Après avoir brièvement retracé l'historique des relations magyaro-roumaines et fait état des querelles historiographiques au sujet de la place des différents groupes ethniques majoritaires dans l'espace européen centre-oriental, nous nous focaliserons sur le sujet de la légitimité de l'ethnie magyare sur l'espace transylvain en résumant les thèses de différents historiens à ce sujet. Après ce nécessaire travail de recontextualisation historique, nous aborderons les événements politiques récents s'étant déroulés en Hongrie depuis l'année 2010 avec le retour de Viktor Orban au pouvoir. Nous montrerons que l'arrivée au pouvoir du Fidesz et le rapprochement idéologique de ce dernier avec certains thèmes propres à l'extrême-droite de type Jobbik réactivent les discours autour du thème de la "Grande Hongrie" et les thématiques irrédentistes. Par incidence, et dans un même mouvement, nous exposerons et analyserons un ensemble de discours émanant des différentes instances politiques présentes en Roumanie. Nous nous attarderons, dans un premier temps sur le discours officiel du gouvernement roumain en réponse aux déclarations du gouvernement hongrois et des différentes provocations de différents groupes politiques nationalistes hongrois en rapport avec le statut de la minorité hongroise de Roumanie (Magyars de Transylvanie, régionalistes sicules...). Puis nous accorderons une large place aux réactions d'organisations politiques ou métapolitiques (Noua Dreapta...) roumaines face aux appels incantatoires à l'unité du peuple hongrois, lancés par les dirigeants des formations politiques hongroises sus-citées. Nous montrerons qu'à travers ces joutes verbales directes ou par médias interposés, sont réactivées de manière aigüe des thématiques nationalistes et des revendications identitaires qui signent le retour dans le débat public des idéaux panroumains, "fascistes" irrédentistes, ultra-orthodoxes de la Légion de l'archange Michel ("Garde de fer") de Corneliu Zelea Codreanu, de la "junte militaire" de Ion Antonescu mais aussi du national-communisme de Nicolae Ceaușescu. Si Viktor Orban semble se limiter à des provocations verbales et des mesures symboliques, des nationalistes roumains et hongrois renouent, quant à eux, avec les idéologies ethno-nationalistes de l'entre-deux-guerres, rejettent le cosmopolitisme, l'internationalisme, les organisations supranationales et trouvent une nouvelle audience auprès de citoyens hostiles à la classe politique de l'ère postcommuniste. Nous décrirons aussi le rôle de l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR) qui joue une double partition politique en Roumanie et nous verrons que ces différentes résurgences nationalistes sont tout autant présentes dans les partis politiques modérés de Roumanie que dans ceux de Hongrie. Nous émettons l'hypothèse que le retour au pouvoir de Viktor Orban en Hongrie et son tropisme politique vers la "droite nationale" constituent indirectement l'acte fondateur d'une reconfiguration de l'échiquier politique roumain. Cette mutation-évolution des lignes de combats idéologiques dominés par un large front anti-libéral protéiforme annonce peut-être la fin de "l'ère postcommuniste" et, de fait, la marginalisation progressive des "communistes dissidents" convertis au social-libéralisme et soumis aux injonctions d'instances supranationales depuis 1990. Autrement dit, selon un scénario tendanciel, certaines positions de politiciens hongrois au sujet des minorités magyares de Roumanie préfigurent peut-être, par réaction, la marginalisation de la classe politique roumaine dirigeante à plus ou moins long terme au profit de nouveaux pôles de rassemblement politique et/ou d'un nouveau système politique.