le stockage des re
´coltes. Mais en plus de satisfaire a
`
ces besoins fonctionnels, la maison exerce une influence
re
´elle sur les acteurs en favorisant ou limitant leur
ascension sociale.
Deuxie
`mement, les donne
´es ethnographiques pre
´-
sente
´es dans le cadre de cette e
´tude suit et prolonge
les conclusions remarquables d’Igor Kopytoff (1986) et
d’Arjun Appadurai (1986) selon lesquels les objets te
´le
´-
guident la vie sociale des individus parce qu’e
´tant
eux-me
ˆmes investis d’une vie sociale. J’ai montre
´que
les maisons sont ve
´cues comme des extensions me
ˆmes
de leurs occupants (Carsten et Hugh-Jones 1995:2), et
qu’elles sont si fermement entrelace
´es dans la vie sociale
de ces derniers qu’ils finissent par faire partie d’un seul
116 / Melchisedek Che
´tima Anthropologica 58 (2016)
et me
ˆme processus. Autrement dit, les maisons nous
font dans le cadre du me
ˆme processus par lequel nous
les faisons (Che
´tima 2016). Sur la base de ce postulat, il
devient ne
´cessaire de prolonger les ide
´es de Rapoport
(1990, 1988, 1982, 1969) qui voyait de
´ja
`la maison comme
un signe et un te
´moin de la culture de l’individu qui
l’habite. Pluto
ˆt que d’e
ˆtre simplement l’expression des
relations sociales, je postule que la maison et les objets
domestiques deviennent de ve
´ritables moyens par les-
quels la culture vient activement affecter les individus.
La soumission de la maison a
`l’homme, ide
´e dominante
chez Rapoport, rend de
`s lors place a
`l’agency de la
maison qui, a
`son tour, peut l’emporter sur la volonte
´de
l’homme.
L’implication plus large de cette conclusion autorise
l’inscription de la maison dans une position relationnelle
a
`l’e
´gard des sujets humains. Reve
ˆtue de son statut d’ac-
tant, elle symbolise, repre
´sente et parfois transgresse
les pratiques sociales des individus (Duncan 1973:261).
Les tranches de vie de Kwona et de Madu pre
´sente
´s
dans ce travail montrent que le souci d’ascension sociale
par le biais de la maison est parfois si important qu’il
pousse les individus a
`tout faire pour posse
´der une qui
soit capable de traduire l’image prototypique qu’ils ont
ou qu’ils souhaitent avoir au sein de la communaute
´.
Autrement dit, les gens, inde
´pendamment de leurs sta-
tuts sociaux, sont conscients du fait que leurs identite
´s
sont ge
´ne
´re
´es et maintenues par la possession et / ou la
transformation continue de la maison. La non-possession
de celle-ci ou l’incapacite
´de la transformer les empe
ˆche
a
`s’inscrire dans la logique de la concurrence et les
places sous les effets destructeurs de la maison qui finit
parfois par les de
´vorer au sens symbolique et litte
´ral
du terme. Tre
`s souvent, ils ne se rendent pas toujours
compte des effets presque de
´moniaques de leurs maisons,
qui en re
´ve
´lant son co
ˆte
´anthropophage, ne leur permet-
tent pas de be
´ne
´ficier pleinement de leurs cre
´ations
(Moisa 2010:490).
Cette e
´tude montre donc qu’il existe un revers de
la me
´daille dans la relation anthropomorphique qui unit
l’individu a
`la maison. Si de nombreux auteurs ont insiste
´
sur l’agency de la maison pour indiquer son ro
ˆle dans la
production et la recomposition des identite
´s des gens,
l’accent sur ses effets presque destructeurs a e
´te
´
ne
´glige
´. Pourtant, c’est justement en e
´tudiant les effets
nuisibles de la maison sur ceux qui ont le sentiment
d’avoir e
´choue
´que son agency peut-e
ˆtre davantage mis
en e
´vidence. En tant que repre
´sentation du corps, la
maison se dote des significations symboliques suscepti-
bles de propulser l’individu (le cas de Kwona) ou de le
faire re
´gresser (cas de Madu) dans l’e
´chelle sociale. Ces
deux exemples re
´ve
`lent de
`s lors la nature paradoxale de
la maison; d’une part, elle contribue effectivement a
`
construire et a
`communiquer le nouveau statut social et
honorable ; d’autre part, elle freine l’ascension sociale et
contribue a
`la mauvaise re
´putation de l’individu. Ainsi,
l’inscription de la maison a
`l’inte
´rieur de l’e
´conomie
locale de l’honneur n’est qu’un co
ˆte
´de la me
´daille ; l’autre
e
´tant l’e
´chec social. Comme l’indique Daniel Miller :
« There are many conflicts between the agency expres-
sed by individuals, by the family, the household, and not
least [. . .] the house itself, that make the private more a
turbulent sea of constant negotiation rather than simply
some haven for the self » (2001:4). Miller ira encore plus
loin en postulant que : « where we cannot possess we
are in danger of becoming possessed » (Miller 2001:120).
Autrement dit, l’incapacite
´de posse
´der une maison rend
l’individu susceptible d’e
ˆtre continuellement posse
´de
´par
l’ide
´e de la maison et de subir ses effets presque me
´phis-
tophe
´liques.
Melchisedek Che
´tima. Universite
´de Maroua, Cameroun.
Courriel : chetimam@yahoo.fr.
Notes
1 Entretien avec Dgla, homme de 80 ans, le 17 novembre
2011, a
`Dume.
2 Entretien avec Dagabou, homme de 50 ans, le 03 juin 2012,
a
`Dume.
3 Dans son analyse sur les greniers de l’Afrique de l’Ouest,
Labelle Prussin (1972) avait de
´ja
`avance
´l’ide
´e que la con-
struction du grenier au centre de la concession refle
´tait le
rapport entre la fertilite
´du sol et la fertilite
´de la famille.
Dans cette correspondance, Prussin note que les greniers
e
´taient une expression formelle de la grossesse elle-me
ˆme.
4 Entretiens avec Dagwene, homme de 82 ans, le 14 novem-
bre 2011, a
`Dume; avec Aje, femme de 70 ans, le 07 juin
2012, a
`Dume.
5 Entretien avec Dgla, homme de 82 ans, le 07 novembre
2011, a
`Dume.
6 Entretiens avec Kwona, homme de 65 ans, le 19 novembre
2011, a
`Dume ; avec Maryam, femme de 55 ans, le 14
novembre 2011, a
`Dume.
7 La symbolisation de l’union des principes masculin et
fe
´minin e
´tait a
`l’œuvre de
`s la construction de la maison
fali par le biais de la symbolique des mate
´riaux utilise
´s:
la pierre se
`che, e
´le
´ment ma
ˆle, e
´tait utilise
´e pour construire
le domaine de l’homme, alors que l’argile humide, e
´le
´ment
fe
´minin, entrait dans la construction des structures situe
´es
dans la partie basse de la maison (Lebeuf 1960 : 520). Dans
la me
ˆme veine, la construction des cases d’argile, e
´le
´ments
femelles, que recouvrent les toitures en tiges de mil, e
´le
´-
ments ma
ˆles, renforc¸ait l’ide
´e symbolique du rapport entre
maison et fe
´condite
´. Finalement, Jean-Paul Lebeuf com-
pare la maison a
`un couple procre
´ant (1960:523).
8 Entretien avec Dgla, homme de 80 ans, le 17 novembre
2011, a
`Dume.
9 Entretien avec Kwona, homme de 65 ans, le 19 novembre
2011, a
`Dume.
Anthropologica 58 (2016) Une maison n’est pas seulement un abri / 117
10 Chez les Mura, comme chez la plupart des socie
´te
´s monta-
gnardes du Nord-Cameroun, il n’est pas autorise
´a
`un
humain d’e
´peler les organes sexuels par leurs noms dans
des discours publics, car cela s’apparente a
`de l’impudeur
tre
`s mal vue au sein de la socie
´te
´. La pudeur recommande
de leur trouver des correspondances symboliques. Dans ce
sens, le terme ventre de la maison dans le langage symbo-
lique montagnard ne correspond pas au plan anatomique
au ventre. Il de
´signe me
´taphoriquement le sexe fe
´minin,
de me
ˆme que le grenier, symboliquement appele
´te
ˆte de
la maison, de
´signe le sexe ma
ˆle. Voir aussi (Lebeuf
1960:519–540) pour une description de
´taille
´e des corres-
pondances symboliques entre les organes ge
´nitaux humains
et les parties sexuelles de la maison.
11 Ces observations rejoignent celles faites par Suzanne Blier
sur la maison des Taberma au Be
´nin qu’elle compare a
`des
humains (1987), posse
´dant des caracte
´ristiques masculines
et fe
´minines dont l’union aboutit a
`la fe
´condation de la
maison et des individus qui y vivent (1983:379-380). Par
ailleurs, lors de rituels marquant la ce
´le
´bration des fune
´-
railles des personnes a
ˆge
´es, remarque Suzanne Blier, le
chef de la maison est tenu de verser sur le seuil quelques
grains de mil pris dans le grenier. Cet acte symbolique
est une invite a
`l’a
ˆme de la personne de
´ce
´de
´e de quitter la
maison pour regagner le monde des ance
ˆtres localise
´sa
`
l’entre
´e. Chaque maison, conclut Blier, incorpore a
`travers
ses structures corps et a
ˆme, tous deux essentiels pour as-
surer l’e
´quilibre sexuel et mental de l’occupant (1983:382).
12 Entretiens avec Dagwene, homme de 82 ans, le 13 novem-
bre 2011 et le 03 juin 2012, a
`Dume ; avec Dawcha, homme
de 58 ans, le 17 mai 2012, a
`Mora-Massif.
13 Entretien avec Dawcha, homme de 58 ans, le 17 mai 2012,
a
`Mora-Massif.
14 Voir aussi Suzanne Blier (1987, 1983) pour une analyse
plus ou moins similaire de l’importance de la maison dans
le traitement de certaines maladies chez les Batammaliba
du Be
´nin.
15 Sur la fre
´quence des divorces dans les monts Mandara,
voir des e
´tudes mene
´es par Jeanne-Franc¸oise Vincent chez
les Mofu (1990, 1985, 1972) et par Bernard Juillerat (1971)
chez les Muktele. Les te
´moignages que j’ai recueillis chez
les Podokwo, Muktele et les Mura rejoignent amplement
les conclusions de Vincent et de Juillerat.
16 Voir a
`ce sujet Jeanne-Franc¸oise Vincent (1990).
17 Une date a
`situer approximativement a
`la fin des anne
´es
1950 si on conside
`re l’a
ˆge approximatif de 60 ans fourni
par Kwona au moment de mon se
´jour de recherche a
`
Dume en novembre 2011.
18 Tel un humain, les Mura conside
`rent que la maison e
´volue
en trois phases avant de re
´gresser pour devenir une habi-
tation de vieillard, correspondant ainsi aux trois phases du
de
´veloppement humain (entretiens avec Dagwene, homme
de 82 ans, le 14 novembre 2011, a
`Dume; avec Dgla,
homme de 80 ans, le 14 novembre 2011, a
`Dume).
19 Entretien, homme de 47 ans, le 14 mai 2012, a
`Mora-Massif.
20 Entretien avec Dgla, homme de 80 ans, le 14 novembre
2011, a
`Dume.
21 Entretien avec Dagwene, homme de 82 ans, le 14 novembre
2011, a
`Dume.
22 Entretien avec Mahama, homme de 47 ans, le 14 mai 2012,
a
`Mora-Massif.
23 Entretien avec Kwona, homme de 65 ans, le 19 novembre
2011, a
`Dume.
24 Entretien, homme de 70 ans, le 09 avril 2007, a
`Udjila.
25 Entretien avec Mozogum, homme de 87 ans, le 13 fe
´vrier
2012, a
`Udjila.
26 Entretien avec Slagama, homme de 65 ans, le 24 mai 2007,
a
`Udjila.
27 Me
´taphore employe
´e par Dominique Malaquais (1994)
dans son e
´tude anthropomorphique du ventre de la maison
chez les Bamile
´ke
´.
28 Entretien avec Slagama, homme de 65 ans, le 22 mai 2007,
a
`Udjila.
29 Entretien avec Ussalaka Duluva, homme de 70 ans, le 13
fe
´vrier 2012, a
`Udjila.
30 Entretiens avec Bedje Barama, homme de 58 ans, le 13
fe
´vrier 2012, a
`Udjila; avec Madama Dugdje, femme de 38
ans, le 15 fe
´vrier 2012, a
`Udjila.
31 Contrairement au ventre de la maison tenu dans la plus
stricte discre
´tion, la partie haute de la maison est pratique-
ment de
´nude
´e et expose
´ea
`la vue de tous, et donc ne
requiert aucun secret ni myste
`re. C’est d’ailleurs dans les
vestibules dans la maison du chef de Baldama et dans celle
de Slagama que j’e
´tais parfois rec¸u.
32 Entretien avec Ussalaka Duluva, homme de 70 ans, le 13
fe
´vrier 2012, a
`Udjila.
33 Entretien avec Kwala, homme de 80 ans, le 27 de
´cembre
2011, a
`Baldama.
34 Entretien avec Slagama, le 23 mai 2007, a
`Udjila.
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120 / Melchisedek Che
´tima Anthropologica 58 (2016)
... In the Mandara Mountains of far North Cameroon, ORSTOM researchers (Barreteau, 1988;Vincent, 1981Vincent, , 1976Vincent, , 1975Vincent, , 1971Barreteau and Sorin, 1976) had sufficiently laid the groundwork for studies of ordeal practices in Mofu communities. Recent work has highlighted the importance of sacrificial rites in the society (Chétima and Gaimatakwan, 2016;Chétima, 2016Chétima, , 2015 and particularly their role in resolving and managing social conflicts (Diyé, 2016(Diyé, , 2012Dekané, 2015). However, these authors have not adequately addressed the place of kuley in the settlement of land disputes. ...
... This does not mean, however, that women in this area are not mobile or do not have the capacity to act on their own. On the contrary, they have always been the mobile element of society and have shown their agency whenever necessary (see Chétima 2016;Schaafsma and Van Santen 2000;Van Santen 1998 MihĈilescu 2011;). Migration is also the subject of intense debate in the social sciences and is examined in terms of causes, impacts, modalities, trajectories, and intensities (Rosales 2010). ...
Article
This article explores the different ways in which new houses built by migrants from the Mandara Mountains to bigger cities in Cameroon function as an important site for studying their relations within the cities and within their communities of origin. I argue that these new houses constitute both a powerful resource for addressing migrants’ stories about their migratory experiences and a constituent element of these experiences. In many circumstances, the migrants interviewed were unable to speak separately of their migratory experiences and their homes. Thus, the impact of their mobility to cities goes far beyond the mere ownership of the houses; they also manage to change their perceptions of themselves, to restructure their models of social interaction with other migrants, and to change the balance of their relations with the village. The article ends by proposing to connect the two sides of the village/city duality to find out how the local is a product of the global and how the local has reappropriated the global, giving it a meaning.
Article
Full-text available
This article focuses on a type of habitat that existed in the Roman territories in North Africa and assumes that the domestic architecture of the domus is a reflection of the collective identity of culture buried for millennia and considers that house can be a carrier of cultural information in its spatial configuration. Space syntax, through its configurational analysis techniques, allows establishing a qualitative and quantitative analysis by reconstructing the ancestral way of life and the interactions between inhabitants and strangers. We here present and discusse the results of the syntactic analyzes applied to a set of large Roman-African residences or domus in the Roman site of Djemila (cuicul) in Algeria. Topics covered include the spatial organization of the domus and the potential for integration and control of shared activity areas within the residence, with an assessment of its relationship with human use of space and functioning of the domus with the public space through its permeability. It appears that the spatial and formal models created through buildings and the way they are connected and sequenced correspond to codes that govern the activities that take place there, those that need to be separated, and which categories of people have access to them. The domus is structured by the introduction of a multitude of transitional spaces which had two major effects: creating a hierarchy from the outside world to the interior of the building and inducing movement by creating circulation alternatives and help separate areas of unrelated function and areas dedicated to a specific function.
Article
In 2016 Olivier Gosselain published a paper in Archaeological Dialogues suggesting that ethnoarchaeology should “go to hell”. His provocation misrepresents the ethnoarchaeology of the past quarter century, as is evident in a literature of which he appears largely unaware. Here we refute his charges, showing, for example, that ethnoarchaeologists neither regard the societies with which we work as living fossils, nor do we entertain naïve stereotypes regarding their workings. Our refutations are accompanied by commentaries on topics raised that introduce readers to the substantial recent literature. Far from a wreck, ethnoarchaeology, a form of material culture studies practiced by and mainly for archaeologists, has vigor and relevance, making theoretical, methodological and historical contributions that are worldwide in scope. And as we demonstrate for Africa, non-Western ethnoarchaeologists contribute substantially to the ethnoarchaeological literature.
Article
Ethnic groups living in the Mandara Mountains are assumed to be segmentary in structure, which is why scholarly literature portrays them as egalitarian societies. The configuration of the architectural landscape reveals a different reality. This article shows how the architectural landscapes of the Mandara Highlands are ideologically constructed to represent and legitimize hierarchies between clans and individuals. Physical entities appear as particular elements of social space, and as places socially constructed and tinged with ideologies. These fieldwork-based observations provide the foundation for interrogating the meaning of egalitarianism in African society.
Article
This paper argues that changes in architectural practices related to the emergence of modern elites in the Mandara Mountains blur the relationship between them and the village’s permanent residents. Probably because they spend much of their time in urban cities, modern elites prefer building their main houses in those locations. Villagers interpret their behavior as a message of rejection. In turn, this interpretation significantly affects the reciprocal relationships between modern elites and the villagers. Although the former would built houses in the village also, this practice does not remove the suspicion they attract from the latter. On the contrary, the massive character of the houses combined with their emptiness contribute to reinforce the villagers’ belief that they are the fruit of occult practices. Relying on these observations, I argue that elites’ houses are not only the sites of production of social relations, as Claude Lévi-Strauss theorized, but they are also the site of tensions.
Article
The relationship between material culture and ethnicity is an important topic of social science research, but review of the literature shows that archaeologists were more interested in ceramics and to a certain extent in metals and mortuary practices. Other material artefacts such as basketry or architecture attracted little attention, while elsewhere it has been shown that variations in techniques and architectural forms are used to emphasize or to disrupt ethnic distinctions. The Mandara data presented here and collected among three different ethnic groups (Podokwo, Muktele, Mura) show that houses are considered as more important compared to other material artefacts when one comes to speak about ethnicity. People used material practices related to houses to establish specific social parameters so as to differentiate themselves from others (e.g. the Podokwo), as a way to regulate marital relationships (e.g. the Muktele), and as a means to articulate cultural practices that determine interrelationships among rival clans (e.g. the Mura).
Article
Witchcraft and modernity: the return to an odd complicity How is it that « traditional » discourse on witchcraft has shown such surprising resilience in the face of modernity? In this article, the author demonstrates that there is a basic convergence between witchcraft, as a somewhat hidden opening in the closure of the local community, and the emergence of both fascinating and frightening new horizons, which include the impact of recent transformations in the world-market. Generally speaking, the resilience of witchcraft in Africa seems to parallel manifestations of the « re-enchantment » of modernity noted elsewhere in the world. The study of the modern dynamics of witchcraft challenges current academic perspectives: instead of insisting on definitions and the classification of these phenomena, we should work towards a pluralist epistemology.
Article
Foreword 1. The Problem Defined: The Need for an Anthropology of Art 2. The Theory of the Art Nexus 3. The Art Nexus and the Index 4. The Involution of the Index in the Art Nexus 5. The Origination of the Index 6. The Critique of the Index 7. The Distributed Person 8. Style and Culture 9. Conclusion: The Extended Mind Bibliography Index
Article
This paper tests the hypothesis that landscape taste reflects group membership. Different types of residential landscapes are isolated on the basis of general appearance and of an inventory of artifacts. Subtle variations in the residential landscapes of two groups of almost equally high socioeconomic status are shown to be significant in identifying the members of the groups. Examination of the membership lists of local churches and of social organizations reveals that the boundary between the two principal landscapes also represents a boundary between social networks.
Article
Anthropomorphism is a central feature of the architecture of the Tamberma, a Voltaic people of Africa's western savanna. In a variety of ways, the Tamberma suggest that their houses are human, that they represent men and women. Like humans, each house is said to be made from flesh, bones, and blood (earth, pebbles, and water). Many parts of the house also are given distinctively human names and identities (head, eyes, lips, tongue, nose, ear, stomach, bile, penis, etc.). Forms of architectural decoration, and types of symbolic behavior directed towards the house (greeting the house, drinking with the house, shooting the house, feeding the house), are also drawn from human models. This essay explores the multiple human dimensions of these buildings. It discusses the manner in which architecture, by defining the human, helps to clarify Tamberma psychology, and how, through this model, it serves as a central symbol and structuring device in Tamberma psychological and therapeutic processes.