Quand, à la fin des années 1980, le terme biodiversité est inventé [Wilson & Peter, 1988] et progressivement érigé au rang de préoccupation environnementale majeure, il s'agit de rendre compte et d'alerter sur une convergence de dynamiques. Ce terme devient le synonyme englobant des différents niveaux d'organisation du vivant – gènes, espèces, écosystèmes –, de leurs interrelations et des menaces qui les affectent. Les rythmes d'extinction des espèces et de conversion des écosystèmes semblent s'accélérer. Parallèlement, le développement du génie génétique attire l'attention sur la valeur économique potentielle des gènes. De nombreuses innovations sont attendues dans les domaines de l'agrochimie, de la pharmacie ou encore de l'industrie semencière et les firmes réorganisent leur stratégie autour du contrôle de ces techniques, ce qui favorise l'extension des brevets au vivant. L'apparition de signes avant-coureurs d'un marché et l'anticipation de nouvelles activités lucratives fondées sur l'exploitation de la biodiversité, au moment même où les scientifiques s'inquiètent de son érosion, font naître une demande de régulation. De plus, la biodiversité est étroitement associée aux forêts tropicales, aux centres d'origine des principales plantes cultivées, autrement dit aux pays du Sud, qui en seraient les détenteurs majeurs, tandis que les pays industrialisés contrôlent les techniques de valorisation des ressources et les droits de propriété intellectuelle afférents. L'exploration des ressources génétiques des plantes à la recherche de principes actifs suscite ainsi espoirs et craintes : espoirs pour certains pays de disposer d'un « or vert », leur ouvrant des opportunités en matière de commerce international et de développement, crainte pour le plus grand nombre d'une nouvelle vague de spoliation de leurs ressources et savoirs, accaparés et valorisés loin de leur contexte initial de production et sans contrepartie pour les populations locales. Tous s'accordent pour reconnaître la nécessité d'une régulation internationale pour encadrer ce secteur économique en devenir, consensus qui témoigne d'une certaine ambivalence, puisqu'il s'agit pour les uns de favoriser les conditions de l'émergence d'un marché et pour les autres d'en contenir les excès. C'est dans ce contexte qu'au terme d'un processus de négociation d'une dizaine d'années est adoptée la Convention sur la diversité biologique (CDB), lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992 [Hermitte 1992 ; Dombé-Billé 1997 ; McGraw, 2002]. Ce texte est une convention-cadre, qui fixe les orientations majeures de la politique internationale de lutte contre l'érosion de la diversité biologique mais laisse en suspens les considérations plus pratiques de mise en oeuvre, qui sont abordées et précisées ultérieurement, lors des Conférences des parties [Kiss, 1993]. Ayant été conçue initialement dans un esprit « englobant », afin de « chapeauter » d'autres traités internationaux relatifs à la protection de milieux et d'espèces, la CDB a des objectifs multiples vis-à-vis d'un très grand nombre d'objets. Cependant, celui qui a principalement retenu l'attention des négociateurs depuis son entrée en vigueur en 1993 est la mise en place de mécanismes et instruments permettant l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages qui en sont retirés (voir encadré n°1). Les problèmes de gestion des ressources génétiques – et des savoirs qui leur sont associés – semblent ainsi avoir pris le pas sur le problème d'environnement proprement dit, à savoir le risque que fait peser l'érosion de la diversité biologique sur la dynamique de la Biosphère et, plus largement, sur les facultés d'évolution de la vie.