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La mer et le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur face au changement climatique_Introduction générale

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Avant de découvrir les différentes contributions des chercheurs du GREC-PACA, il est important de préciser certaines notions et le contexte régional afin de mieux cerner les enjeux du changement climatique qui concernent la frange littorale méditerranéenne et plus particulièrement la Provence-Alpes-Côte d'Azur. « Littoral » est un terme complexe qui s’interprète différemment selon l’angle physique, juridicoadministratif, scientifique ou littéraire considéré. Sur un plan biologique, on peut limiter la côte à l’espace occupé par les espèces végétales liées à la zone intertidale3 ou à la zone d’embruns et d’humectation. Un océanographe s’intéressera à la dynamique des eaux et des sédiments, à cette interface terre-mer, un écologue aux écosystèmes et à leur fonctionnement, un géomorphologue plutôt au trait de côte lui-même. Sur un plan démographique et économique, seront pris en compte les territoires participant directement à l’économie maritime. Sur un plan juridique, les limites littorales terrestres sont définies suivant un découpage administratif et par différentes lignes en mer, comme la limite de mer territoriale (12 milles nautiques) par exemple. Suivant les thématiques abordées sur le territoire et les données mobilisées pour son suivi, le géographe utilisera plusieurs définitions pour délimiter le littoral terrestre et son arrière-pays. D’un point de vue écologique, le littoral marin est divisé en étages dont les types de peuplements varient en fonction de la profondeur. http://www.air-climat.org/wp-content/uploads/2017/05/GREC-PACA-Mer-Littoral-BAT-HR.pdf
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Avant de découvrir les différentes contributions des chercheurs du GREC-PACA, il est important de préciser
certaines notions et le contexte régional afin de mieux cerner les enjeux du changement climatique qui concernent
la frange littorale méditerranéenne et plus particulièrement la Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Introduction générale
Le littoral
« Littoral » est un terme complexe qui s’interprète
différemment selon l’angle physique, juridico-
administratif, scientifique ou littéraire considéré.
Sur un plan biologique, on peut limiter la côte à l’espace
occupé par les espèces végétales liées à la zone
intertidale3 ou à la zone d’embruns et d’humectation.
Un océanographe s’intéressera à la dynamique des
eaux et des sédiments, à cette interface terre-mer, un
écologue aux écosystèmes et à leur fonctionnement,
un géomorphologue plutôt au trait de côte lui-même.
Sur un plan démographique et économique, seront
pris en compte les territoires participant directement à
l’économie maritime.
Sur un plan juridique, les limites littorales terrestres
sont définies suivant un découpage administratif et
par différentes lignes en mer, comme la limite de mer
territoriale (12 milles nautiques) par exemple.
Suivant les thématiques abordées sur le territoire et les
données mobilisées pour son suivi, le géographe utilisera
plusieurs définitions pour délimiter le littoral terrestre et
son arrière-pays.
D’un point de vue écologique, le littoral marin est divisé en
étages dont les types de peuplements varient en fonction
de la profondeur. À partir de la surface, on rencontre
(Figure 1) :
l’ét age supralit toral, jamais imme rgé, mais fortem ent
humidifié par les embruns ;
l’étage médiolittoral, soumis à la contrainte des
vagues (et des marées) ;
l’étage infralittoral, totalement immergé : sa limite
inférieure correspond à la limite de pénétration de
la lumière et de la capacité des espèces à réaliser
la photosynthèse (entre 30 et 40 m de profondeur ;
correspond à la limite des herbiers de posidonie).
Cet étage abrite le plus grand nombre d’organismes ;
l’étage circalittoral, dont la limite profonde est celle
compatible avec la vie des algues pluricellulaires
sciaphiles4 (70 à 120 mètres ; milieu propice au
coralligène5).
Figure 1. L’étagement en Méditerranée (redessiné,
d’après Bellan-Santini D., Lacaze J.-C. et Poizat C.,
1994). Le système phytal est un milieu marin où la
lumière solaire est suffisante pour la photosynthèse
Chaque pays a ses critères administratifs, juridiques
et scientifiques, ce qui rend impossible une définition
universelle du littoral. Ainsi, aux États-Unis, le Coastal
Zone Management Act (CZMA, titre III, section 301,
1972) donne un point de vue à la fois pragmatique et
philosophique important sur l’organisation de l’espace :
la zone côtière est riche d’une variété de ressources
naturelles, commerciales, récréatives, écologiques,
industrielles, esthétiques de valeur immédiate et
potentielle pour le bien-être actuel et futur de la Nation,
mais sans non plus préciser de limites.
La zone littorale est considérée soit comme une ligne
de contact entre la terre et la mer (bord, côte, rivage),
soit plus largement comme une zone sous l’influence
de la mer (littoral). Dans ce cahier, le littoral signifiera
la zone d’interaction des dynamiques de l’hydrosphère,
de la lithosphère et de l’atmosphère, en y intégrant les
effets de l’action anthropique. C’est de fait un espace mal
délimité, donc peu facile à aménager et à gérer.
La loi littoral
Suite à la prise de conscience en France de la valeur
patrimoniale et de l’importance économique du littoral,
une loi relative à l’aménagement, la protection et la mise
en valeur du littoral, dite « loi littoral », a été votée en
1986 (code de l’urbanisme) pour le mettre à l’abri des
multiples convoitises, dont les ravages avaient pu être
mesurés sur la côte méditerranéenne. Cette loi vise
à encadrer l’aménagement de la côte pour la protéger
3 Espace côtier situé entre les limites extrêmes atteintes par la marée
4 Tout organisme vivant, animal ou végétal, qui apprécie les zones d’ombre
5 Écosystème sous-marin caractérisé par l’abondance d’algues calcaires, appelées « coralligènes ». Leur superposition et leur accumulation peuvent
constituer des massifs comparables aux massifs coralliens. Des espèces animales à squelette calcaire, comme les éponges ou les gorgones par
exemple, peuvent être associées à ces constructions
INTRODUCTION GÉNÉRALE
7
des excès de la spéculation immobilière, et à permettre le
libre accès du public sur les sentiers littoraux. Le littoral
est désormais un espace que les pouvoirs publics tentent
de protéger par la maîtrise foncière et la réglementation.
La protection s’étend à la diversité géographique, géologique,
floristique et faunistique, aux espaces rares ou sensibles,
mais aussi à la diversité culturelle, artisanale et sociale.
Cette protection n’empêche pas le développement économique
traditionnel lié à la mer ou au tourisme. La loi littoral définit et
liste les communes littorales où elle s’applique. En bord de
mer, ce sont les communes maritimes, riveraines des océans,
des lagunes ou des estuaires en aval de la limite transversale à
la mer. Depuis le décret 2004, ont été ajoutées les communes
d’estuaires, situées entre la limite de salure et la limite
transversale à la mer6.
La Méditerranée
La population totale des pays côtiers méditerranéens est
d’environ 450 millions d’habitants (7 % de la population
mondiale) à laquelle il faut ajouter environ 200 millions
de touristes internationaux. Avec près de la moitié de la
population méditerranéenne vivant près des côtes, le littoral
méditerranéen figure parmi les zones les plus densément
peuplées et les plus fortement urbanisées de la planète.
En région méditerranéenne, la variabilité spatiale et temporelle
des conditions climatiques, océaniques et hydrologiques est
forte. Par sa situation entre climat tempéré des latitudes
moyennes et climat plus chaud et sec de l’Afrique du Nord, par
le fait qu’elle soit une mer semi-fermée entourée de montagnes
et de régions littorales très urbanisées, la Méditerranée
est reconnue comme l’une des régions au monde les plus
sensibles au changement climatique.
L’analyse des tendances observées des moyennes annuelles
sur les 50 dernières années montre des évolutions du cycle
de l’eau en Méditerranée avec, à l’échelle du bassin, une
augmentation de la température, une diminution des apports
des fleuves à la mer et des précipitations, ainsi qu’une
augmentation de l’évaporation (bilan hydrologique négatif
sans l’apport de l’eau de l’océan Atlantique). Les projections
climatiques des modèles globaux ou régionaux indiquent que
cette tendance va se poursuivre, avec une amplitude de ces
changements qui dépend, principalement après 2050, des
différents scénarios d’émissions des gaz à effet de serre (GES).
Ces projections indiquent aussi une augmentation en fréquence
et intensité des vagues de chaleur. Néanmoins, la distribution
spatiale détaillée des changements de températures, et encore
plus de précipitations, demeure encore incertaine.
La question du changement climatique et de ses
conséquences s’est installée, en deux décennies, au centre
des préoccupations internationales. La science a établi la
réalité de ce changement et a souligné que les écosystèmes et
sociétés méditerranéennes étaient parmi les plus menacés de
la planète. Même si elle ne représente que 1,5 % de la surface
terrestre, la Méditerranée est exemplaire, car elle concentre
nombre d’enjeux potentiellement catastrophiques pour la
planète : sismicité, démographie galopante, réchauffement
climatique, modification du cycle de l’eau, dégradation
et fragmentation des habitats, atteintes à la biodiversité,
répartition inégale des ressources, rapports Nord-Sud pouvant
devenir conflictuels, flux migratoires, urbanisation côtière et
littoralisation7 rapides.
La recherche appliquée à la région
méditerranéenne
La Méditerranée est un espace de recherche privilégié pour
de nombreuses disciplines scientifiques exactes, naturelles
et humaines. Les conséquences de l’anthropisation
créant des contextes inédits deviennent centrales pour la
réflexion scientifique. De nouvelles approches de recherche
pluridisciplinaire sont nécessaires pour en comprendre les
modalités de fonctionnement et d’évolution. L’augmentation du
socle des connaissances est indispensable pour appréhender
la dynamique et les mécanismes du changement climatique,
évaluer l’impact des intrants chimiques et autres polluants
sur la santé des écosystèmes et des populations, caractériser
la dispersion et l’intensité des usages qui impactent les
écosystèmes côtiers marins et continentaux, réaliser le bilan
sanitaire du bassin, évaluer et gérer les risques, favoriser la
restauration par l’adaptation, la conservation des ressources
et la prévention. Les risques sont liés :
aux variations climatiques elles-mêmes (sécheresses,
feux, érosion du littoral, modifications de la dynamique
marine et des cycles biogéochimiques) ;
à l’industrialisation, à l’urbanisation et aux transports
(pollution de l’air, de l’eau, des sols et des ressources
vivantes) ;
aux impacts des usages et pratiques sur la quantité et
la qualité des ressources minérales et vivantes, sur la
biodiversité, ses fonctions et ses services.
Cette approche complexe du fonctionnement et des fonctions du
système exige des infrastructures et des moyens d’observation
et d’analyse des milieux et des populations, des stratégies de
terrain adaptées au long terme, mais aussi au court terme, et
à la saisonnalité particulièrement marquée en Méditerranée.
Un rôle primordial de la science est d’estimer et de réduire
les incertitudes, mais celles-ci ne doivent pas être un prétexte
à l’inaction, car il est peu probable que ces incertitudes, qui
dépendent des politiques publiques mises en œuvre ou non,
disparaissent complètement. Les résoudre progressivement
permettra de mieux comprendre les chaînes causales qui
relient le climat et les paramètres environnementaux et
anthropiques, et d’agir sur les conséquences du changement
global. La science ne fait pas que le constat des risques : elle
est capable de fournir des solutions innovantes pour dépasser
les blocages qui ralentissent ou empêchent l’atténuation du
changement climatique, mais aussi pour faciliter l’adaptation
en tenant compte des spécificités du contexte environnemental
et sociétal de la région méditerranéenne. La science est
l’outil, même s’il est imparfait, le mieux à même de concilier
la lutte contre le changement climatique, les objectifs du
développement durable et le financement du développement.
Ses résultats doivent aider à fonder les politiques publiques
nécessaires à l’atténuation et à l’adaptation.
6 Lorsque le rivage de la mer est coupé par l’embouchure d’un fleuve ou d’une rivière, cette ligne transversale détermine la limite entre le
domaine public maritime en aval et le domaine public fluvial en amont. Fixée généralement là où les berges s’évasent, sauf lorsque l’estuaire
correspond à un bras de mer s’enfonçant dans les terres (décret du 21 février 1852, art. 2 et code du domaine fluvial, art. 9)
7 Concentration croissante de la population, des activités touristiques et/ou industrielles sur le littoral
Les avancées de la science aideront peu à peu à
résoudre le paradoxe des différentes temporalités entre
les actions à mettre en œuvre à court terme (sécurité
alimentaire et sanitaire, besoin énergétique des pays
émergents, lutte contre la pauvreté), et celles à déployer
à moyen et/ou long terme qui visent la préservation de
l’environnement terrestre et des océans contre les effets
du réchauffement climatique, et la décarbonation des
économies qu’impose la lutte contre ce réchauffement.
Il est urgent d’agir. Deux voies d’action sont possibles
au niveau des politiques publiques et des acteurs des
territoires (Figure 2) : l’atténuation8 du changement
climatique et l’adaptation9 au changement climatique.
Le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur abrite à la fois
d’importants linéaires de côtes rocheuses (Côte Bleue,
massif des Calanques, corniche des Maures), de vastes
étendues de plages sableuses (Camargue, golfe de Fos,
Hyères), des zones humides et des secteurs artificialisés.
Le littoral évolue sous l’influence des dynamiques
naturelles et de l’action de l’homme. En fonction du
contexte, le littoral peut être stable, en progression ou en
recul. La connaissance, la compréhension, l’anticipation
des phénomènes d’érosion (sur les côtes meubles et
rocheuses) et de submersion marine constituent un
enjeu majeur pour les acteurs publics, tant d’un point
de vue environnemental qu’anthropique avec de forts
enjeux humains, économiques et sociaux. Les effets
du changement climatique sur le niveau des mers
amplifient cette problématique.
Le linéaire côtier de Provence-Alpes-Côte d’Azur
s’étend sur 1035 km (43 % de la façade méditerranéenne
française). Il court sur 3 départements et concerne 65
communes, certaines « lagunaires », sans accès direct à
la mer. De nombreux secteurs d’emploi sont directement
liés à l’économie maritime, dont le tourisme. Près de
46 % des eaux françaises de Méditerranée sont couvertes
par au moins une aire marine protégée (contre 23,4 % en
moyenne pour l’ensemble des eaux de la métropole).
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est riche sur le
plan faunistique, floristique et paysager, aussi bien dans
le domaine marin que terrestre. Les espaces naturels
sont encore présents, mais ils s’altèrent au contact des
principaux espaces de peuplement. Plus de la moitié du
territoire régional est couvert par des zones naturelles
d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF).
Le réseau Natura 2000 couvre plus de 40 % des
communes littorales de la région. Les deux seuls parcs
nationaux de la métropole ayant au moins une partie
de leur périmètre en mer sont situés en région PACA :
le parc national de Port-Cros et celui des Calanques.
Par ailleurs, la région abrite quatre réserves naturelles
nationales (Camargue, Coussouls de Crau, Marais du
Vigueirat, Plaine des Maures) et de nombreux sites du
Conservatoire du littoral.
La population de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
est très urbanisée, avec un taux de plus de 94 % et
une périurbanisation très marquée. Près de 80 % de la
population de la région (soit environ 5 millions) habite
sur le littoral où se développent les plus grandes villes
régionales qui sont aussi des ports importants de la mer
Méditerranée : Marseille, Nice et Toulon.
Le tourisme est un secteur particulièrement important :
fort de son climat et de la variété de ses paysages, la
Provence-Alpes-Côte d’Azur est la 2ème région touristique
de France, après l’Île-de-France. Le tourisme d’hiver
a émergé sur la Côte d’Azur dès le XIXe siècle pour
une riche clientèle étrangère. Il a été complété par le
tourisme d’été populaire à partir des années 1950, qui
a gagné l’ensemble du littoral. La forte fréquentation
touristique est polarisée sur le littoral. Avec 165 millions
de nuitées, la PACA capitalise, en 2011, 60 % de nuitées
de la façade méditerranéenne et le quart de celles des
départements littoraux métropolitains.
Figure 2. Schéma décrivant les concepts d’adaptation et d’atténuation (redessiné, d’après GIEC 200110)
Changement climatique
Hausse de la température
Hausse du niveau des mers
Changement du régime de précipitations
Sécheresses & inondations
Emissions et
concentrations
Gaz à eet de serre
Aérosols
Impacts sur les
systèmes anthropiques
et naturels
Ressources en nourriture & eau
Ecosystèmes & biodiversité
Implantations humaines
Santé humaine
Voies de développement
socio-économique
Croissance économique
Technologie
Population
Gouvernance
Atténuation
Adaptation
Adaptation
La situation en région Provence-Alpes-Côte d’Azur
8 La chose globalement responsable à faire : actions qui réduisent les émissions contribuant au changement climatique
9 La chose localement responsable à faire : actions visant à minimiser ou à prévenir les effets négatifs du changement climatique
10 Climate change 2001 – Impacts, Adaptation and Vulnerability, a report of Working Group II. IPCC: Genève
INTRODUCTION GÉNÉRALE
9
Ce surdéveloppement a pour conséquence une augmentation
de la pression anthropique et de l’impact environnemental,
avec une raréfaction des zones où l’environnement est à l’état
presque pur et non atteint par l’anthropisation. La menace est
rendue encore plus réelle avec le réchauffement climatique.
Photo 2. Coralligène de la baie de Marseille
(©Fred Zuberer/CNRS-OSU Pythéas)
La concentration des usages et des pressions est nette à
proximité des côtes : rejets directs dans le milieu et apports
fluviaux, conchyliculture11 et pêche, artificialisation du trait
de côte, plaisance, fortes densités de déchets marins et de
pollutions en mer… C’est particulièrement le cas sur le littoral
de PACA où le niveau d’artificialisation et la pression de la
plaisance sont généralement élevés. Les habitats sur lesquels
portent les plus forts enjeux sont majoritairement côtiers ou
peu éloignés des côtes (herbiers de posidonies et coralligène).
De 20 à 70 m et plus en profondeur selon la transparence
de l’eau, se développe le coralligène (photo 2). C’est l’un
des principaux paysages marins de la Méditerranée côtière
générant une complexité structurelle à laquelle est associée
une très grande richesse spécifique (près de 1700 espèces).
Le coralligène, présent en France essentiellement sur les
côtes de Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, fournit des
biens et des services à plusieurs secteurs (pêches artisanales
et de loisir, joaillerie, plongée). La pollution, les ancrages,
le chalutage et la fréquentation du plongeur peuvent
causer sa dégradation, alors que la pêche traditionnelle
et la pêche à la ligne affectent principalement les espèces
cibles. Le changement climatique représente une pression
supplémentaire sur ces habitats d’une grande importance
écologique, socio-économique et patrimoniale.
Constitué essentiellement d’algues rouges calcaires, les
habitats coralligènes sont ou seront dépendants des limites
de tolérance des espèces qui sont sensibles à la lumière
(importance de la transparence et de la turbidité, permanente
ou passagère, pour la photosynthèse), aux variations de la
température et du pH de l’eau de mer. La calcification et la
croissance de telles algues sont affectées par l’acidification
des océans et les changements associés dans la chimie des
carbonates. Cependant, les effets sur les populations et les
réponses des communautés ont été peu étudiés. La composition
des communautés évoluera probablement en fonction de
la sensibilité des organismes qui réagissent différemment.
Les impacts de l’acidification du milieu marin sur les
principaux constructeurs vont au-delà du déclin de la
calcification et de la croissance. Ils peuvent bouleverser la
dynamique des populations et de l’écologie des communautés,
mais aussi les processus de bioérosion. Dans tous les
océans, les algues rouges corallines jouent un rôle majeur
dans l’écologie et la structure des fonds durs photiques
(zone marine traversée par la lumière) et de nombreux
fonds meubles, et possèdent un important enregistrement
fossile. Elles peuvent être utilisées comme un proxy idéal
dans les études environnementales et de (paléo) climat.
Les épisodes caniculaires récents (depuis 1999) entraînent des
mortalités massives partiellement dues à la disparition de la
thermocline12 et au contact prolongé de certains organismes
avec de l’eau anormalement chaude, phénomène favorisant
le développement de pathogènes. Ces épisodes ont montré la
vulnérabilité de ce milieu. De plus, le réchauffement accélère
l’introduction, voire l’invasivité d’espèces exotiques, dont
certaines ont un impact négatif sur les habitats en les recouvrant,
ce qui provoque une diminution du flux lumineux nécessaire à
la photosynthèse. À une échelle plus locale, la disparition des
gorgones favoriserait l’assemblage d’algues filamenteuses qui
réduirait la complexité et la résilience du coralligène. Altérée
par des facteurs divers, cette structure biogène, tout comme
les herbiers de posidonies, sera confrontée à un changement
et au probable déclin de sa biodiversité. Bien qu’encore
difficiles à évaluer, les effets sur les services écosystémiques
du coralligène seront potentiellement graves.
Le littoral de la région comprend aussi des zones humides,
telles que la Camargue (réserve naturelle nationale) ou encore
les salins d’Hyères abritant de nombreuses espèces d’oiseaux
protégés.
Pourquoi ce cahier thématique ?
Ce cahier thématique du GREC-PACA apporte un éclairage
pluridisciplinaire balayant les phénomènes globaux impliqués
dans les changements observés, comme l’augmentation de
la température (air et mer), l’évolution des précipitations et
des phénomènes météorologiques « extrêmes » (inondations,
régime des tempêtes). Il décrit aussi les effets physiques déjà
mesurables que sont l’élévation du niveau moyen de la mer,
les changements de courants, la modification des vagues à la
côte, ainsi que les effets sur les milieux (submersion, érosion,
acidification des océans, salinisation des sols et des aquifères)
et les écosystèmes (modifications des communautés,
invasions biologiques, pullulation, toxicités et maladies
émergentes). Enfin, les conséquences sur l’aménagement
et la gestion du littoral sont discutées. Des pistes pour
favoriser l’atténuation et l’adaptation sont aussi explorées
(écotourisme, énergies marines), et les coûts de la mise en
place des politiques publiques nécessaires sont abordés. Ce
cahier n’est pas exhaustif. La réduction des émissions de GES,
les innovations énergétiques dans les processus d’atténuation,
la bio-indication responsable ou encore l’accès, la traçabilité
et la circulation fluides des données environnementales sont
traités dans les autres cahiers thématiques ou le seront
ultérieurement.
11 Procédés et techniques utilisés pour favoriser la production des coquillages
12 Limite entre les eaux profondes (froides) et les eaux de surface (plus chaudes)
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