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Écrire un mémoire en formation d'enseignants : dialogisme et construction de l'identité professionnelle

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Pour obtenir leur master, les étudiants en formation d’enseignant ont à écrire un mémoire de recherche à visée professionnelle. Rédiger ce mémoire a pour objectif d’amener les étudiants à s’approprier des connaissances et des cadres théoriques leur permettant d’analyser des corpus constitués sur des terrains scolaires et d’acquérir ainsi des compétences à mieux comprendre les situations d’apprentissage, d’enseignement et d’éducation auxquelles ils se trouvent professionnellement confrontés. Comment cette appropriation se fait-elle ? Nous tentons de le montrer à partir d’un corpus d’écrits intermédiaires et de versions finales de mémoires de master. L’étude de deux exemples contrastés porte sur la place du discours d’autrui, son évolution, le rôle de ce discours dans la constitution de la voix propre d’un auteur qui écrit « à la première personne ». Cette analyse, qui a recours aux concepts de dialogisme et d’hétéroglossie, met en évidence d’une part que l’appropriation du discours d’autrui est une condition de l’élaboration de cette voix propre ; d’autre part que celle-ci peut contribuer à la construction ou au développement de l’identité professionnelle, quand elle fait l’objet d’une négociation dialogique, susceptible de traduire une composition entre les socialisations antérieures et la socialisation en cours.
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7)
Référence : Delarue-Breton, C. & Crinon, J. (2014). Écrire un mémoire en formation d’enseignants :
dialogisme et construction de l’identité professionnelle. Colloque « Writing Research Across Borders
III », Université Paris-Ouest Nanterre, 19-22 février 2014.
Colloque Writing Research Across Borders III, Université Paris-Ouest Nanterre, 19-22 février 2014
Symposium « Enjeux identitaires, didactiques et professionnels de l’écriture de soi à l’Université »
Écrire un mémoire en formation d’enseignants : dialogisme et
construction de l’identité professionnelle
Catherine Delarue-Breton et Jacques Crinon
Université Paris-Est, EA 4384 Circeft-Escol, Université Paris 8, UPEC, 94010 Créteil Cedex
Résumé. Pour obtenir leur master, les étudiants en formation d’enseignant ont à écrire un mémoire de
recherche à visée professionnelle. Rédiger ce mémoire a pour objectif d’amener les étudiants à s’approprier des
connaissances et des cadres théoriques leur permettant d’analyser des corpus constitués sur des terrains scolaires
et d’acquérir ainsi des compétences à mieux comprendre les situations d’apprentissage, d’enseignement et
d’éducation auxquelles ils se trouvent professionnellement confrontés.
Comment cette appropriation se fait-elle ? Nous tentons de le montrer à partir d’un corpus d’écrits
intermédiaires et de versions finales de mémoires de master. L’étude de deux exemples contrastés porte sur la
place du discours d’autrui, son évolution, le rôle de ce discours dans la constitution de la voix propre d’un auteur
qui écrit « à la première personne ».
Cette analyse, qui a recours aux concepts de dialogisme et d’hétéroglossie, met en évidence d’une part
que l’appropriation du discours d’autrui est une condition de l’élaboration de cette voix propre ; d’autre part que
celle-ci peut contribuer à la construction ou au développement de l’identité professionnelle, quand elle fait
l’objet d’une négociation dialogique, susceptible de traduire une composition entre les socialisations antérieures
et la socialisation en cours.
Les étudiants du master préparant au métier de professeur des écoles dans notre ÉSPÉ1
ont à écrire un mémoire de recherche à visée professionnelle. Ce mémoire peut prendre
comme objet d’étude la propre pratique de l’étudiant lorsqu’il se trouve en situation
d’exercice professionnel et/ou des questions et des situations qui lui sont extérieures. Ce n’est
cependant pas la mise en scène éventuelle de son expérience par l’auteur du mémoire qui
retiendra notre attention dans cette communication sur l’« écriture de soi », mais sa présence
dans son écrit en tant qu’auteur, sa capacité à trouver sa voix (Bakhtine, 1952/1984) propre,
parmi les autres voix qui l’influencent, celles en particulier des auteurs qu’il a été invité à lire.
En cela, nous reprenons la distinction proposée par Bautier (1998) entre une écriture du moi et
une écriture du je. « Quand l’élève écrit en tant que sujet, l’activité qui peut alors avoir lieu
dans et par le langage est le travail simultané du langage, de la langue, du sens et des savoirs :
le sujet tente d’élaborer une pensée et à donner du sens aux objets, aux expériences, aux
situations, à ses propres affects. Par le biais du langage et de l’activité langagière, il constitue
son expérience personnelle en objet de réflexion, l’écriture étant alors ce qui “désimbrique” le
sujet de cette expérience. […] Le travail du langage est ce qui peut interroger le sujet
constamment sur lui-même et éviter de le figer dans une identité, à condition qu’il y ait travail
et que ce soit une écriture à la première personne, une écriture du “je” sujet et non du “moi”. »
(p. 13)
Notre objectif est d’étudier la constitution d’une écriture du je dans les mémoires écrits
par deux étudiantes de seconde année de ce master, en comparant les six versions successives
1 École Supérieure du Professorat et de l’Éducation.
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5)
remises à leur directeur de mémoire, depuis le début de l’année jusqu’à la version finale
soutenue. Il s’agit d’y examiner les différentes manières de gérer l’hétérogénéité d’un
discours qui se construit à partir d’emprunts.
Dialogisme et hétéroglossie
Pour en conduire l’analyse, nous nous appuyons sur deux concepts issus de l’école de
Bakhtine.
Le premier est celui de dialogisme. Toute lecture appelle une réponse, écrit Voloshinov
(1929/2010) : « Comprendre l’énoncé d’autrui veut dire s’orienter par rapport à lui, lui
trouver la place qui lui revient dans le contexte correspondant. À chaque mot de l’énoncé que
nous nous efforçons de comprendre, nous superposons, pour ainsi dire, un ensemble de mots à
nous, de mots qui répondent. Plus ils sont nombreux et substantiels, plus profonde et
substantielle est notre compréhension. […] Toute compréhension est de nature dialogique
[…] Comprendre, c’est chercher à la parole du locuteur une contre-parole. » (p. 337-339).
C’est sans doute ce dialogue entre le lecteur et les auteurs lus, et ces aller et retours, chez
l’auteur du mémoire, entre la position de lecteur et la position d’auteur, qui caractérise
l’élaboration d’une pensée qui se nourrit des ouvrages et des articles, lus personnellement,
mais aussi, très souvent, commentés par les enseignants et mis en discussion au sein d’un
collectif de travail. Donner des significations à un texte consiste à insérer celui-ci dans le
réseau des questions qu’on se posait, auxquelles il apporte des éléments de réponse, mais
qu’il conduit aussi à poser autrement2. Si tout discours « est parlé tout autant qu’il parle »
(Bres, 2005, p. 58), l’écrit universitaire qu’est le mémoire de master est plus encore soumis à
l’interdiscours et l’assume : discours rapporté, résumé des ouvrages lus ou bien dont on a
entendu parler…– commentaires, objections, réfutation anticipée des objections du futur
lecteur…
Le second concept est celui d’hétéroglossie, proche du précédent tout en s’en
distinguant, car il permet de mettre l’accent sur cette hétérogénéité constitutive du discours
qui emprunte aux voix d’autrui et se constitue à partir de celles-ci, en les confrontant, les
interprétant, les mettant à distance ou les prenant à son compte, les traduisant, les trahissant
volontairement ou non. Ces discours d’emprunt peuvent plus ou moins s’agréger, se fondre
dans le discours de l’auteur. À cet égard, Jaubert (2007), étudiant des écrits d’apprentis
scripteurs à la fin de l’école primaire, distingue une hétéroglossie dissonante et une
hétéroglossie orchestrée : dans le premier cas, les voix empruntées se juxtaposent sans unité,
sans appropriation ; dans le second, l’auteur s’approprie ses emprunts, les met au service de
ses propres intérêts, de ses propres questions, de ses propres valeurs.
Dans l’analyse des mémoires retenus, nous chercherons à repérer des indices du
dialogue engagé – ou non – entre l’auteur, ses sources et son lecteur, ainsi que les traces d’une
« orchestration » éventuelle des ressources mobilisées pour écrire le mémoire, pour reprendre
la métaphore de Jaubert.
Méthodologie
Deux mémoires sont analysés (désignés dans l’analyse comme A et B), chacun à travers
six versions successives, étapes de leur élaboration, versions séparées par des espaces de
temps d’un à deux mois. Ils ont été choisis parce qu’ils traitaient de thèmes proches (au sens
large, le langage écrit) et avaient bénéficié d’un encadrement homogène, au sein de la même
2 Après Authier-Revuz (1995), on parlera ici d’autodialogisme.
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C)
option3. Ces deux mémoires sont contrastés quant à la note et à l’appréciation obtenue à
l’issue de leur soutenance, l’un ayant été considéré comme un très bon mémoire, l’autre ayant
obtenu une note inférieure à la moyenne.
La longueur des deux mémoires et de leurs versions intermédiaires, à chaque étape, est
assez semblable (figure 1).
Figure 1 : Longueur de chacune des versions des deux mémoires (en nombre de signes)
L’analyse du corpus a tenté de répondre à plusieurs questions.
• Ces étudiantes4 ont-elles utilisé des ressources bibliographiques et en quelle quantité ?
• À quel moment du travail (c’est-à-dire dans quelle version) ces ressources
apparaissent-elles dans leur écrit ?
• Ces ressources sont-elles identifiées ?
• Ces ressources contribuent-elles à échafauder un cadre théorique, à analyser des
données de terrain ? Y a-t-il articulation des deux aspects ?
À ces questions « macro » viennent s’ajouter des questions « micro » sur la manière
dont, dans l’énonciation, l’argumentation, le choix des mots, apparaissent plus ou moins le
dialogue avec soi-même et avec autrui et l’« orchestration » de l’hétérogénéité énonciative.
Résultats
1. Les lectures mentionnées
Chacune des mentions d’un ouvrage ou d’un article dans le texte du mémoire ou dans la
liste finale des références a été relevée sur chacune des versions des deux mémoires. Ces
références ont été classées en plusieurs catégories :
Articles ou ouvrages de recherche.
3 Dans ce master qui accueille un nombre important d’étudiants, le mémoire est écrit et accompagné dans le
cadre d’une « option d’approfondissement et de recherche » choisie par l’étudiant sur une discipline ou une
thématique, et qui comporte un horaire d’enseignement d’une soixantaine d’heures dans l’année.
4 Il se trouve que les deux auteurs sont des femmes. Rappelons que, dans les formations de professeurs des
écoles, neuf étudiants sur dix sont actuellement des étudiantes.
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8)
Article ou ouvrage de vulgarisation ou d’interface.
Textes officiels.
Ouvrages ou articles prescriptifs.
Pages web, en particulier de sites de l’Éducation nationale (sont exclus de cette
catégorie les articles de recherche trouvés par l’intermédiaire de sites Web
spécialisés).
Dictionnaires.
Les résultats de l’analyse figurent dans le tableau 1 et sont résumés en figure 2.
Tableau 1 : Nombre des références bibliographiques par mémoire et par version
Nb références
dont interface
dont TO
dont ouvrages
prescriptifs
dont sites
Web
dont
dictionnaires
A
V1
Références présentes dans la version 1
5
0
1
0
0
0
V2
Références présentes dans version antérieure
5
1
Références ajoutées dans la version 2
8
2
Total des références dans la version 2
13
0
3
0
0
0
V3
Références présentes dans version antérieure
13
3
Références ajoutées dans la version 3
6
Total des références dans la version 3
19
0
3
0
0
0
V4
Références présentes dans version antérieure
19
3
Références ajoutées dans la version 4
4
Total des références dans la version 4
23
0
3
0
0
0
V5
Références présentes dans version antérieure
21
1
Références ajoutées dans la version 5
5
Total des références dans la version 5
26
0
1
0
0
0
V6
Références présentes dans version antérieure
25
0
Références ajoutées dans la version finale
5
4
Total des références dans la version finale
30
0
4
0
0
0
B
V1
Références présentes dans la version 1
5
1
1
0
0
1
V2
Références présentes dans version antérieure
4
1
1
1
Références ajoutées dans la version 2
19
3
2
Total des références dans la version 2
23
1
1
3
2
1
V3
Références présentes dans version antérieure
18
1
1
2
Références ajoutées dans la version 3
9
1
4
Total des références dans la version 3
27
1
2
0
6
0
V4
Références présentes dans version antérieure
27
1
2
6
Références ajoutées dans la version 4
6
1
2
Total des références dans la version 4
33
2
2
0
8
0
V5
Références présentes dans version antérieure
33
2
2
8
Références ajoutées dans la version 5
1
1
Total des références dans la version 5
34
2
2
0
9
0
V6
Références présentes dans version antérieure
31
2
2
6
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D)
Références ajoutées dans la version finale
1
Total des références dans la version finale
32
2
2
0
6
0
Figure 2 : Nombre des références bibliographiques par mémoire et par version
Le premier constat est que les deux étudiantes respectent l’injonction à lire et à utiliser
et citer des références bibliographiques qui leur est faite. Les références citées sont
nombreuses (une trentaine) et apparaissent tôt dans l’élaboration du mémoire. La grande
majorité des lectures citées sont dans les deux cas des ouvrages et articles scientifiques. On
notera cependant, chez l’étudiante B, la tentation d’utiliser les pages Web issues en particulier
de sites de circonscriptions de l’éducation nationale abordant des thèmes qui l’intéressent.
2. Des lectures présentées pour elles-mêmes ou bien articulées à la recherche de terrain ?
En revanche, lorsque l’on s’intéresse au contexte d’apparition des références
bibliographiques dans le mémoire, les deux écrits diffèrent considérablement. Nous nous en
tenons ici aux articles et ouvrages scientifiques.
Dans le mémoire A (production finale), sept des références utilisées pour construire le
cadre théorique sont reprises dans l’analyse des données empiriques. Sept autres références,
sans être citées de nouveau formellement, le sont à travers les concepts qu’elles ont permis de
construire ou de présenter et qui sont explicitement mobilisés pour analyser les données de
terrain. Une référence nouvelle (qui n’apparait pas dans la partie consacrée au cadre
théorique) est évoquée lors de l’analyse des données. Il est en outre à noter que toutes les
références mobilisées (explicitement ou implicitement) pour analyser les données figuraient
déjà dans la version 3 du mémoire. Ce sont les influences les plus précoces dans le processus
d’élaboration du mémoire qui semblent avoir finalement le plus compté, avoir le plus
profondément influé sur le processus de pensée de l’auteur, les références ajoutées en fin de
processus apparaissant comme plus « décoratives », moins incorporées, ou davantage peut-
être destinées à attester l’étendue des connaissances sur le sujet.
De manière contrastée, dans le mémoire B (production finale), une seule des références
utilisées dans la partie consacrée à la présentation d’un cadre théorique est reprise lors de
l’analyse des données de terrain. La liste des références proposée en fin de mémoire est
identique à celle qui apparaissait déjà dans la version 3 ; les lectures ont été faites en début de
processus, mais peu utilisées pour comprendre les données de terrain dont l’analyse apparait
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E)
comme un module autonome. En outre, une bonne partie de la liste bibliographique finale
n’est pas présente dans le corps du mémoire : l’étudiante a proposé la liste de ce qu’elle a lu,
mais sans procéder, lors de la rédaction, à un travail d’identification précise de l’origine des
savoirs et des concepts présentés. Pourtant, souvent, ces savoirs sont apparemment référés,
mais à des sources qui n’apparaissent pas dans la liste finale ; il s’agit en fait alors de
références « de seconde main », décalques des références données dans la source consultée
par l’étudiante, ou de références qui peuvent provenir des cours reçus, mais non rapportées à
des contributions publiées. Il en va d’ailleurs de même pour une bonne partie du texte proposé
par cette étudiante, qui recopie très largement des articles et surtout des pages Web : la
version 4, soumise à un logiciel antiplagiat5, révèle un taux de similitude de 37 % avec des
pages Web.
3. Énonciation et dialogisme
Les choix effectués par les auteurs du mémoire, concernant d’une part l’organisation du
mémoire, d’autre part la prise en charge du texte au plan énonciatif, et l’organisation du
propos à l’intérieur du plan, révèlent simultanément des caractéristiques communes et des
positionnements très contrastés au plan dialogique, autrement dit des manières différentes de
s’approprier – ou de ne pas s’approprier – les voix d’autrui.
3.1. Des points communs
Nous mentionnons notamment ici trois caractéristiques communes de ces écrits, qui
concernent leur organisation, une forme précoce de questionnement, et une certaine hésitation
concernant le choix des pronoms pour s’autodésigner, c’est-à-dire pour désigner l’auteur en
devenir de ces mémoires.
• L’organisation du mémoire
Rinck (2010) rappelle que les outils méthodologiques proposés aux étudiants (manuels
d’aide à la rédaction par exemple) fournissent généralement des cadres dans lesquels ceux-ci
viennent s’inscrire. L’étude de la version finale des documents A et B montre en effet dans les
deux cas une organisation qui distingue, outre l’introduction, la conclusion et la bibliographie,
le cadre théorique, les aspects méthodologiques, l’analyse et les résultats de la recherche,
attestant au moins en surface d’une conception commune de l’organisation du mémoire en
lien avec le genre prescrit, conception sans doute issue des séminaires de méthodologie.
Notons toutefois que dans le mémoire A, ces quatre grandes parties sont subdivisées en
sous-parties qui laissent entrevoir des choix théoriques ou méthodologiques propres, la partie
théorique étant par exemple divisée en 8 sous-parties, chacune articulée autour d’un concept
référé. De même, la rubrique méthodologie distingue clairement les différentes parties du
corpus, et les choix des catégories ou axes retenus pour l’analyse.
Dans le mémoire B cependant, à l’exception de la rubrique concernant le cadre
théorique, divisée en deux sous-parties centrées sur des domaines concernant d’une part les
inégalités scolaires, d’autre part la théorie de la lecture, aucune subdivision n’apparait, ce qui
conduit à un plan en 13 parties, mettant par exemple sur le même plan cadre théorique,
méthodologie, présentation du support6 ou présentation de la séquence analysée. Cette
juxtaposition d’items laisse à penser que ces derniers représentent une série de tâches, dont il
y aurait lieu de s’acquitter successivement.
5 Compilatio.
6 La recherche porte sur une séquence d’enseignement concernant la lecture d’un album de jeunesse, désigné
dans le mémoire comme « support ».
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F)
• Un questionnement précoce
L’étude comparée de la version 1 de chacun des mémoires montre d’autre part que la
dimension du questionnement intervient très tôt dans la rédaction. Le premier jet du mémoire
A, qui comprend un peu moins de 8 800 signes, fait apparaitre 7 questions successives, et le
mémoire B, d’un volume d’un peu moins de 7 200 signes, en fait apparaitre 5. Ces questions,
qui acquerront certes un statut différent au fur et à mesure de l’évolution de chacun de ces
écrits, semblent montrer que les deux auteurs perçoivent la nécessité de s’outiller de concepts,
et perçoivent qu’une partie des réponses aux questions qu’ils se posent se trouve déjà dans les
ouvrages ou articles théoriques qui traitent de la question, qui acquièrent de ce fait le statut de
sources de savoirs disponibles ou déjà-là. Ainsi, le document A, qui questionne le rôle de
l’activité réflexive sur la pratique enseignante, en vient à s’interroger sur la notion de geste
professionnel :
On observera le rôle du référentiel de compétence et les activités réflexives dans
l’ajustement conscient des gestes professionnels.
Mais, peut-on parler de gestes professionnels ? [] Au final, est-ce qu’il ne serait
pas plus juste de parler de professionnalisme, de capacité d’ajustements complexes
et précis ?
Il convient, ici de définir ce que sont ces gestes professionnels ; ces ouvrages
devraient le permettre :
D. BUCHETON (2008) Le développement des gestes professionnels dans
l’enseignement du français. Un défi pour la recherche et la formation, De Boeck
[Mémoire A, version 1, p.1]
De même, dans le document B, l’étudiante, qui s’interroge sur le rôle des pratiques
enseignantes dans la compréhension d’un album de jeunesse, en vient à questionner la notion
même de lecture :
Qu’est-ce que la lecture ? []
Jocelyne Giasson, auteur du livre la compréhension en lecture, décrit différents
processus qui permettent à l’élève de comprendre les mots et le texte dans sa totalité.
[Mémoire B, version 1, p.1-2]
Dans ce même document B, l’emploi du terme compétence conduit à la définition qu’en
propose Roland Goigoux, puis à la déclinaison des cinq compétences que l’auteur considère
comme indispensable à l’exercice de la lecture, et dans le document A, l’emploi du terme
autoconfrontation est aussitôt suivi d’une référence à Yves Clot. Les deux auteurs du
mémoire semblent donc d’emblée manifester une certaine sensibilité à la dimension
conceptuelle des termes employés dans la recherche, et à la rigueur nécessaire qu’implique
leur emploi, et donc à la nécessité d’un dialogue avec les auteurs qui les ont précédés, ce qui
ne signifie cependant pas que cette rigueur fasse par la suite l’objet d’un développement en
acte équivalent au sein de chacun de ces documents.
• Une certaine hésitation dans l’emploi des pronoms
Enfin, l’étude des écrits successifs des deux mémoires permet d’observer une forme
d’hésitation dans l’emploi des pronoms, susceptible de traduire la tension inhérente à
l’activité de recherche que suppose l’inscription, pour l’auteur, dans une communauté
discursive, et donc l’acculturation à une voix collective (un nous), et l’émergence d’un sujet
auteur, donc l’émergence d’une voix propre (un je). On observe en effet une alternance dans
l’emploi du je ou du nous pour désigner l’auteur. Dans le mémoire A, cette hésitation apparait
dans la version 2 :
On atteint ici les logiques profondes (Bucheton 2009) de ces enseignants au moment
d’accueillir la conseillère pédagogique. Je fais l’hypothèse que le prescrit est
prendre en compte la diversité des élèves, que l’autoprescrit est : je dois montrer
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G)
que je sais me poser cette question” ». [] Au plan technique, nous utilisons
principalement [] [Mémoire A, version 2, p. 5-6, nous soulignons]
Dans le mémoire B, cette hésitation n’apparait qu’à la version 4, ce qui nous amène à
penser que la perception (plus ou moins consciente) d’une tension entre émergence du sujet
auteur et inscription dans une communauté discursive intervient elle-même plus tardivement
pour cet auteur :
Exemple d’analyse de rappel de récit, nous analysons le rappel de récit de
Mohammed. J’ai choisi le rappel de récit de Mohammed, car c’est un élève qui a
des difficultés à se concentrer. Au travers de cette analyse, j’aimerais infirmer ou
affirmer que le fait d’être déconcentré à un impact sur la mémorisation d’éléments
qui constituent l’album [Mémoire B, version 4, p. 35, nous soulignons]
Cette hésitation entre je et nous disparait en revanche complètement dans la version 4
du document A (qui n’atteste plus qu’à quelques reprises d’une hésitation entre on et nous
pour s’autodésigner), tandis qu’elle se maintient dans le document B (qui hésite dans cette
version aussi bien entre l’emploi des pronoms on et nous qu’entre l’emploi des pronoms je et
nous pour s’autodésigner).
Nous constatons enfin que l’emploi du pronom nous dans le mémoire A, à partir de la
version 4, renvoie dans 100 % des occurrences à l’autodésignation de l’auteur du mémoire (et
de la recherche), ce qui apparait comme un fait particulièrement remarquable, et qui distingue
ce mémoire non seulement du mémoire B, mais aussi d’autres écrits que nous avons pu
étudier jusqu’à présent. Au sein de ces derniers en effet, l’emploi du pronom nous oscille
entre un renvoi à l’auteur du mémoire, et à un collectif plus général de portée indéfinie (par
exemple Lorsque nous cherchons à résoudre un problème, nous nous construisons
progressivement une certaine représentation de ce problème) parfois même à un collectif
englobant le lecteur.
Cette particularité du mémoire A, peut-être liée au fait que la question de l’emploi des
pronoms est précisément objet de recherche pour l’auteur, qui travaille sur la réflexivité des
enseignants, nous conduit à envisager maintenant les différences notables que nous avons pu
constater entre les deux documents A et B.
3.2. Des différences notables
Celles-ci concernent notamment la manière dont ces écrits dialoguent avec les auteurs
sources, et l’émergence ou la non émergence d’une voix propre, susceptible de contribuer à la
construction du sujet auteur. Nous en retenons ici trois dimensions : il s’agit de l’intégration
et de la mention des sources, du statut épistémique des assertions, et de la présence d’une
réflexion sur la recherche en cours dans les écrits de travail, qui peut se manifester à travers
l’intrication d’un journal de recherche dans le corps du texte.
• Intégration et mention des sources
Si celles-ci font généralement difficulté pour les étudiants, on observe cependant ici que
cette difficulté n’est pas de même nature pour les auteurs des deux mémoires. L’étude
comparée des versions 6 de chacun d’eux, autrement dit de leur version la plus aboutie, atteste
en effet dans un cas d’une forme de citation qui traduit le plus souvent une réorientation
donc d’une appropriation de l’énoncé source de la part de l’auteur du mémoire (document
A), tandis que dans l’autre, le propos retenu fait l’objet tantôt d’une forme de citation que
nous qualifions de froide, d’inerte en quelque sorte, qui ne fait pas bouger le questionnement
de l’auteur, tantôt d’une forme de réorientation qui confine au dévoiement du texte source
(document B).
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H)
Ainsi, le document B procède par juxtapositions successives des sources, qui
n’intègrent que très peu la question de recherche :
La théorie de la reproduction (Bourdieu et Passeron, 1970) développe une idée. Tout
d’abord, le fait que les facteurs sociaux d’un individu (sexe, âge, nationalité des
parents, etc.) influent directement sur l’évolution de sa vie, ses choix. Effectivement
un individu aura tendance à reproduire voire à rester proche du schéma familial dans
lequel il a grandi. [] Les différences s’opèrent car les élèves doivent s’adapter à la
culture scolaire. [] La culture scolaire (Chauveau, 2000) peut désigner cinq objets
différents. [Mémoire B, version 6, p. 4-5].
L’approche conceptuelle demeure descriptive, et si l’emploi d’un terme entraine à sa
suite la référence à une autre source, celle-ci se voit paraphrasée dans une glose qui en écrase
en réalité la valeur conceptuelle : l’auteur réduit ici la théorie de la reproduction à un simple
ancrage dans le schéma familial (qui n’est d’ailleurs pas défini), et aucun des concepts
convoqués (reproduction, culture scolaire etc.) ne sera réinvesti par la suite, ni pour
reconfigurer la question de recherche, ni pour l’analyse des corpus.
À l’inverse, dans le document A, c’est le questionnement et les conceptions dans
lesquelles s’inscrit la recherche qui semblent mobiliser les concepts, qui à leur tour viennent
reconfigurer le questionnement :
L’analyse de l’activité des enseignants implique de s’intéresser à la manière dont
ceux-ci interprètent les prescriptions en fonction des moyens dont ils disposent et
des exigences qu’ils s’imposent. C’est la notion de « multifinalité » (Goigoux 2007)
qui permet, ici, de mieux comprendre les équilibres que l’enseignant cherche à
établir entre « sa situation de travail, les élèves et lui-même » (Goigoux, 2007,
p. 50). []
Dans cette interprétation de l’activité enseignante, on cherchera à lire les écarts, les
contradictions, voire les conflits, non pas pour repérer des manquements, mais pour
comprendre l’opacité qu’on cherche à lever. Celle qui fait obstacle à l’évolution des
compétences professionnelles. [Mémoire A, version 6, p. 10]
Le cadre théorique en vient dans le document A à s’épaissir progressivement en
réitérant ce mouvement de référence/reconfiguration de la question de recherche, dont nous
donnons ici à voir le début, tandis que dans le document B, les notions convoquées se
succèdent sans s’orchestrer, aboutissant régulièrement à un dévoiement des concepts, voire à
des interprétations qui viennent en réalité les contredire, comme dans l’exemple qui suit :
Donc, avant de commencer l’apprentissage de la lecture, le professeur présente les
liaisons entre graphèmes et phonèmes, l’élève doit avoir acquis cette compétence
avant de commencer celle de la lecture. [Mémoire B, version 6, p. 14]
• Statut épistémique des assertions
Le deuxième lieu de différenciation de ces mémoires réside dans la manière d’affirmer
un savoir ou de positionner un concept, autrement dit dans le statut épistémique des assertions
(Rinck, 2010). Dans le mémoire A, ce « rapport au savoir » participe d’un double mouvement
à la fois d’adhésion et de distanciation vis-à-vis de l’énoncé source, qui laisse penser que
l’auteur du mémoire s’approprie le propos cité – et donc ne le trahit pas – tout en le
réorientant de manière à faire sens avec son propre propos.
Cette réorientation du propos peut se traduire par une approche sélective du savoir
concerné :
Les « obstacles didactiques professionnels » (Alin, 2010) sont, quant à eux, définis
ainsi : []. Quatre concernent la construction technique et didactique []. Quatre
évoquent la relation humaine et la pédagogie []. Et quatre derniers définissent les
écarts entre le prescrit et le réel [].
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Ce sont ces quatre derniers qui nous intéressent plus particulièrement et qui
constitueront nos objets de travail. [Mémoire A, version 6, p. 13]
Elle peut aussi se manifester par une aptitude à faire dialoguer des concepts ou notions
théoriques :
Empruntée au champ de l’ergonomie, cette notion d’auto-prescription convoquée
par Bucheton (2008) nous permet de mieux comprendre les compromis que
l’enseignant doit faire. [] Cette notion renvoie aux différentes instances
institutionnelles de prescription et donc à celle de « travail prescrit » mais aussi à
celle de « non réalisé » (Clot, 1999). Cette notion est très proche de celle de « tâche
redéfinie » (Leplat, 1987). Elle véhicule, elle aussi, une composante sociale.
[Mémoire A, version 6, p. 15]
Elle peut également apparaitre dans une reformulation complète de l’énoncé source, en
lien avec la question de recherche traitée dans le mémoire :
Empruntée au champ de l’ergonomie, cette notion d’auto-prescription convoquée
par Bucheton (2008) nous permet de mieux comprendre les compromis que
l’enseignant doit faire. []
En d’autres termes, l’enseignant dispose d’une expérience, d’un certain rapport aux
savoirs théoriques, d’un attachement singulier à l’institution, d’une forme de
déontologie professionnelle. Il entretient également un rapport particulier avec des
valeurs personnelles, philosophiques, sociales et politiques. Il dispose également
d’un capital émotionnel qui lui est propre. [Mémoire A, version 6, p. 15]
Enfin, elle apparait souvent dans la manière dont elle peut être utile à la recherche
propre de l’auteur du mémoire :
Ce concept de « genre » ajoute à celui de « schème » (Vergnaud) une dimension
sociale qu’il convient de prendre en compte au moment d’observer l’entrée des
enseignants débutants dans une culture professionnelle. [Mémoire A, version 6,
p. 11]
À l’opposé, le mémoire B s’inscrit dans un rapport aux savoirs convoqués qui les cite
tantôt d’une manière directe, non réorientée et sans intégration de la question de recherche,
tantôt dans une reformulation tellement éloignée de l’énoncé source qu’il en perd sa
substance, et dans une paraphrase qui semble sans objet :
À travers l’analyse portant sur les études de (Pourtois, 1979) et (Bernstein 1971), il
est possible de comprendre que le langage est la base de tous les apprentissages,
donc le fait de s’adresser à un enfant d’une certaine manière aura un impact sur le
langage de l’enfant, sa méthodologie, sa compréhension. Prenons pour exemple, les
mères de classe ouvrière qui utilisent un langage souvent très didactique, impératif,
laissant peu d’autonomie à l’enfant. [Mémoire B, version 6, p. 9]
Dans le cas présent, le propos devient confus, alternant entre lieu commun (le fait de
s’adresser à un enfant d’une certaine manière aura un impact sur le langage de l’enfant),
amalgame (sa méthodologie, sa compréhension) et contresens (mères de classe ouvrière qui
utilisent un langage souvent très didactique).
Le statut épistémique des assertions est ainsi susceptible de traduire la manière dont
l’auteur se construit en tant que tel, l’émergence de sa voix propre s’éprouvant dans la
confrontation de son propre cheminement à partir des voix d’autrui, ou au contraire, dont le
sujet de l’écriture ou sujet textuel (Donahue, 2001) que l’on peut difficilement désigner
comme auteur dans ce cas tantôt s’assujettit au propos d’autrui, tantôt vient à le dévoyer,
faute sans doute, dans les deux cas, d’une appropriation créative des savoirs au sens
winnicottien du terme (Winnicott, 1975/1971). La forme que peuvent prendre les assertions
dans le mémoire atteste ainsi tantôt de l’absence d’un questionnement réel de la part de
l’auteur du mémoire, qui se voit parfois lui-même assujetti à l’exécution d’un certain nombre
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de tâches universitaires dont il ne perçoit pas toujours l’enjeu, notamment identitaire et
professionnel, tantôt, au contraire, de la présence de ce questionnement. Celui-ci est
matériellement perceptible dans le journal de recherche que l’on peut parfois observer au sein
même du mémoire, notamment dans les versions de travail.
• Intrication d’un journal de recherche dans le corps du mémoire
C’est précisément ce qui se produit pour le mémoire A, où la prise en main par l’auteur
de sa propre recherche se manifeste dans la version 2, qui s’intitule d’ailleurs « L’état de ma
réflexion… ». Ce document laisse paraitre des bribes de journal de recherche au sein du texte
de travail (en noir), à travers des passages surlignés en jaune, des passages en vert et d’autres
en rouge. Ces différentes couleurs, qui traduisent une forme d’orchestration polyphonique des
différentes voix qui permettent l’élaboration du texte, symbolisent certes l’injonction à soi-
même (par exemple à faire, ou à structurer, ou encore à écrire), mais pas uniquement.
On note ainsi toutes sortes de commentaires, plus ou moins attendus ; certains
concernent l’organisation de la recherche empirique :
« voir si je dois garder seulement les écrits “pré-visite conseil” ou bien garder aussi
l’ensemble du compte rendu de visite + le portfolio » ;
« prendre en compte le fait que les enseignants confirmés n’ont pas de portfolio ».
[Mémoire A, version 2, p. 4]
Un autre atteste d’une construction de l’auteur du mémoire en tant que participant à sa
propre évaluation, renvoyant ainsi à une forme d’autodirection telle que la propose Gérard
(2010) :
« très confus, à réécrire » [Mémoire A, version 2, p. 5]
Un autre, particulièrement intéressant, reflète la manière dont s’élabore une recherche,
qui comprend aussi de l’inattendu (le propos glose la découverte de l’intérêt d’enseignants de
statuts variés pour un même type de problème) :
« Remarque qui m’a sautée [sic] aux yeux alors que ce n’était pas ce que je
cherchais au départ » [Mémoire A, version 2, p. 4]
Enfin, on note aussi un commentaire qui fait état d’une réflexion scientifique en acte,
portant en l’occurrence sur la pertinence de l’utilisation – ou non – d’un outil théorique :
« L’outil d’ALIN ne risque-t-il pas d’enfermer mon observation. [On remarque
l’absence de point d’interrogation] Le risque est grand de normaliser l’agir
enseignant alors qu’on contraire [sic], il faut permettre de le réinventer pour
chercher les implicites. » [Mémoire A, version 2, p. 3]
Le questionnement, même s’il change de forme, semble donc permanent tout au long
des différentes versions du mémoire A, et les différents statuts de ces « autocommentaires »
traduisent une conception de l’écrit qui l’apparente tout autant à un outil de travail, à un outil
de la pensée contribuant à part entière à l’élaboration du processus de recherche, qu’à un outil
d’évaluation ou à un produit fini.
À l’opposé, on note dans le mémoire B (qui ne présente aucune forme de glose ou
commentaire), dès les premières versions, des affirmations tranchées, non modalisées, ne
laissant guère de place au doute, relevant de la prescription (futurs, présents de portée
générale, formes injonctives du type « il faut », « on doit »), qui viennent déplacer la quête de
sens que constitue le travail de recherche en une quête de solutions pour agir, le mémoire
manquant ainsi, si l’on peut dire, deux fois son but :
Jocelyne Giasson, auteur du livre la compréhension en lecture, décrit différents
processus qui permettent à l’élève de comprendre les mots et le texte dans sa totalité.
Dans un texte, l’élève doit comprendre dans un premier temps les mots d’une
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phrase, puis faire le lien entre ces phrases grâce à des connecteurs logiques,
assimiler le texte afin de pouvoir l’interpréter. Tout d’abord l’élève comprendra les
éléments textuels, après cela il discernera les inférences du texte. À partir de ces
actions l’élève aura compris le sens du texte et pourra donner son interprétation.
[Mémoire B version 2, p. 9, nous soulignons]
Progressivement, l’évocation des savoirs concernés glisse vers une série d’affirmations
successives qui deviennent prescriptions à l’adresse des enseignants, figeant ainsi le processus
d’acculturation théorique de l’étudiant :
De plus, il faut que l’enfant est [sic] compris les stratégies mises en œuvre ainsi que
leur but, le professeur ne doit pas rester dans l’implicite, il se doit d’expliquer
clairement ces pratiques, ce qui n’est pas toujours le cas et entraine certaines
difficultés chez des élèves, notamment des élèves issus de classe défavorisée.
[Mémoire B version 2, p. 9, nous soulignons]
La conception de la classe, du métier et de l’élève qui en découle devient dès lors
réductrice voire stigmatisante, prenant ainsi le contrepied des apports théoriques sollicités :
Ces enfants n’ont pas encore compris pourquoi lire et apprendre à lire, ils ont une
vision floue ou restreinte des finalités, du sens, de l’apprentissage de la lecture.
Ces enfants n’ont pas encore compris comment fonctionne le code de l’écrit, ils
ont une conception pré-linguistique du système d'écriture []
Ces enfants n’ont pas compris ce qu’il faut faire pour lire : ils pensent que lire
(l’acte de lire) c’est nommer les lettres, ou prononcer des fragments écrits, ou
répéter (redire) ou deviner (en interprétant l’image associée au mot). [Mémoire B
version 2, p. 10, nous soulignons]
Les différentes marques énonciatives de la prise en charge du texte par l’auteur du
mémoire nous paraissent ainsi témoigner, pour ce qui est du mémoire A, d’une forme de
négociation dialogique (Donahue, 2001, 2008), impliquant une appropriation créative des
travaux d’autrui dans la construction du savoir scientifique, tandis qu’elles relèvent selon
nous davantage de l’hésitation dialogique pour ce qui est du mémoire B. Dans le premier cas,
la négociation sous-tend une prise en charge par l’auteur du mémoire des tensions inhérentes
à l’acticité scientifique, tandis que dans le second, il s’agit plutôt d’assujettissement ponctuel
à des savoirs non maitrisés, qui se diluent progressivement dans le texte en perdant
simultanément de leur vigueur et de leur pertinence.
Écrire pour penser et se former au métier
Traçabilité et mises en lien
Ces résultats confirment et donnent une robustesse supplémentaire à des résultats
obtenus dans des recherches antérieures à partir d’autres corpus, recueillis dans des contextes
institutionnels très différents du présent contexte.
Si les références affichées dans les deux mémoires analysés et dont le nombre n’est
pas exceptionnel dans le contexte où ils ont été prélevés – sont beaucoup plus abondantes que
celles qui pouvaient être utilisées dans le cadre des mémoires professionnels pratiqués dans
les IUFM français dans les années 1990 et 2000 (voir Guigue, 1998 ; Guigue & Crinon,
2001), la difficulté reste la même à identifier des savoirs et à en faire la généalogie. Cette
capacité à opérer ce que nous avions naguère appelé la traçabilité des savoirs n’en reste pas
moins très discriminante. Savoir identifier ses sources pour faire des savoirs des instruments
intellectuels était l’une des activités élémentaires propre à l’écriture professionnalisante que
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7C)
nous avions tirée d’une analyse conduite sur des mémoires professionnels français et des
portfolios américains7 (Ricard-Fersing, Dubant-Birglin & Crinon, 2002).
Par ailleurs, l’opposition repérée ici entre une utilisation réitérée des sources (une fois
dans une élaboration conceptuelle et la seconde fois comme un outil) et une utilisation
ponctuelle de celles-ci rejoint une opposition entre deux manières d’élaborer le mémoire dans
le temps. L’une répond à une conception intégrée, où le mémoire se construit comme un
ensemble cohérent dont les différentes parties se répondent. L’autre procède d’une conception
plus juxtapositive. Cette seconde conception rappelle ce que nous avions nommé rédaction
modulaire du mémoire (par opposition à rédaction évolutive) dans une étude sur la genèse
d’une quinzaine de mémoires professionnels d’IUFM (Crinon & Guigue, 2003) : une suite de
morceaux s’ajoutent les uns aux autres en cours d’année dans un état dès le départ quasiment
définitif. Le mémoire B, dans la présente étude, peine à dépasser la juxtaposition des
fragments rédigés, de même qu’il peine à dépasser la juxtaposition des voix convoquées. Il
semble ainsi illustrer les obstacles rencontrés par beaucoup d’étudiants confrontés à l’écriture
longue qui leur est demandée, obstacles qui les empêchent de s’approprier leurs lectures et
d’en faire des outils pour élaborer leur propre pensée, obstacles déjà décrits par les recherches
sur l’écriture professionnalisante (pour une revue, voir Crinon & Guigue, 2006).
• L’écriture est pensée comme la transcription finale d’une pensée préalablement
constituée. Elle n’est donc pas le lieu d’une élaboration intellectuelle, de version en version,
elle n’est pas un moyen pour manipuler des connaissances et des idées, les mettre en relation
et les transformer.
• Les connaissances sont statiques et faire un mémoire consiste, dans une partie
« théorique », à collecter et à mettre bout à bout des informations et des connaissances, qui
auraient une existence en tant que telles, indépendamment de ceux qui les ont précédemment
construites et énoncées. Le recours aux dictionnaires procède de la même conception : les
mots qui désignent les notions étudiées ont un sens, celui que livre le dictionnaire une fois
pour toutes. Cette conception a d’autant plus de force que l’étudiant, encore mal à l’aise avec
des connaissances qu’il découvre, « ne se voit pas en tant que quelqu’un qui a l’autorité de
“parler” », pour reprendre l’expression de Donahue (2001, p. 78).
• L’écriture est l’instrument d’une évaluation, à partir de la restitution de ce qu’on sait.
Dès lors, il s’agit d’exhiber un maximum d’informations et de connaissances sur le sujet, et de
le faire seul. D’où même l’étonnement de certains étudiants par rapport à l’aide que peut
apporter un directeur de mémoire, cette aide étant presque assimilée à de « la triche ». En
même temps, si le but est d’exhiber des connaissances ayant une réalité extérieure au sujet, la
manière la plus économique de le faire est bien de les poser une fois pour toutes : ce qui est
écrit l’est définitivement, une fois qu’on s’est acquitté de cette tâche en vue de l’évaluation.
7 « Ainsi, l’activité qui consiste à identifier ses sources pourrait devenir une catégorie englobant à la fois les très
académiques bibliographies trouvées dans les mémoires et les dissertations et les listes de “best practices”
appartenant aux portfolios. La question de la “traçabilité”, du souci de nommer les pensées avec lesquelles on est
entré en dialogue et qui étayent les prises de décision accomplies ou projetées est au cœur du métier
d’enseignant. Il ne s’agit pas de reconnaitre indéfiniment une dette mais d’identifier les origines de ses pratiques
pour pouvoir éventuellement les réévaluer, en tester la cohérence avec les autres éléments d’une pédagogie. On
sait précisément la difficulté des praticiens de l’enseignement, même chevronnés, pour référer des choix à des
lectures, des rencontres, des témoignages (A.-M. Chartier, 1998). On a vu en revanche des stagiaires tenir un
journal de leurs idées préparatoires au mémoire, c’est-à-dire de leurs rencontres avec des partenaires, des pairs,
avec des lectures inopinées, des informations saisies au vol, embryon de la future bibliographie qui pourtant ne
retiendra que les sources les plus officielles. À cet égard, les portfolios se montrent d’une toute autre générosité
et s’ouvrent largement à la présence des conseillers, pairs, auteurs qui ont pu compter dans la construction d’une
pensée qui se sait dialogique. » (Ricard-Fersing, Dubant-Birglin & Crinon, 2002, p. 126-127).
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78)
Ainsi, pour certains étudiants, il parait particulièrement étrange et incompréhensible qu’un
écrit évalué positivement au premier semestre à titre d’écrit intermédiaire, d’étape du travail,
ne soit plus l’objet du même regard positif en fin d’année.
On peut penser qu’une partie importante des étudiants éprouve des difficultés à
procéder à la mise en lien des lectures et à la fusion des voix énonciatives et que le succès de
ce processus dépend de la résistance plus ou moins grande de croyances ou des conceptions-
obstacles que nous venons de présenter8. De ce point du vue, la notion de zone de contact, que
Donahue (2001) emprunte à Pratt (1990), et qui définit un espace d’acculturation à
l’université, permet peut-être de mieux comprendre l’incompréhension de certains d’entre eux
lorsqu’ils sont confrontés aux spécificités du genre mémoire. Ces étudiants, qui s’inscrivent
en master en étant lauréats d’une licence, découvrent de fait un nouveau mode de socialisation
universitaire, en partie fondé sur l’autoévaluation, sur la prise en charge par l’étudiant de
choix théoriques et méthodologiques, autrement dit sur le fait d’assumer des décisions, et non
sur la seule restitution des savoirs. Ce nouveau mode de socialisation implique une forme de
composition avec le mode de socialisation antérieur (Kauffmann, 2004), composition d’autant
plus délicate à négocier que ces nouveaux modes de socialisation sont en outre généralement
très implicites, et touchent à la construction d’un nouveau statut identitaire, qui oscille entre
étudiant de licence, étudiant de master et futur enseignant.
Identités en construction
Dans la formation que suivent ces étudiants est en effet explicitement visée la
construction de connaissances et de compétences utiles pour l’exercice de la profession9, qui
en fait dès lors un moment de construction de l’identité professionnelle. C’est d’une certaine
manière ce qu’affirme le descriptif du diplôme lorsqu’il présente le rôle la recherche dans la
formation. Il se réfère à la nécessité pour les enseignants d’être capables de lire des résultats
de recherche et d’en faire un moyen de formation tout au long de leur carrière. Il insiste
également sur la valeur de la démarche de recherche pour comprendre les situations
éducatives. Cette socialisation à et par la recherche répond à une certaine vision de l’identité
professionnelle des enseignants, celle d’un intellectuel capable d’autoformation et de
réflexivité. Dès lors, en sus des différents discours théoriques auxquels est confronté
l’étudiant, et au-delà de la nécessité d’entrer en dialogue avec ces auteurs pour le devenir soi-
même, il s’agit également pour lui de gérer ce que l’on pourrait appeler des conflits
d’identités, liés à des conflits entre des communautés discursives distinctes, que sont
notamment la communauté scientifique, l’institution scolaire et le corps enseignant.
Les analyses conduites plus haut indiquent que ce type de socialisation obtient des
succès divers selon les étudiants.
Conclusion
Tout au long de la formation d’un élève puis d’un étudiant, de l’école primaire à
l’université, apprendre à écrire est pour une bonne partie apprendre à écrire en je, à
comprendre qu’écrire, c’est manifester des intentions et s’insérer dans un dialogue, un
dialogue avec ses lecteurs, un dialogue avec les auteurs qu’on a lus, à qui on est redevables ou
par rapport auxquels on réagit. Au cours de l’enseignement obligatoire, l’apprenti scripteur
apprend ainsi que les mots des autres sont ses mots, qu’écrire, c’est réécrire – ses propres
8 Du moins si l’on considère que l’une des conditions du développement professionnel des enseignant est leur
capacité à faire évoluer leurs croyances (Belensky et al., 1986, cités par Boraita & Crahay, 2013).
9 C’est ainsi que le descriptif du diplôme se réfère au référentiel des compétences des enseignants publié par le
Ministère de l’Éducation nationale.
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7D)
productions et celles des autres – que les lectures qu’on a faites sont autant de ressources pour
écrire, si l’on s’autorise à imiter, pasticher, emprunter pour poursuivre son propre but.
À la fin du secondaire et à l’université, une nouvelle étape intervient progressivement :
pour réussir dans l’écriture pour penser et apprendre qu’on y pratique, il y a besoin d’être
conscient des emprunts et des influences, et de formuler explicitement quelles sont ces
influences et ce qu’on en fait. Paradoxe d’une polyphonie « orchestrée » les différentes
voix se confondent tout en restant distinctes.
L’étude comparative de ces deux mémoires nous permet d’affirmer un certain nombre
de points :
L’élaboration de la voix propre d’un auteur ne peut se penser en dehors de
l’appropriation des voix d’autrui, et cette dimension paradoxale, qui n’est pas
propre à l’écriture scientifique, mais qui prend une place d’autant plus
importante dans l’écriture scientifique que celle-ci se développe dans une
tension entre acculturation à une communauté discursive et construction du sujet
auteur, est généralement ignorée des étudiants avant l’entrée dans ce cycle.
La question de l’écriture du mémoire et celle de la recherche qu’il permet de
conduire sont intrinsèquement liées, et l’ignorance de ce lien étroit par les
étudiants nous semble compromettre l’entreprise qu’ils poursuivent, tant en
termes de formation à la recherche qu’en termes de développement identitaire.
Écriture et subjectivation, écriture et élaboration de soi ont partie liée, et toute
entreprise d’écriture longue qui ne prend pas en compte cette dimension nous
apparait vaine.
Deux niveaux de conflits d’identités peuvent se superposer au cours de l’écriture
de ce mémoire : d’une part, un conflit issu de la double nécessité de devenir soi
en cultivant l’autre, d’autre part le conflit entre les identités mouvantes
d’étudiant (qui restitue des savoirs), d’apprenti chercheur (qui produit du savoir)
et de futur enseignant (qui transmet du savoir).
Enfin, les manifestations de la négociation dialogique que l’on perçoit dans le
mémoire A traduisent une forme de prise de pouvoir légitime – de la part de
l’étudiant, une forme de réappropriation de son travail – et du regard qu’il s’agit
de porter sur celui-ci – par le sujet de l’écriture, et donc une forme d’émergence
de l’auteur : les tensions exercées sont devenues structurantes ; tandis que les
hésitations dialogiques qui traversent le mémoire B laissent paraitre un sujet
textuel plus balloté ou agi par les conflits d’identité que réellement en prise avec
ces tensions.
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Article
Full-text available
En formation d’enseignants, des formateurs utilisent des forums pour le suivi des mémoires de recherche. L’analyse des échanges de ces forums montre l’importance et la complexité de cet accompagnement. Elle met en évidence des apports différenciés du forum selon les étudiants et montre les effets relatifs d’une médiation uniquement centrée sur les contenus. Elle souligne l’importance de la médiation réflexive dans le processus d’accompagnement pour surmonter les nombreuses tensions à l’œuvre dans l’écriture de recherche.
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La problématique du dialogisme est obscurcie par des problèmes de flottements terminologiques, qui recouvrent en fait bien souvent des divergences théoriques. A travers la relecture des textes fondamentaux de Bakhtine sur cette question, - notamment les articles Les genres du discours et Du discours romanesque, et l'ouvrage Problèmes de la poétique de Dostoïevski - on définit, le dialogique dans son rapport au dialogue, on le distingue du dialogal (/monologal), et on l'articule à une autre notion qui tend fréquemment à le remplacer : la polyphonie. Pour ce faire, on adopte une perspective qui tienne les deux bouts du niveau macrotextuel de l'énoncé-discours et du niveau microtextuel de l'énoncé-phrase.
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L'analyse d'un corpus de quinze mémoires a eu pour but d'étudier l'écriture du mémoire professionnel en tant qu'écriture réflexive et plus particulièrement le sort fait par les stagiaires à leurs lectures. Pour beaucoup des auteurs des mémoires analysés, la présentation des savoirs constitués auxquels on accède par les livres semble une fin en soi.
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Linguistic analysis of knowledge issues in scientific discourse. A literature review The litterature review presented here is aimed to provide a background for linguistic analysis of scientific discourse (and/or academic discourse) and its knowledge issues. It is first shown how science studies have been interested in analysing scientific activity through the signs and texts it produces. The second part focuses on the linguistic analysis of scientific discourse and what it can say about the scientific activity. In the conclusion are discussed the various ways to adress knowlede issues of scientific discourse.
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La supervision de recherche constitue une variable importante de la réussite en deuxième et troisième cycles universitaires. Pour réduire les échecs et les abandons à ces niveaux universitaires, bon nombre de recherches se focalisent sur le lien entre la qualité de la supervision et la réussite de l’étudiant. Or, la relation pédagogique de supervision est une relation duale, le superviseur n’est pas le seul acteur de la réussite de l’étudiant. Peu abordé dans la littérature, nous questionnons dans cet article le rôle de l’étudiant dans sa propre réussite. Des entretiens semi-directifs ont été menés auprès de superviseurs et d’étudiants, dans trois disciplines des sciences humaines et sociales et dans sept universités françaises. Les résultats de cette enquête montrent que l’étudiant est le principal acteur de sa réussite. Quelle que soit la qualité réelle ou perçue de sa supervision, l’étudiant en situation de réussite est celui qui parvient à faire preuve d’autodirection. Nos données montrent que l’autodirection se traduit de deux manières principales avec, d’une part la découverte des implicites et, d’autre part la capacité de compensations des « manques » réels ou perçus.
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On peut décrire l’université en tant que «zone de contact » , un espace discursif de lutte et de négociation dialogique. L’étudiant «écrit son entrée » à cet espace, il construit des textes en reprenant et modifiant les concepts, les genres et les lieux communs qui lui sont disponibles. On peut identifier quelques-uns de ces reprises-modifications en tant que mouvements textuels qui permettent aux étudiants-écrivains d’adopter certaines positions discursives : la transculturation, l’appropriation et la paraphrase, par exemple. Plus particulièrement on peut décrire ces mouvements en tant que «literate arts » . Une analyse interprétative de trois essais rédigés en première année universitaire nous permet de mieux comprendre la nature et le fonctionnement de ce processus de rédaction et de négociation au cours duquel l’étudiant-écrivain choisit ou est interpellé par des positions discursives. L’analyse prend en compte quelques indicateurs de la construction de ce Sujet textuel : les pronoms je, nous et on, la voix passive, les modalités de certitude et les mouvements métadiscursifs.
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The aim of this literature review is to explore in greater depth the issue of change in teachers′ beliefs raised by Crahay, Wanlin, Issaieva and Laduron (2010) and, more specifically, to review research which has evaluated the effectiveness of initial training programmes in stimulating transformation of teachers′ beliefs. This issue remains controversial and it is difficult to draw clear conclusions. There are multiple reasons for this ambiguous situation. First, it is important to highlight that the notion of change is not clearly defined. Nevertheless, in spite of this major conceptual gap, researchers tend to conclude that there is evidence of short-lived and superficial change, and sometimes of sustainable and deeper transformation. In addition, the heterogeneity of research methods used in this field should be emphasised: longitudinal or transversal, quantitative or qualitative studies, on a set of teachers or specific individuals, some focusing on general beliefs and others on particular beliefs related to knowledge acquisition and disciplines. In this review, we aim to examine the effect of initial training by taking into account this variability in research methods and the nature of beliefs under consideration.As a first step, we review the studies devoted to the evolution of teachers′ beliefs during initial training, taking into account relevant contextual features. Thus, we review successively the effects of initial training by focusing on (1) general evaluations of initial teacher education programmes (2) the impact of theoretical courses, (3) specific programmes and (4) practical internships. In order to draw conclusions as precisely as possible, we outline a taxonomy of possible changes and consider the methodological framework for each of the listed studies. Then we analyse the solutions identified by the researchers to counteract resistance linked to beliefs to knowledge and ideas developed during initial training. In the final discussion, we question the adequacy of strategies and initiatives used in teacher education, and we try to sketch paths to be explored to improve the professional development of future teachers. We end with a flashback to the notion of beliefs by raising what is THE crucial question for us: what is a ″good″ belief?
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Today’s training programs for professions in human services (teaching, health, education, social and socio-cultural work, allied health) are often composed of written projects. This research magazine on written documents produced for professionalisation purposes (thesis, portfolios, papers, etc.) focuses first on the theoretical bases for such work, the skills they help develop, the reservations that people might sometimes have about it and the variety of professionalising written documents. The research work on those writings are analyzed around three main themes: observing professionalisation, their writing features and the different ways in which they are written, the relations between writing and training processes. The conclusion underlines several trends shared internationally and opens up new horizons for future research.