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Les microARN dans le cancer du foie
Angélique Gougelet, Sabine Colnot
To cite this version:
Angélique Gougelet, Sabine Colnot. Les microARN dans le cancer du foie. médecine/sciences, EDP
Sciences, 2013, 29 (10), pp.861-867. �10.1051/medsci/20132910013�. �inserm-02532862�
861
SYNTHÈSE REVUES
m/s n° 10, vol. 29, octobre 2013
DOI : 10.1051/medsci/20132910013
médecine/sciences 2013 ; 29 : 861-7
médecine/sciences Les microARN dans
le cancer du foie
à l’orée de nouvelles
thérapies ciblées ?
Angélique Gougelet, Sabine Colnot
> Les microARN (miARN) sont de petits ARN non
codants qui contrôlent négativement l’expression
de leurs cibles. Par leur mutiplicité d’action, ils
jouent un rôle majeur dans nombre de processus
physiologiques et dans la tumorigenèse.
L’identification de signatures miARN pour une
grande variété de tumeurs, dont les carcinomes
hépatocellulaires (CHC), a mis en évidence le
rôle ambivalent des miARN, à la fois oncogènes
et suppresseurs de tumeurs. Dans cette revue,
nous faisons un tour d’horizon des connaissances
actuelles de la dérégulation des miARN dans
les maladies du foie. Toutes les études dédiées
aux miARN sont en faveur de leur utilisation
en tant qu’outil diagnostique, pronostique et
thérapeutique. Un intérêt tout particulier sera
porté aux stratégies thérapeutiques qui ciblent
les miARN dans le CHC. <
de précurseurs, puis rendus matures par la protéine Dicer (Figure 2).
Les miARN matures s’apparient avec la région 3’ non traduite de
leurs ARN messagers (ARNm) cibles grâce à l’intervention du com-
plexe RISC (RNA-induced silencing complex). Les miARN sont des
régulateurs négatifs de l’expression génique puisqu’ils provoquent
la dégradation des ARNm suite à leur déadénylation et/ou bloquent
leur traduction (initiation et élongation) [1]. Un même miARN peut
ainsi cibler plusieurs ARNm et, inversement, un ARNm peut être la
cible de différents miARN.
Les miARN : marqueurs diagnostiques et pronostiques
Les miARN sont impliqués dans de nombreux processus physiologiques,
tels que la croissance, la prolifération ou la différenciation, mais
également pathologiques, tels que le cancer. Au cours du développe-
ment tumoral, les miARN jouent un rôle ambivalent de suppresseurs
de tumeurs ou d’oncogènes. Leur expression est en effet soumise aux
mêmes régulations qu’un gène « classique » (amplification, hyper-
méthylation du promoteur, délétion, translocation, polymorphisme
d’un nucléotide simple, etc.). De nombreuses analyses de l’expression
des miARN dans une grande variété de tumeurs ont mis en évidence
l’existence de signatures miARN spécifiques selon l’origine cellulaire
et tissulaire de la tumeur [2, 3]. Ces miARN constituent donc des mar-
queurs de tout premier choix, non seulement pour guider le diagnostic,
mais aussi pour évaluer le pronostic de certaines tumeurs. En effet,
l’existence d’une population de miARN circulant sous forme de com-
plexes protéiques ou encore encapsulés dans des vésicules appelées
exosomes permet d’envisager leur détection dans différents fluides
biologiques (sérum, plasma, urine, salive, etc.), et d’offrir ainsi un
outil diagnostique non invasif.
Inserm U1016, Institut Cochin,
24, rue du Faubourg Saint-Jacques,
75014 Paris, France ;
CNRS UMR 8104,
75014 Paris, France ;
université Paris Descartes,
Sorbonne Paris Cité,
75006 Paris, France.
angelique.gougelet@inserm.fr
Alors que pendant longtemps la notion du tout géné-
tique a eu la faveur des scientifiques, l’hypothèse du
monde à ARN, proposée par Walter Gilbert en 1986, a
maintenant le vent en poupe. En effet, moins de 2 %
du génome sont traduits en protéines et la découverte
du rôle catalytique des ARN en 1989 a conforté l’im-
portance des ARN dans l’expression génique. Depuis
1986, le monde à ARN s’est largement agrandi avec
la découverte des ARN non codants, constituant une
grande variété de régulateurs physiologiques, tels que
les petits ARN interférents, les ARN interagissant avec
Piwi (P-element induced wimpy testis)
[34] (➜), les petits ARN nucléolaires,
et surtout les microARN (miARN).
Depuis la découverte de Lin-4 en 1993
chez C. elegans, l’étude des miARN est un domaine de
recherche en pleine expansion, comme en atteste le
nombre croissant de publications référencées dans
Pubmed (Figure 1). D’après la miRbase version 19,
2042 miARN matures ont été identifiés chez l’homme
et ce n’est qu’un début. Les miARN sont de petits
ARN, d’environ 22 nucléotides, produits sous forme
(➜) Voir m/s
n° 5, vol. 29, mai
2013, page 487
862 m/s n° 10, vol. 29, octobre 2013
Expression des miARN dans les pathologies
du foie
Le rôle des miARN dans la physiologie et la pathologie du
foie repose sur deux travaux princeps de Sekine et al. [7,
8] qui montrent que l’invalidation hépatospécifique de
Dicer chez la souris conduit à l’apparition de tumeurs.
De nombreuses recherches ont depuis mis en lumière
l’importance d’un panel de miARN dans le développement
embryonnaire du foie [35] (➜). La
plupart sont dérégulés dans les patho-
logies hépatiques, telles que la maladie
alcoolique du foie (MAF), les stéatopa-
thies hépatiques non alcooliques et les états de fibrose,
autant d’affections prédisposant au développement du
CHC et, bien sûr, le CHC lui-même (Figure 3) ([9] pour
revue).
Parmi ces miARN, nous pouvons citer :
• miR-122
Physiologiquement, miR-122 est le miARN hépatique le plus
représenté (70 % des miARN). C’est une cible du facteur de
transcription HNF-4α (hepatocyte nuclear factor 4α),
un acteur majeur de la différenciation des hépatocytes
[35] (➜). MiR-122 est impliqué dans le métabolisme
des lipides et du fer, et dans la synthèse de cholestérol
([10, 11] pour revue). Il cible en particulier la cycline G1,
impliquée dans l’arrêt du cycle cellulaire en phase G2/M
en réponse aux dommages à l’ADN, et la protéine anti-
apoptotique Bcl-w [12]. miR-122 est aussi détourné par
le virus de l’hépatite C pour sa réplication. C’est ainsi que
la première stratégie thérapeutique basée sur l’inhibition
d’un miARN dans le foie fut un anti-miR-122, le Miravirsen,
qui s’est avéré efficace dans le traitement des hépatites C
chroniques chez les primates [13] et chez l’homme [14].
• miR-155
miR-155 est majoritairement exprimé par les macro-
phages du foie, les cellules de Küpffer. Sa surexpression
est à l’origine de la production accrue de TNFα (tumor
necrosis factor α) par les cellules de Küpffer observée
chez les patients atteints de maladie alcoolique du foie
(MAF) [15]. Récemment, une étude du même groupe
a montré l’existence d’un enrichissement de ce miARN
circulant dans des exosomes dans des modèles murins
de MAF [16]. Ce miARN cible SOCS1 (suppressor of
cytokine signaling 1), un inhibiteur de la cascade STAT3
(signal transducer and activator of transcription 3)/
MMP9 (matrix metallopeptidase 9) [17].
• miR-29
miR-29, majoritairement exprimé dans les cellules étoi-
lées du foie, cellules dont l’activation est responsable
d’une production accrue de matrice extracellulaire
induisant une fibrose hépatique, est un régulateur clé
Le cancer du foie
Ces dernières années, de nombreux travaux ont montré l’importance
des miARN dans l’organogenèse hépatique, mais aussi dans le déve-
loppement et la progression des tumeurs du foie [4, 5] (Figure 1).
Le cancer du foie constitue la troisième cause mondiale de mortalité
liée au cancer dans le monde. Le carcinome hépatocellulaire (CHC) en
constitue la forme primitive la plus fréquente avec environ 500 000
nouveaux cas par an dans le monde. Les principaux facteurs de risque
du CHC sont les infections par les virus des hépatites B et C (VHB et
VHC, respectivement), la cirrhose, l’abus d’alcool et l’exposition à
l’aflatoxine. À la fin des années 2000, l’analyse transcriptomique glo-
bale des CHC a permis d’établir une classification moléculaire de ces
tumeurs [6]. Les voies de signalisation les plus fréquemment touchées
dans le CHC sont la voie β-caténine (15-40 %), la voie p53 (26 %),
et la voie Ras (5-10 %). De manière générale, les CHC mutés pour la
β-caténine, qui apparaissent dans un contexte d’infection chronique
par le virus VHC ou d’abus d’alcool, sont plus stables génétiquement,
peu proliférants, bien différenciés, cholestatiques et de pronostic
moins sombre. À l’inverse, les autres CHC, qui apparaissent lors d’une
infection chronique par le VHB, présentent une instabilité génétique,
sont peu différenciés, stéatosiques et de moins bon pronostic. En dépit
de nombreux efforts pour mieux comprendre et traiter cette maladie,
l’espérance de vie moyenne, une fois posé le diagnostic de CHC, n’est
que de six mois. Il paraît donc essentiel d’identifier de nouveaux
acteurs moléculaires oncogéniques. Étant donné leur rôle majeur dans
le métabolisme, l’immunité, l’inflammation et le cancer, ces miARN
apparaissent comme des cibles thérapeutiques prometteuses. Dans
cette revue, nous traiterons des dernières découvertes concernant les
miARN dans le CHC, et surtout des perspectives thérapeutiques qui en
sont issues.
Figure 1. Nombre de publications référencées dans PubMed en février 2013
contenant les mots « miRNA », « miRNA cancer » et « miRNA cancer liver ».
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
Nombre de publications
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
miARN
miARN et cancer
miARN et cancer du foie
(➜) Voir m/s
n° 11, vol. 28,
page 958
m/s n° 10, vol. 29, octobre 2013 863
SYNTHÈSE REVUES
de la voie NFκB et TGFβ (transforming growth factor b). Il cible éga-
lement les molécules anti-apoptotiques Bcl-2 et Mcl-1 (myeloid cell
leukemia-1) [12]. Son expression est diminuée dans les atteintes
chroniques du foie [9].
• miR-199
miR-199 est également exprimé dans les cellules étoilées, mais aussi
dans les cellules endothéliales sinusoïdales du foie. Il est augmenté en
cas de fibrose [9]. Il interfère en particulier avec la voie mTOR (mam-
malian target of rapamycin) [18].
Tous ces miARN dérégulés dans les atteintes hépatiques
prédisposant au cancer le sont également dans les
tumeurs du foie et, notamment, dans les carcinomes
hépatocellulaires. Ils pourraient ainsi constituer à la
fois des marqueurs précoces d’initiation et de progres-
sion des tumeurs du foie et des cibles pour la prévention
ou le traitement des CHC.
miARN et carcinomes hépatocellulaires
Malgré des différences dues à l’échantillonnage, l’ana-
lyse globale des miARN exprimés dans les tumeurs du
foie a permis d’identifier une signature miARN commune
à tous les types de CHC. Comme nous l’avons mentionné
dans le paragraphe précédent, une perte de miR-122
[4], de miR-29 [19] et de miR-199 [18] a été identifiée
dans les CHC (Figure 3). D’autres miARN suppresseurs
de tumeurs ont également été largement étudiés. On
peut citer let-7, miR-101 et miR-124. À l’inverse, des
miARN oncogéniques ont également été décrits, tels
que miR-155, miR-21, miR-221/miR-222, miR-181,
miR-224, et le cluster miR-17/92 (Figure 3). Tous ces
miARN sont impliqués dans les processus de prolifération
et d’apoptose (Tableau I) ([12] pour revue). L’un des
miARN dont le rôle dans le développement et la progres-
sion des CHC est le mieux caractérisé est miR-221. Il est
induit lors des atteintes chroniques et du processus de
fibrogenèse (par activation des cellules étoilées [9]).
Un grand nombre de travaux ont montré son induction
dans les CHC [20], mais aussi sa diminution dans les
cholangiocarcinomes, tumeurs épithéliales développées
à partir des cellules biliaires. Les cibles dérégulées en
réponse à miR-221/222 dans les CHC sont les suppres-
seurs de tumeurs p27, p57, PTEN (phosphatase and
tensin homolog) et la protéine TIMP-3 (tissue inhibitor
of metallopeptidase-3) ([12] pour revue). Ce miR fait
l’objet de tests d’invalidation in vivo que nous traiterons
à la fin de cette revue. Enfin, en 2010, une étude de Cairo
et al. [21] a mis en évidence les deux clusters de miARN,
miR-100/let-7a-2/miR-125b-1 et le cluster miR-371-3,
cibles de l’oncogène MYC, en tant que facteur de mau-
vais pronostic dans les tumeurs du foie. En mesurant
l’expression des quatre miARN, miR-100, miR-371,
miR-373 et let-7a, les auteurs discriminent, dans une
large cohorte de patients, les CHC dont le phénotype est
proche des hépatoblastomes, tumeur maligne primitive
du foie la plus courante chez l’enfant. Ce sous-groupe
de CHC est moins bien différencié et plus invasif. Cette
étude met donc en relation une signature miARN com-
mune entre hépatoblastome et CHC, et met en lumière
l’intérêt de cette signature de quatre miARN pour le
pronostic et le traitement de ces deux types de tumeurs.
Gène du miARN
Pol lI/III
Pri-miARN
Pré-miARN
Noyau
Pasha
Drosha
Dicer
Duplex miARN/miARN*
miARN mature
RISC
RISC RISC
Ago2
Ago2
Ago2
STOP
Inhibition de la traduction Dégradation des ARNm
Exportine-5
Figure 2. Synthèse des microARN. Les miARN sont produits sous forme de pré-
curseurs monocistroniques ou polycistroniques appelés pri-miARN. Après leur
clivage par le complexe de protéines Pasha/Drosha, les pré-miARN résultants
sont exportés du noyau via l’exportine-5. Dans le cytoplasme, la protéine Dicer
permet la maturation des miARN sous forme d’un duplex de 22 nucléotides
contenant le miARN et le miARN* complémentaire. Une fois sous forme simple,
le miARN est pris en charge par le complexe RISC, et notamment Ago2 (argo-
naute 2), pour permettre son association à la séquence complémentaire sur
son ARNm cible. L’appariement miARN/ARNm conduit à la diminution du niveau
d’expression de l’ARNm ciblé par l’inhibition de sa traduction ou par sa dégra-
dation. POLII/III : polymérase II/III.
864 m/s n° 10, vol. 29, octobre 2013
sion de ce miARN soit associée
à la perte de l’effet protecteur
des œstrogènes chez ces femmes
[24]. Récemment, il a été décrit
comme un marqueur sérique des
CHC liés aux infections chro-
niques par le VHB ([25] pour
revue).
Des travaux ont également été
menés visant à identifier une
signature miARN dans les CHC
métastatiques. Des résultats
très hétérogènes ont été obte-
nus, liés sans doute à des diver-
gences dans les prélèvements et
dans l’analyse des données. Bien
qu’une étude récente de Wong
et al. [26] soit plutôt en faveur
d’une perte plus marquée du
même panel de miARN dans les
métastases que dans les tumeurs
primaires, le travail de Budhu et
al. [27] montre l’existence d’une
signature de vingt miARN dans
le cas des métastases. Outre
ces données obtenues par des
analyses à haut débit, de nom-
breuses études ne portent que
sur un seul miARN ; il semblerait
que les CHC métastatiques expri-
ment à la fois certains miARN
identifiés comme dérégulés dans
les CHC, tels que miR-122, miR-
124, miR-17, let-7g, miR-21,
miR-221 ou encore miR-96, mais
qu’il y ait aussi une dérégulation d’autres miARN, tels
que miR-9-2, miR-148a, miR-125b, miR-30a ou miR-
34a (Tableau I) ([12] pour revue).
Enfin, les patients atteints de CHC présentent égale-
ment des modifications d’expression des miARN circu-
lants. La quasi-totalité des études ont été réalisées
chez des patients atteints d’hépatite B. Bien qu’il y
ait des discordances entre les panels de miARN discri-
minants, les quatre miARN miR-122, miR-221/222 et
miR-21 sont surexprimés dans le sérum des patients
[28, 29]. Les causes de l’induction de miR-122 dans le
sérum, alors que ce miARN est perdu dans les tumeurs,
sont encore non élucidées (Tableau I).
Au vu de toutes ces données, les miARN constituent
donc de puissants marqueurs pouvant améliorer la
classification des CHC, leur diagnostic et la prédic-
tion de leurs réponses au traitement. Ils permettent
Certains travaux ont, de plus, montré que cette signature miARN pou-
vait être un outil prédictif de la rechute après chirurgie ou encore de
la réponse aux traitements chimiothérapeutiques (miR-122 sensibilise
à l’adriamycine et à la vincristine ; miR-199a-3p affecte la sensibilité
à la doxorubicine et au 5-fluoro-uracile) ([22] pour revue). En outre,
certains miARN sont caractéristiques d’un groupe ou sous-groupe de
CHC. La perte de miR-375 est la marque des tumeurs caractérisées par
une mutation de la β-caténine. miR-126* est, quant à lui, perdu lors
d’une consommation abusive d’alcool, alors que miR-96 est associé à
une infection par le VHB [23]. miR-18a s’est avéré être un marqueur
très intéressant pour le CHC. En effet, l’incidence de ce cancer est plus
élevée chez les hommes (× 2-6), les femmes qui en sont atteintes ont
une espérance de vie plus longue. Ceci suggère l’importance, dans la
progression des CHC, de mécanismes moléculaires dépendants du sexe
qui peuvent être liés aux œstrogènes, notamment. Or, miR-18a, qui
cible la forme α du récepteur aux œstrogènes, est surexprimé dans
les échantillons de CHC de patientes. Il semble donc que l’expres-
Hépatocyte Cellule
étoilée
Cellule de
Kupffer Cellule
endothéliale
miR-122 miR-29
miR-199
miR-155 miR-199
Hépatite /
atteinte hépatique chronique
(miR-122) sang ↑
miR-155 ↑
miR-29 ↓
miR-221 ↑
Fibrose / cirrhose
miR-29 ↓
miR-199 ↑
miR-200 ↑
miR-221 ↑
CHC
↑ miR-21, miR-221/222, miR-181,
miR-224, cluster 17/92
↓ miR-122, miR-199, let-7, miR-101,
miR-26, miR-124
Instabilité génomique
p53
Axine 1
HBV+
Mutation
-caténine
miR-96 ↑miR-375↓
Figure 3. Expression des miARN dans le foie nor-
mal et pathologique. Les miARN impliqués dans
les différents stades des maladies du foie sont
indiqués. La modification de l’expression des
miARN dans les cellules hépatiques (hépatocytes,
cellules étoilées, cellules endothéliales et cellules
immunitaires [cellule de Kupffer]) participe à la
progression des maladies chroniques du foie et à
l’apparition de cancer.
m/s n° 10, vol. 29, octobre 2013 865
SYNTHÈSE REVUES
également d’envisager un diagnostic non invasif par prélèvement
sanguin ou même d’urine, sous réserve d’optimisation de leur détec-
tion dans les fluides biologiques. Enfin, les miARN tumoraux peuvent
devenir de nouvelles cibles thérapeutiques, comme nous le discutons
plus loin.
Les miARN : une nouvelle stratégie thérapeutique ?
Bien que de nombreux efforts aient été menés pour améliorer le traite-
ment du CHC, la chirurgie reste l’option thérapeutique la plus utilisée.
Le Sorafenib, un inhibiteur des récepteurs à activité tyrosine kinase,
seule drogue autorisée pour le traitement du cancer du foie, n’a
amélioré l’espérance de vie des patients que de trois mois. Les miARN
apparaissent donc comme de nouvelles cibles prometteuses puisqu’ils
pourraient permettre de cibler de nombreuses voies de signalisation
par leur multiplicité d’action. Mais surtout, ils permettraient de cibler
la classe – à la fois métabolique, inflammatoire et immunitaire – à
l’origine du développement du CHC.
L’identification d’un panel de miARN dérégulés dans les CHC a sus-
cité un certain nombre d’études dont l’objectif était de restaurer
l’expression de ces miARN, dans un premier temps in vitro, puis dans
un second temps in vivo (Tableau I). Les travaux menés in vitro sur
des modèles de lignées cellulaires de CHC ont donné des résultats
encourageants et ont ainsi permis d’envisager l’administration de ces
molécules à des modèles de rongeurs, puis à l’homme. Comme nous
l’avons précédemment évoqué, l’anti-miR-122 Miravirsen, basé sur la
technologie d’acide nucléique bloqué (LNA, locked nucleic acid), a été
la première thérapie ciblant un miARN à entrer en phase clinique en
2008. Le LNA est un acide nucléique chimiquement modifié par ajout
d’un pont méthylène dans le ribose de l’acide nucléique. Cette modi-
fication augmente son affinité pour sa cible, ainsi que
sa stabilité. Il est également résistant aux nucléases.
Les premiers travaux effectués chez les rongeurs et
les primates infectés par le VHC ont montré l’absence
de toxicité de cette molécule et la diminution du taux
d’ARN viraux plasmatiques [13]. En 2012, des résultats
prometteurs ont été obtenus chez les patients atteints
d’hépatite C chronique (diminution du taux plasma-
tique de cholestérol et des ARN viraux) [14]. Un autre
type d’inhibiteur, dirigé cette fois contre miR-221, a
été testé chez la souris, et a montré son efficacité pour
freiner le développement du CHC [30]. Cet inhibiteur est
un antagomiR dont la séquence est complémentaire de
celle du miARN en totalité, à la différence du LNA qui
n’en cible qu’une partie. Il permet la séquestration ou la
dégradation du miARN cible. Pour augmenter la stabi-
lité des antagomiR in vivo, des modifications chimiques
ont été apportées (ajout de groupements 2’-O-méthyl
ou 2’-O-méthoxyéthyl, squelette phosphorothioate). De
même, une nouvelle classe d’inhibiteurs, les minuscules
LNA (tiny-LNA) sont apparus ; plus petits, ils présentent
une meilleure distribution tissulaire et permettent
d’inhiber une famille entière de miARN [31].
La seconde approche basée sur les miARN consiste à
ré-exprimer un miARN à l’aide d’une molécule d’ARN
double brin mimant l’activité du miARN endogène, et
donc appelée mimic. L’administration d’un mimic de
miR-26 via un adénovirus dans un modèle de souris
présentant un CHC caractérisé par une mutation de
MYC réduit le développement des tumeurs en corréla-
Prolifération Apoptose Migration/invasion Sérum
Pro- Anti- Pro- Anti- Pro- Anti-
miR-18a
miR-21miR-93
miR-106b
miR-221/222 [30]
miR-224
Let-7g*
miR-1
miR-122 [13]
miR-124 [33]
miR-26 [32]
miR-125b
miR-195
miR-199
miR-223
miR-375
Let-7
miR-101
miR-122
miR-203
miR-29
miR-183
miR-221
miR-224
miR-25
miR-143
miR-151
miR-181b
miR-21
miR-221/222
miR-30d
Let-7
miR-1
miR-9-2
miR-101
miR-122
miR-124
miR-125b
miR-148a
miR-199
miR-30a
miR-34a*
miR-375
Let-7c
miR-17-5p
miR-18a
miR-122
miR-183
miR-21
miR-25
miR-221
miR-224
miR-375
Tableau I. Rôle des miARN dérégulés dans le CHC. Ce tableau compile les données concernant le rôle des miARN dans la prolifération, l’apoptose,
la migration et l’invasion. Les miARN cités sont ceux au moins décrits dans deux papiers de différents groupes et dont les cibles sont clairement
identifiées. Les miARN détectables dans le sérum sont référencés en dernière colonne. Les miARN en rouge sont ceux pour lesquels une stratégie
anti-miARN a été testée. Les miARN en bleu sont ceux pour lesquels un miARN mimic a été administré dans le cadre de modèles animaux. * www.
mirnatherapeutics.com.
866 m/s n° 10, vol. 29, octobre 2013
tion avec une perte tumorale des cyclines E2 et D2 [32]. De même,
une étude de Hatziapostoulou et al. [33] a montré l’efficacité de
l’administration d’un mimic de miR-124 encapsulé dans des liposomes
dans des modèles murins de CHC induits par la diéthylnitrosamine.
La société miRNAtherapeutics, spécialisée dans le développement
de thérapies basées sur les mimic, a ainsi créé miRX34, un mimic de
miR-34a encapsulé dans des liposomes, qui est actuellement en phase
clinique dans les tumeurs solides, notamment les tumeurs du foie. La
survie de souris greffée avec des CHC humains est grandement amélio-
rée avec miRX34, et ce résultat est corrélé à une absence de tumeurs
détectables. Le test préclinique d’un mimic de let-7g est aussi en
cours.
Bien que des résultats prometteurs aient été obtenus pour les théra-
pies basées sur les miARN, leurs défauts sont les mêmes que ceux qui
ont freiné le développement des thérapies basées sur les petits ARN
interférents. Un certain nombre de défis devront être relevés pour en
améliorer l’efficacité : augmentation de la stabilité, administration
sous forme libre ou encapsulée dans des nanoparticules ou des exo-
somes, résolution des problèmes de spécificité, ciblage d’autres ARN
ou d’ARN non identifiés, distribution aux différents tissus, persistance
de la réponse, et analye des effets secondaires.
Conclusions
L’essor de l’étude des miARN a permis d’identifier des signatures
miARN pour une grande variété de tumeurs solides et, en particulier,
pour le foie. La mise en évidence d’un panel de miARN dérégulés dans
les pathologies du foie, et notamment dans le CHC, permet d’envisager
l’apparition de nouveaux outils puissants pour le diagnostic, le pro-
nostic et le traitement des patients. Bien que nombre d’études aient
aidé au déchiffrage des différentes cibles d’un miARN d’intérêt, le défi
majeur pour l’avenir est de comprendre comment les différentes cibles
d’un miARN interagissent dans une pathologie donnée, mais également
comment un même ARN, cible de plusieurs miARN, se comporte dans ce
même contexte. ‡
SUMMARY
microRNA: new diagnostic and therapeutic tools in liver disease?
microRNA are small non coding RNA, which negatively regulate the expres-
sion of their targets. Due to their various targets, miRNAs play a key role in
number of physiological processes and in oncogenesis. The identification of
specific miRNA signatures in various types of tumours, including hepatocel-
lular carcinoma (HCC), highlights the dual role of miRNA, both oncogenes
and tumour suppressors. Here, we review the current knowledge concerning
the deregulation of miRNA expression in liver disease. All studies focusing
on miRNAs argue for their possible use as diagnostic, prognostic and the-
rapeutic markers. Here, we preferentially discuss the promising therapeutic
strategies based on miRNAs that have been tested in HCC. ‡
LIENS D’INTÉRÊT
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans
cet article.
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TIRÉS À PART
A. Gougelet
Deuxième réunion franco-québécoise
Vieillissement et démences, un triple défi médical, social et économique
Paris - Académie Nationale de Médecine
21 Octobre 2013
9h15 Accueil des participants par le Président de l’ANM
Introduction et Présentation de la réunion par Jean-Paul TILLEMENT (ANM, Paris)
9h35 1re Session : Du diagnostic à la clinique : du présent au futur
Modérateurs : Pierre GODEAU (ANM, Paris), Joël MENARD (Paris)
9h35-9h50 La prise en charge et l’organisation des soins - Joël ANKRI (Versailles-Saint-Quentin en Yvelines)
9h50-10h05 La prévention de la démence doit débuter bien avant l’âge d’or : une révision des facteurs de risques - José MORAIS,
S. TREMBLAY, N. PAQUET, E. TURCOTTE, T. FULOP (Montréal, McGill)
10h05-10h20 Détérioration métabolique cérébrale : un problème précoce qui présage des troubles cognitifs lors du vieillissement ? -
C.A. CASTELLANO, S. NUGENT, S.C. CUNNANE (Sherbrooke)
10h20-10h 35 Le point de vue du neurologue - Bernard CROISILE (Lyon, Hôpital Neurologique)
10h35-10h50 Le couple face aux défis de la démence - Pascal ANTOINE, Emilie WAWRICZNY, Francine DUCHARME, Marie-Jeanne KERGOATT,
Florence PASQUIER (Lille 3)
10h50-11h 05 Les nouvelles approches d’imagerie par résonance magnétique dans les études de recherche - Olivier COLLIOT (CNRS/ICM,
Paris)
11h05-11h20 Impact de l’imagerie moléculaire par spectroscopie de masse dans l’étude de la maladie d’Alzheimer - Pierre CHAURAND
(Université de Montréal)
11h20-11h35 Vieillissement : une étude socioéconomique - Rémi QUIRION (Québec)
11h35-12h30 Discussion Générale - Vassilios PAPADOPOULOS (Montréal, McGill)
14h 2e Session : Recherches actuelles et perspectives
Modérateurs : Philippe AMOUYEL (Lille), Serge RIVEST (Montréal, Laval)
14h00-14h15 Modèles animaux du vieillissement cérébral et des démences - Marc DHENAIN (CEA, Fontenay aux Roses)
14h15-14h30 Le rat LOU : un modèle animal du vieillissement cérébral et des démences - Pierrette GAUDREAU (Université de Montréal)
14h30-14h45 La transmission glutamatergique dans la maladie d’Alzheimer - Francine ACHER (Paris Descartes)
14h45-15h00 Changements précoces de l’interaction des neurones GABA et glutamate dans l’Alzheimer - Sylvain WILLIAMS (Montréal,
Douglas McGill)
15h20-15h35 Maladie d’Alzheimer et maladies à prions - Jean-Philippe DESLYS (CEA Orsay)
15h35-15h50 Les formes sécrétées de la protéine prion inhibent la formation des oligomères neurotoxiques du peptide Abêta par
deux mécanismes différents - Xavier ROUCOU (Université de Sherbrooke)
15h50-16h05 Toxicité et diffusion du peptide ß-amyloïde - Benoît DELATOUR (CNRS, ICM, Paris)
16h05-16h20 Micro-ARN, modulateurs de la pathologie Tau - Sébastien HEBERT (Université Laval)
16h20-16h35 Quels facteurs environnementaux modulent la dégénérescence neurofibrillaire - Luc BUÉE (Inserm, Faculté
de Médecine, Lille)
16h35-17h30 Discussion générale
17h30- 17h45 Conclusions - Jean-Jacques HAUW (ANM, Paris)
Renseignements
Académie Nationale de Médecine - 16, rue Bonaparte F75272 Paris Cedex 06
Tél : (33)1 42 34 57 70 - Fax : (33)1 40 46 87 55
E-mail : j.hauw@academie-medecine.fr