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Contribution de la chronobiologie de la vigilance à la sécurité des transports

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L’erreur humaine n’est souvent que l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé un opérateur de faire face à une situation anormale, qu’il s’agisse de la défaillance d’un appareil ou d’un jeu de circonstances inattendues : changement organisationnel, de procédure, d’environnement ou même altération de rapports interindividuels ou interservices. L’erreur humaine est un symptôme révélateur d’une mauvaise organisation du travail, une formation insuffisante ou inadéquate. En la comprenant et la gérant elle peut devenir paradoxalement un élément de sécurité. Ce papier montre la contribution de la chronobiologie de la vigilance à la sécurité des transports. L’approche proposée offre un cadre méthodologique pour l’analyse et l’évaluation de l’hypovigilance dans le domaine de la sécurité ferroviaire.
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Contribution de la chronobiologie de la vigilance à la
sécurides transports
Habib HADJ MABROUK * , Ahmed MAALEL** et Mohamed DOGUI***
*Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux.
Marne-La-Vallée, (Bâtiment NOBEL, 23 Rue Alfred Nobel, 77420 CHAMPS-SUR-MARNE. France)
mabrouk@inrets.fr
** Laboratoire RIADI-DGL (Ecole Nationale des Sciences de l’Informatique), Université de la Mannouba
Campus Universitaire - Mannouba 2010 Tunisie
maalel.ahmed@gmail.com
*** NVAP, Hôpital Universitaire CHU Sahloul Sousse Tunisie
mohamed.dogui@rns.tn
Résumé : L’erreur humaine n’est souvent que l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé un opérateur de faire face à une
situation anormale, qu’il s’agisse de la défaillance d’un appareil ou d’un jeu de circonstances inattendues : changement
organisationnel, de procédure, d’environnement ou même altération de rapports interindividuels ou interservices.
L’erreur humaine est un symptôme révélateur d’une mauvaise organisation du travail, une formation insuffisante ou
inadéquate. En la comprenant et la gérant elle peut devenir paradoxalement un élément de sécurité. Ce papier montre la
contribution de la chronobiologie de la vigilance à la sécurité des transports. L’approche proposée offre un cadre
méthodologique pour l’analyse et l’évaluation de l’hypovigilance dans le domaine de la sécurité ferroviaire.
Mots clés : Chronobiologie. Retour d’expérience, Sécurité, Erreur humaine.
1. Le Retour d’ expérience
Le concept retour d’expérience ” en matière de
sécurité des transports est différemment défini selon
les auteurs et les domaines. La partie commune à
toutes les définitions réside dans l’intérêt de tirer des
enseignements d’une expérience vécue pour éviter sa
reproduction. Le retour d’expérience correspond à un
examen approfondi des circonstances conduisant à la
réalisation d’événements touchant à la sécurité. C’est
une démarche qui vise à mettre en évidence les
insuffisances, les dysfonctionnements et les
incompatibilités du système de sécurité et à formuler
des propositions susceptibles d’éviter de telles
situations ou d’en réduire les conséquences. C’est une
étude détaillée et une analyse approfondie des
accidents ou incidents significatifs pour une meilleure
connaissance de leurs mécanismes générateurs. Le
Rex est nécessaire pour détecter les événements
imprévisibles au moment de la conception et de la
première mise en service du système. L’objectif est
double, il s’agit non seulement de tirer des
enseignements pour définir les actions correctrices de
sécurité efficaces à court terme, mais aussi de faire
évoluer et accumuler les connaissances profondes des
comportements humains et matériels à moyen terme.
Il s’agit d’un outil pour récupérer et exploiter une
information sur les dysfonctionnements des situations
de travail des acteurs des premières lignes pour en
tirer une leçon proactive de sécurité. Le Rex consiste à
la gestion au sens large des informations provenant
d’un événement et comprend la collecte et la
mémorisation des données, le traitement et l’analyse
de ces données, l’utilisation effective des résultats
obtenus et leur transmission pour faire partager son
expérience. [HAJ,04] [MAA,10]
une enquête technique dont le seul objet est de
prévenir de futurs événements, accidents ou
incidents… elle consiste à collecter et analyser les
informations utiles afin de déterminer les
circonstances et les causes certaines ou possibles de
l’événement, de l’accident ou de l’incident, et, s’il y a
lieu, d’établir des recommandations de sécurité…”
[LOI,02]
En résumé, le retour d’expérience correspond à un
processus dynamique de collecte, de stockage,
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d’analyse et d’exploitation des données relatives à des
situations contraires à la sécurité.(figure1)
Figure 1. Articulation des différentes étapes de
déroulement du Rex
Il consiste en une étude analytique causale des
différents facteurs impliqués dans la genèse des
incidents ou accidents. Le Rex permet une meilleure
compréhension des mécanismes conduisant à des
événements d’insécurité. Son but est de tirer profit des
enseignements de l’expérience passée pour augmenter
le niveau de sécurité en mettant en œuvre les mesures
préventives et correctives adéquates afin d’éviter la
reproduction de tels scénarios porteurs de risque. En
termes de Facteur Humain, le Rex “ Facteur Humain
concerne tous les événements qui ponctuent la
présence de l’homme dans un système à l’intérieur
d’un champ d’action. Il peut être considéré comme la
capitalisation de données sur l’expérience humaine
dans un système. Le Rex “ Facteur Humain ” repose
sur la compréhension de situation de travail pour
repérer des critères de sécurité et de fiabilité des
systèmes. Son objectif est de tendre vers
l’amélioration des performances et de la maîtrise de la
fiabilité et de la sécurité des personnes et des
systèmes. Le remède aux erreurs humaines revient à
améliorer le couplage entre l’homme et les autres
éléments du système.
2. limites du REX ferroviaire
Les principales difficultés et obstacles auxquelles
se heurte le Rex dans les transports ferroviaires
peuvent être regroupés en quatre catégories. Ce sont
les lacunes relatives à la réalisation de l’enquête
technique, à l’organisation générale de l’entreprise
ferroviaire, au déroulement du processus global du
Rex et aux difficultés de prise en compte des facteurs
humains. (figure 2) [HAJ,98,99,99b,99c]
Figure 2. Lacunes et limites de Rex ferroviaire
2.1. Limites relatives aux enquêtes techniques :
Les obstacles au Rex en matière d’enquêtes
techniques dans divers domaines de sécurité dont celui
du transport ferroviaire, résident notamment dans :
- Le défaut de méthodes d’investigation et de
protocoles d’enquête ;
- Le caractère non permanent et la composition
arbitraire des équipes d’enquêteurs : absence
de capitalisation de savoir faire sur la gestion
d’une grande enquête ;
- Le caractère conflictuel de quelques
structures d’enquêtes : intérêt divergent des
membres ;
- La difficulté d’échapper à une logique
disciplinaire : faute, non respect des normes,
procédures, Les enquêtes conservent
souvent une image négative malgré les
précautions prises par les différents acteurs
pour dissocier enquête de terrain et recherche
de responsabilité ;
- Le problème d’indépendance de l’enquête par
rapport aux grands acteurs du Rex
ferroviaire ;
- Le statut de l’organisme d’enquête :
problème d’interaction avec la justice,
mauvaise articulation entre enquête technique
et judiciaire, entraves à la compréhension des
faits ;
- Le problème de compétences des équipes
d’enquêteurs : formation insuffisante ou
inadaptée des enquêteurs éloignés du terrain
et absence de spécialistes facteurs humains
ou organisationnels.
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2.2. Limites relatives à l’organisation de
l’entreprise :
A l’inverse des transports aériens la
performance et le progrès du retour d’expérience sont
exemplaires en matière de sécurité et les
procédures recouvrent la totalité du champ de retour
d’expérience grâce à une organisation unique (le
Bureau Enquête Accident), les transports ferroviaires
font l’objet de dispositifs éclatés propres aux acteurs
et décidés par le ministre en cas d’accidents graves.
Les obstacles au REX sont multiples dont les plus
important sont les problèmes transversaux aux
métiers et aux organisations de l’entreprise (difficulté
d’une démarche systémique) et les problèmes liés à
l’analyse des facteurs humains. Généralement, il s'agit
d'un très grand cloisonnement, différentes cultures
(notamment techniques) et différentes logiques avec
une décentralisation du management et tendance au
régime féodal sur le mode de "chacun chez soi" en
créant des petits chefs et baronnies. En plus il paraît
que les choses se jouent en interne, au sein de
l’entreprise sans partage d’expérience avec l’extérieur.
Parfois une entreprise ferroviaire constitue une sorte
de monopole qui fait tout lui me et maîtrise toutes
les étapes relatives à la conception technique, aux
installations de sécurité, du matériel et de leur
entretien, au transport, à la réglementation, etc. Cette
entreprise ferroviaire apparaît comme une organisation
"secrète" et très repliées sur elle même, pour laquelle
il est difficile de se prononcer quant à ce qu’elle fait
en termes de retour d’expérience. Ce qui explique
d’ailleurs non seulement, la rareté voire l’absence de
travaux publiés en matière de retour d’expérience,
mais également la difficulté d’accéder au terrain ou
d’effectuer des entretiens avec les responsables de
sécurité en la matière.
2.3. Limites relatives au processus global du Rex :
Plusieurs travaux soulignent que le processus du
Rex souffre de plusieurs lacunes relatives notamment
aux données nécessaires pour un bon déroulement du
Rex. Les systèmes de Rex sont à la fois riche et sous
exploités pour plusieurs raisons. En effet, malgré la
multiplicité des sources d’informations, l’importance
de leur quantité et la diversité de leur nature, la
description des événements permet rarement une
analyse explicative. On se contente souvent d’un Rex
axé sur la constitution de bases de données (BD) et le
traitement statistique plutôt que des analyses
qualitatives et approfondies. L’idée de Rex est ainsi
longtemps confondue et se confond encore avec
l’accumulation des informations sur les événements
mettant en cause la sécurité, notamment à travers la
constitution de BD. La constitution de BD est une des
modalités privilégiées pour collecter, traiter et
analyser les informations relatives notamment aux
défaillances techniques. Elle est devenue une finalité
et un but en soi sans profonde réflexion sur ce qui était
recherché ou sur ce qui devrait être ciblé, sans suivi
d’effet et sans véritables liens avec des logiques
d’actions. La constitution de BD apparaît comme étant
au cœur du Rex négligeant ainsi les phases en aval et
surtout en amont de stockage des données, ce qui
conduit à une impasse du retour effectif de
l’expérience et à un "bouclage" du Rex peu valorisé.
En effet, le retour du Rex devrait constituer une étape
essentielle pour toute pratique de retour d’expérience.
Il s’agit d’un bouclage effectif du processus du Rex
par le "retourné" des enseignements tirés de l’analyse
des événement critiques vers les acteurs les plus
immédiatement concernés (acteurs de terrain,
opérateurs, concepteur, organisateur, contrôleur,
expert, etc). Cependant, ce bouclage n’est pas
privilégié car il apparaît que le but initial de la
procédure est de résoudre le problème en amont du
retour. Les bases de données actuelles, de par leurs
méthodes de collecte des données, ne permettent
qu’une analyse descriptive de surface insuffisante
pour déterminer les véritables mécanismes d’erreurs
ayant conduit à l’accident. [AKE,94,95,96]
En outre, l’exploitation des bases de données se
révèle le plus souvent incapable de prédire les futurs
scénarios d’accidents puisque le taux de (rares)
catastrophes continue à être constant malgré des bases
de données de plus en plus nombreuses et
sophistiquées. Chaque accident reste une forme de
surprise car il existe un problème d’exploitation des
données. Il ne suffit pas de recueillir l’information,
mais il faut aussi savoir la traiter et la diffuser pour
extraire l’événement réellement prédictif. Cependant,
les méthodes d’exploitation ne sont pas modifiées,
continuent à être fondées sur une vision statistique des
événements et leur synthèse ne prend presque jamais
en considération les cas isolés se trouvent
probablement les facteurs les plus prédictifs de futurs
accidents. En plus, les statistiques d’accidents souvent
basées sur un nombre très faible de cas sont à utiliser
avec des précautions puisque la fréquence d’un type
d’incident ne prouve rien quant à son caractère
précurseur d’accident.
En résumé, les limites du Rex ferroviaire, tout
comme d’autres domaines de transport d’ailleurs, sont
liés surtout :
- A la diversité des vocabulaires (absence de
définitions univoques) ;
- Aux difficultés de collecte de données
(recherche et remonté des informations) ;
- Aux problèmes de diffusion de
l’information : verrouillage des informations
incompatible avec la fonction du Rex, de
réflexion collective dans le cadre de la
sécurité des systèmes (retour du Rex, partage
de l’expérience) ;
- A la qualité des données collectées et
stockées ;
- Aux défauts de moyens et difficultés de
gestion technique pour "réactiver" les BD qui
risquent d’être inutilisables ;
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- Aux divergences et incertitudes des méthodes
d’analyse des données ;
- Au manque voire l’absence de moyens
convenables d’exploitation des données ;
- Au suivi parfois aléatoire de la mise en œuvre
des recommandations ;
- A la carence d’une méthodologie globale
standardisée du Rex ;
- Aux difficultés de prise en compte des
facteurs humains (FH).
En conclusion, on peut distinguer deux approches
du Rex une classique standardisée et une nouvelle. Le
Rex classique, standard et dominant consiste souvent à
une collecte plus ou moins automatique et plus ou
moins standardisée des événements répétitifs
appréhendés sous l’angle de facteurs techniques afin
de constituer des bases de données. La nouvelle
approche du Rex traduit une tendance à s’intéresser
aux aspects plus qualitatifs que quantitatifs et vise à
impliquer les acteurs directement concernés par les
différents phases de Rex. Cependant, les formes
actuelles prises par le Rex correspondent à plusieurs
compromis dont ceux relatifs aux difficultés de prise
en compte des facteurs humains.
2.4. Limites relatives à la prise en compte des F.H.
Plusieurs auteurs soulignent que le retour
d’expérience est plus limité et moins performant
lorsqu’il aborde l’analyse des événements qui
impliquent une défaillance humaine
[AKE,94,95,96][HAJ,94,04]. Les demarches du Rex
se sont essentiellement développées à partir des
aspects techniques. Tant pour des raisons pratiques,
d’efficacité que pour des raisons de gestion socio -
politique, les facteurs techniques ont été et sont encore
largement au cœur du retour d’expérience. Dans la
plupart des secteurs d’activités à risque, les Rex se
conçoivent essentiellement dans une perspective
technique et quantitative. L’identification des
problèmes s’effectue avant tout par rapport aux
matériels, aux systèmes et procédures techniques. Les
obstacles à la prise en compte des facteurs humains
dans le REX sont liés principalement aux :
- difficultés à cerner précisément ce qu’ils
recouvrent, à disposer des capacités
d’analyse adéquates pour les déterminer et à
intégrer cette préoccupation dans les cultures
des opérateurs ;
- difficultés à exploiter ce qui peut être
observer en matière de facteurs humains, à
traiter les aspects qualitatifs et à élaborer des
protocoles réductibles ;
- difficultés à trouver les moyens d’engager
des actions correctrices et à traiter les
problèmes liés aux facteurs humains ;
- difficultés de prendre en compte les erreurs
de l’opérateur humain dans la collecte,
l’analyse et l’exploitation des données
relatives aux incidents ou accidents.
Cependant, malgré les difficultés d’intégrer les
aspects humains dans une telle démarche, leur prise en
compte tend à devenir, peu à peu, une nouvelle
priorité.
3. Erreur humaine
L’erreur humaine liée à une baisse de la vigilance
est devenue un élément critique dans la fiabilité du
système Homme-Machine. Les opérateurs humains
dans le domaine du transport ferroviaire (contrôleurs
au PCC, agents de conduite et agents de maintenance)
sont soumis à plusieurs contraintes qui sont devenues
plus nerveuses (psychologiques et comportementales)
que physiques. La non concordance des horaires de
travail avec les horaires de meilleure forme et des pics
de vigilance, impose un effort supplémentaire
d’adaptation à ces horaires, augmentant ainsi la charge
du travail et pouvant affecter la fiabilité de ces
opérateurs. De ce fait, le problème de la fiabilité dans
les systèmes Homme-Machine est celui de la
compatibilientre les variations de l’état fonctionnel
de l’opérateur et celles des exigences du travail. Au vu
de ces données, il est donc judicieux d'analyser
quelques notions des facteurs humains liés à la
sécurité des transports ferroviaires :
- La fatigue chez les conducteurs peut avoir
son origine dans les horaires décalés des
services et dans la monotonie due à une
inaction prolongée ou à un déficit du système
informatif. L’hypovigilance en période
monotone demeure le facteur essentiel de
perte de contrôle et d’efficacité lors
d’épreuve de conduite.
- Les incidences de la variabilité circadienne
de l’état fonctionnel de l’opérateur humain
sur la fiabilité ne sauraient être évaluées
précisément sans que soit prise la mesure
exacte des caractéristiques de la tâche
(monotonie, absence d’intérêt), du niveau de
ses exigences et de ses variations, de la place
de l’activité de l’opérateur dans le système et
des conditions dans lesquelles se déroule
cette activité (bruit, chaleur, etc).
- L’erreur humaine n’est souvent que
l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé un
opérateur de faire face à une situation
anormale, qu’il s’agisse de la défaillance
d’un appareil ou d’un jeu de circonstances
inattendues : changement organisationnel, de
procédure, d’environnement ou même
altération de rapports interindividuels ou
interservices. L’erreur humaine est un
symptôme révélateur d’une mauvaise
organisation du travail, une formation
insuffisante ou inadéquate. En la comprenant
et la gérant elle peut devenir paradoxalement
un élément de sécurité.
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- C'est plutôt, la mauvaise conception des
matériels, l’intégration inadéquate Homme-
Machine et la conception peu appropriée des
Interfaces Homme-Machine qui sont les
principales causes des accidents ferroviaires.
La difficulté éprouvée par l’OH, lors de
l'accomplissement d'une tâche, est d'autant
plus importante que le système et l'interface
Homme-Machine ne sont pas adaptés aux
tâches dont il a la charge.
- L’automatisation peut éviter des erreurs de
manœuvre, mais elle ne peut en aucun cas
supprimer les erreurs de conception ou les
erreurs imprévues. Dans certaines situations
critiques d’insécurité, l'OH peut être un
facteur de fiabilité, en rétablissant le bon
fonctionnement du système, parfois par des
actions non prévues par le règlement de
sécurité de l’exploitation mais, liées à sa
connaissance, son expérience et son savoir-
faire, il rattrape alors des erreurs commises
par l'opérateur concepteur.
- Même si la présence de l'OH est parfois une
cause d'erreur, elle demeure indispensable. Il
reste l'élément clef du système, le meilleur
agent de fiabilité et joue un rôle déterminant
dans des situations dégradées. Il le sera
d'autant mieux que son rôle sera prévu dès la
spécification des besoins et que
l'automatisation sera centrée sur lui.
- Il faut intégrer les facteurs humains dès la
spécification des besoins et dès la conception
du système afin de concevoir des systèmes
qui s’adaptent à l’OH et non le contraire.
Toutes ces observations soulèvent l’ampleur du
problème posé par l’erreur humaine dans le domaine
de la sécurité des transports ferroviaires. De plus, il
n'existe à ce jour et à notre connaissance, aucune étude
basée sur des données réelles d’accidents ferroviaires
(retour d’expérience) pouvant conforter ou infirmer
l’importance des notions de chronobiologie de la
vigilance dans la genèse d’erreurs à l’origine des
accidents.
4. La chronobiologie de la vigilance
La chronobiologie a pour objet l'étude des rythmes
biologiques de l'homme dont ceux de la vigilance et
des performances. L’analyse des rythmes de la
vigilance chez l’homme montre que des épisodes
d’hypovigilance apparaissent à des horaires
prévisibles de la journée. La baisse de la vigilance de
l'opérateur humain est parmi les principales causes
d’accidents de la route. Elle est aussi souvent à la base
des accidents et incidents des transports ferroviaires.
Les accidents par hypovigilance présentent un
maximum de risque en milieu de l’après-midi, tard
dans la nuit et tôt le matin conformément aux patterns
circadiens de la somnolence. [HAJ,01,04]
A notre connaissance, dans le domaine de la
sécurité des transports ferroviaires, l'aspect
chronobiologique de la vigilance n'a jamais été abordé
de manière formelle. Pourtant, le régime de rotation
des horaires du travail des opérateurs humains, dans ce
domaine, pose le même problème que le travail posté.
La prise en compte des données chronobiologiques
peut améliorer la sécurité en proposant des solutions
d’adaptation des horaires du travail aux variations
circadiennes des capacités fonctionnelles de
l'opérateur humain. La détermination des horaires de
meilleure performance de l'opérateur humain et leur
concordance avec ses horaires de travail améliorent la
fiabilité du système Homme-Machine et réduisent
ainsi le risque d’accident. [HAJ,01,04]
5. Approche méthodologique d'application
de la chronobiologie de la vigilance au
domaine de la sécurité des transports
ferroviaire
Nous proposons ci-après une approche
méthodologique originale d'application de la
chronobiologie de la vigilance au domaine de la
sécurité des transports ferroviaires. Cette approche,
qui est inspirée notamment des données et des
résultats issus de l'analyse des accidents, fait intervenir
douze grandes étapes :
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Figure 3. Démarche d’application de la chronobiologie de la vigilance
au domaine de la sécurité des systèmes de transports ferroviaires guidés
1. Le recueil des données d’accidents à partir
d’une base de données (retour d’expérience)
et/ou d’un travail prospectif à l’aide des
techniques de recueil des connaissances
(questionnaire, interview, analyse de
protocole, ...);
2. L’établissement de la liste des accidents dus à
une erreur humaine ;
3. La détermination de la répartition temporelle
de ces accidents (rythme des accidents) à
partir de leurs horaires d’occurrence ;
4. La recherche d’une corrélation entre les
horaires prévisibles d’hypovigilance (rythmes
de la vigilance) et les pics d’occurrence des
accidents dus à une erreur humaine (rythme
des accidents) ;
5. L’établissement de la liste des causes
d’accidents relatives à une erreur humaine ;
6. L’identification des différentes causes
d’hypovigilance à l’origine d’accidents;
7. L’élaboration des moyens instrumentaux et
comportementaux de détection et de
prévention des hypovigilances de l’opérateur
humain (OH) ;
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8. L’identification et le choix des OH (personnel
de maintenance ou d’exploitation) auxquels
le système est destiné ;
9. La détermination de la typologie circadienne
du sommeil des OH choisis afin d’établir leur
chronotype “ du matin ” ou “ du soir ” ;
10. La recherche de leurs horaires de meilleure
performance en fonction du critère de
matinalité - vespéralité ;
11. L’analyse de la tâche confiée à ces OH;
12. L’établissement de profils de postes des
différents types des OH en soulignant la
nécessité de concordance entre leurs horaires
de travail avec ceux de meilleure
performance.
Conclusion
L’OH est un élément paradoxal : en situation de
stress ou de fatigue, il peut être un élément de la perte
de la fiabilité d’un système. Cependant, dans
certaines situations critiques d’insécurité, il peut être
un facteur de fiabilité, en rétablissant le bon
fonctionnement du système, parfois par des actions
non prévues par le règlement de sécurité de
l’exploitation mais, liées à sa connaissance, son
expérience et son savoir-faire ; il rattrape alors des
erreurs commises par le concepteur.
Il faut donc optimiser la place de l'homme dans le
système de transport en pleine connaissance de ses
capacités mais aussi de ses limites. La sélection et la
formation des hommes ne suffisent plus à obtenir la
performance escomptée. Pour obtenir une
performance mieux maîtrisée des systèmes de
transport, il est nécessaire de concevoir des systèmes
tolérants aux erreurs éventuelles de l’oh, de préciser
la contribution de l’oh dans un système, de mieux
organiser et structurer les retours d’expérience et
d’analyser la charge de travail des OH.
Cet article a proposé un élément de réponse à ce
problème, notre contribution porte essentiellement sur
la proposition d'une approche méthodologique
d'application de la chronobiologie de la vigilance au
domaine de la sécurité des transports ferroviaires
guidés. Cette approche, qui est inspirée notamment
des données et des résultats issus de l'analyse des
accidents routiers par hypovigilance du conducteur,
fait intervenir douze grandes étapes complémentaires.
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exploitation of return of experience. Application to
accident scenarii in rail transport SIIE'2010, 3rd
International Conference on Information Systems and
Economic Intelligence, 18-20 february 2010, Sousse,
Tunisia, IEEE, 8p
Thesis
Ces dernières années, de plus en plus d’entreprises et de secteurs industriels prennent conscience de l’importance accrue de la concurrence imposée par les avancées technologiques constatées dans tous les domaines et l’évolution continue des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Devant cette situation et pour maintenir leurs compétitivités, ces organisations ne peuvent s’échapper à l’adoption de ces technologies de plus en plus performantes en dépit du respect des contraintes et des exigences de la sécurité. Ceci, a donné naissance à de nombreux risques et a favorisé l’apparition de situations contradictoires avec le respect de la sécurité. Dans certaines situations, les échecs sont graves et coûteux, ils sont dus à des accidents causant des pertes humaines, surtout quand il s’agit d’un domaine à haut risque comme celui du transport.L’objectif de ce travail de thèse est de proposer une nouvelle approche basée sur l’intelligence artificielle pour prédire les accidents et aider à la prise de décision minimisant les risques. Dans cette approche d’Aide à la Décision (AD), un couplage entre le Raisonnement à Partir de Cas (RàPC) et les ontologies a été opéré pour permettre, en tenant compte de certains critères, d’assister un décideur (experts certifieurs, experts analystes, les constructeurs, etc.) à bien comprendre une situation risquée donnée et de lui proposer des solutions possibles. L’approche mise au point dans ce travail, baptisée ADAST (Aide à la Décision pour l’Amélioration de la Sécurité des Transports) est une approche générique d’aide à la décision pour l’amélioration de la sécurité et a été appliquée dans le domaine du transport ferroviaire. L’intérêt d’une telle approche réside non seulement au niveau de la capitalisation des connaissances vécues (issues du retour d’expérience), mais aussi, dans le fait de pouvoir en tirer profit pour dégager un savoir-faire susceptible d’aider et d’assister les experts du domaine dans leur tâche d’analyse et d’évaluation de la sécurité.
Article
Full-text available
The study is from a base of accident scenarii in rail transport (feedback) in order to develop a tool to share build and sustain knowledge and safety and secondly to exploit the knowledge stored to prevent the reproduction of accidents / incidents. This tool should ultimately lead to the proposal of prevention and protection measures to minimize the risk level of a new transport system and thus to improve safety. The approach to achieving this goal largely depends on the use of artificial intelligence techniques and rarely the use of a method of automatic learning in order to develop a feasibility model of a software tool based on case based reasoning (CBR) to exploit stored knowledge in order to create know-how that can help stimulate domain experts in the task of analysis, evaluation and certification of a new system.
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Irregular working hours severely disturb sleep and wakefulness. This paper presents a modification of the quantitative (computerised) three process model of regulation of alertness to predict duration of sleep in connection with irregular sleep patterns. The model uses a circadian "C" (sinusoidal) and homeostatic "S" (exponential) component (the duration of previous periods awake and asleep), which are summed to yield predicted alertness (on a scale of 1-16). It assumes that waking from sleep will occur at a given alertness level (S' + C') when recuperation is complete. Variables of electroencephalographic duration of sleep from two studies of irregular sleep were used to model the S and C variables in a regression approach to maximise prediction. The model performance was cross validated against published field and laboratory data. The model parameters were defined with a high degree of precision R2 = 0.99 and the validation yielded similar values R2 = 0.98-0.95, depending on the acrophase. The paper also describes a simplified graphical version of the computation model seen as a two dimensional duration of sleep nomogram. The model seems to predict group means for duration of sleep with high precision and may serve as a tool for evaluating work and rest schedules to reduce risks of sleep disturbances.
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La conception et la réalisation d’un nouveau système de contrôle commande de transport guidé nécessitent l’élaboration des analyses de sécurité adéquates en vue de constituer le Dossier de Sécurité du système. Cet article a montré une approche de structuration et d’articulation des connaissances impliquées dans les analyses de sécurité. Nous avons proposé un exemple de typologie d’accidents, organisée en plusieurs niveaux : catégories d’accidents, types de dommages associés, accidents potentiels, types de gravité des dommages, niveau de gravité des dommages, types de dangers, éléments dangereux, modes d’exploitation et modes de conduite associés. L’accent a été mis sur l’importance des erreurs humaines dans les transports guidés. L’objectif est donc de fournir une vue synthétique et structurée des connaissances liées aux accidents potentiels impliqués dans le domaine de la sécurité des transports guidés. Cette typologie ne prétend en aucun cas être exhaustive, car les termes et les concepts utilisés ne sont pas normalisés et ils peuvent être rencontrés sous des appellations différentes d’un système de transport à l’autre.
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Keywords:accidents;safety;shift work;sleepiness;work hours
Sécurité ferroviaire et facteurs humains
  • Haj
  • H Hadj-Mabrouk
  • A Hadj-Mabrouk
  • Dogui M
[HAJ,01] HADJ-MABROUK H., HADJ-MABROUK A., DOGUI M. (2001) : " Sécurité ferroviaire et facteurs humains. Apport de la chronobiologie de la vigilance ".
Chronobiologie de la vigilance et des performances appliquée au domaine des transports terrestres
  • Haj
  • A Hadj-Mabrouk
[HAJ,99] HADJ-MABROUK A. ; Chronobiologie de la vigilance et des performances appliquée au domaine des transports terrestres ; Thèse de médecine, 1999, Fac de médecine de Sousse-Tunisie [HAJ,99b] HADJ-MABROUK et DOGUI M. ; Projet FACTHUS : contenu et déroulement du programme envisagé; Rapport d'étape n° ESTAS/A-98-29, Arcueil 9 octobre 1998, 16 p.
Approche d'intégration de l'erreur humaine dans le retour d'expérience. Application au domaine de la sécurité des transports ferroviaires, collection INRETS, synthèse n °43
  • Haj
  • Hadj-Mabrouk A Hadj-Mabrouk H
[HAJ,04] HADJ-MABROUK H et HADJ-MABROUK A. (2004) : Approche d'intégration de l'erreur humaine dans le retour d'expérience. Application au domaine de la sécurité des transports ferroviaires, collection INRETS, synthèse n °43,107 p, février 2004