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Montrouge, le 17/11/2014
E. Amazan
Vous trouverez ci-apre
`s le tire
´a
`part de votre article au format e
´lectronique (pdf) :
Premier cas de phaeohyphomycose a
`Pleurostoma ootheca chez un greffe
´re
´nal en Martinique
paru dans
Me
´decine et Sante
´Tropicales, 2014, Volume 24, Nume
´ro 3
John Libbey Eurotext
Ce tire
´a
`partnume
´riquevous est de
´livre
´pour votre propre usageet ne peut e
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scientifique et me
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Le sommaire de ce nume
´ro
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© John Libbey Eurotext, 2014
Communication courte Me
´decine et Sante
´Tropicales 2014 ; 24 : 323-325
Premier cas de phaeohyphomycose à Pleurostoma
ootheca chez un greffé rénal en Martinique
First case of phaeohyphomycosis due to Pleurostoma ootheca in a kidney
transplant recipient in Martinique (French West Indies)
Amazan E.
1
, Desbois N.
2
, Fidelin G.
1
, Baubion E
´.
1
, Derancourt C.
1
, Thimon S.
1
, Ekindi N.
3
, Quist D.
1
1
Service de dermatologie, CHU de Martinique, BP 632, 97261 Fort-de-France
2
Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU de Martinique, Fort-de-France
3
Laboratoire d’anatomopathologie, CHU de Martinique, Fort-de-France
Article accepte
´le 27/1/2014
Les phaeohyphomycoses sont des mycoses profondes dues
a
`des champignons pigmente
´s du groupe des de
´matie
´s. De
multiples champignons peuvent en e
ˆtre responsables, les
plus fre
´quemment retrouve
´se
´tant Exophiala sp.,Phialophora sp.
et Alternaria sp. [1] Bien qu’ubiquitaires, ces infections
apparaissent particulie
`rement dans les pays tropicaux, le plus
souvent chez des individus immunode
´prime
´s[2].Nous
rapportons la premie
`re observation de phaeohyphomycose a
`
Re
´sume
´.Les phaeohyphomycoses sont des myco-
ses profondes dues a
`des champignons pigmente
´s
du groupe des de
´matie
´s. Ces infections apparais-
sent particulie
`rement en milieu tropical et souvent
dans un contexte d’immunode
´pression. Nous
rapportons la premie
`re observation de phaeohy-
phomycose a
`Pleurostoma ootheca survenue chez
un patient ayant eu une greffe re
´nale en Martinique.
Un homme de 59 ans, aux ante
´ce
´dents de greffe
re
´nale, traite
´par immunosuppresseurs (mycophe
´-
nolate mofe
´til, tacrolimus et prednisone) pre
´sentait
une tume
´faction perce
´e de clapiers purulents,
douloureuse et localise
´e en faces externe et
poste
´rieure de la cheville gauche. Le diagnostic
de phaeohyphomycose cutane
´e et osseuse a
`
Pleurostoma ootheca ae
´te
´pose
´gra
ˆce aux explo-
rations mycologiques, histologiques et radiolo-
giques. Un traitement par posaconazole a permis
une e
´volution favorable. Pleurostoma ootheca est un
champignon saprophyte des ve
´ge
´taux, non de
´crit
comme pathoge
`ne pour l’homme dans la litte
´rature.
Les patients immunode
´prime
´s sont a
`risque de
de
´velopper des infections en tout genre, avec des
germes varie
´s. Des explorations exhaustives (bacte
´-
riologique, mycologique et parasitologique) sont
ne
´cessaires afin d’e
´tablir un diagnostic pre
´coce et
entreprendre un traitement adapte
´. Le traitement
n’est pas consensuel mais empirique, base
´sur des
antifungiques et/ou de la chirurgie. Les antifun-
giques azole
´s posent, dans ce cas, le proble
`me des
interactions me
´dicamenteuses avec le tacrolimus.
Mots cle
´s:phaeohyphomycose, Pleurostoma
ootheca, greffe re
´nale, Martinique.
Correspondance : Amazan E
<emmanuelle.amazan@chu-fortdefrance.fr>
Abstract. Phaeohyphomycosis is a group of super-
ficial and deep infections due to dematiaceous
fungi. They are most common in tropical environ-
ments, especially in immunocompromised hosts.
We describe the first case of phaeohyphomycosis
due to Pleurostoma ootheca in a kidney transplant
recipient in Martinique (French West Indies). A 59-
year-old man with a kidney graft, treated with
mycophenolate mofetil, tacrolimus, and predni-
sone, presented suppurative tumefaction of the left
ankle. Cutaneous and osseous phaeohyphomycosis
caused by P. ootheca was diagnosed, based on
mycological, histological, and radiological testing.
The patient’s condition improved with posacona-
zole treatment. P. ootheca is a known environmen-
tal fungus. Immunocompromised hosts are more
vulnerable to many infections, due to opportunistic
pathogens. Bacteriological, histological, and myco-
logical testing is required for accurate diagnosis
and appropriate treatment. Treatment is not well
defined and usually relies on antifungal agents or
surgical resection or both.
An important point to consider is that azole
antifungal agents may cause major drug-drug
interactions with immunosuppressive agents such
as tracrolimus.
Key words: phaeohyphomycosis, Pleurostoma
ootheca, kidney transplantation, Martinique.
doi: 10.1684/mst.2014.0342
Pour citer cet article : Amazan E, Desbois N, Fidelin G, Baubion E
´, Derancourt C, Thimon S, Ekindi N, Quist D. Premier cas de phaeohyphomycose a
`Pleurostoma ootheca
chez un greffe
´re
´nal en Martinique. Med Sante Trop 2014 ; 24 : 323-325. doi : 10.1684/mst.2014.0342
323
© John Libbey Eurotext, 2014
Pleurostoma ootheca survenue chez un patient ayant eu une
greffe re
´nale en Martinique (Antilles franc¸aises).
Observation
Un homme martiniquais de 59 ans, ayant eu une greffe re
´nale
quatorze ans auparavant et traite
´par mycophe
´nolate mofe
´til
(2 g/j), tacrolimus (3,5 mg/j) et prednisone (10 mg/j), e
´tait
hospitalise
´pour un abce
`s situe
´en regard de la malle
´ole externe
gauche e
´voluant depuis un mois. La le
´sion e
´tait apparue apre
`s
un traumatisme mineur contre un chariot de supermarche
´.Un
traitement par amoxicilline-acide clavulanique avait e
´te
´essaye
´
pendant trois semaines sans efficacite
´.
A
`l’examen clinique, le patient e
´tait apyre
´tique et pre
´sentait
une tume
´faction e
´rythe
´mateuse, perce
´e de clapiers purulents,
localise
´e en face poste
´rieure et externe de la cheville gauche,
douloureuse, avec e
´coulement purulent abondant, sans grains
visibles (figure 1). Les aires ganglionnaires e
´taient libres et le
reste de l’examen clinique sans particularite
´.
La nume
´ration-formule sanguine e
´tait normale et la prote
´ine
C-re
´active e
´tait infe
´rieure a
`10 mg/L. L’examen histopatholo-
gique d’une biopsie cutane
´e montrait un infiltrat inflammatoire
dans le derme avec un granulome inflammatoire e
´pithe
´lioı
¨de et
gigantocellulaire ne
´crosant non case
´eux, et des filaments septe
´s
visibles aux PAS (periodic acid shiff) et au Gomori-Grocott. La
coloration de Ziehl-Neelsen ne mettait pas en e
´vidence de
germes. L’examen direct au May-Gru¨nwald-Giemsa montrait la
pre
´sence de nombreux filaments septe
´s et ramifie
´s. La culture
d’un fragment cutane
´sur milieu de Sabouraud a
`30 et a
`37 8C
isolait des colonies marron a
`beige, en cocarde, finement
duveteuses (figure 2), e
´voluant vers le noir avec le temps,
identifie
´es comme e
´tant Phialophora sp. L’analyse en biologie
mole
´culaire (Centre national de re
´fe
´rence des mycoses et des
antifongiques [CNRMA], Institut Pasteur, Paris) permettait
l’identification de Pleurostoma ootheca.
Le diagnostic de phaeohyphomycose a
`P. ootheca e
´tait
retenu.
Par ailleurs, la culture sur milieu de Lowenstein apre
`s
quatre-vingt-dix jours e
´tait ne
´gative et permettait d’e
´liminer une
infection a
`mycobacte
´rie. Les cultures bacte
´riologiques de pus
et d’un fragment cutane
´restaient ste
´riles. L’IRM de
´celait un
e
´paississement fusiforme du tendon achille
´en et une ne
´crose de
l’os naviculaire (figure 3).
Apre
`sre
´ception de l’antifongigramme, un traitement par
itraconazole (CMI a
`0,750 mg/mL) e
´tait instaure
´a
`300 mg/j, puis
augmente
´a
`400 mg/j. Devant une aggravation des sympto
ˆmes
(augmentation de la douleur, extension de l’inflammation
avec e
´coulement purulent important) a
`un mois et demi de
Figure 1. Tume
´faction e
´rythe
´mateuse purulente de la face externe de cheville
gauche.
Figure 1. Suppurative tumefaction of the left ankle. Figure 2. Biopsie cutane
´e mise en culture sur milieu de Sabouraud.
De
´veloppement de colonies marron a
`beige, en cocarde, finement duveteuses.
Figure 2. The cutaneous biopsy sample was cultured on Sabouraud dextrose agar.
Growth of brown-beige downy colonies.
Figure 3. IRM de la cheville gauche avec e
´paississement fusiforme du tendon
d’Achille et ne
´crose de l’os naviculaire.
Figure 3. MRI of the left ankle: Calcaneal tendon thickening and navicular bone
necrosis.
324 Me
´decine et Sante
´Tropicales, Vol. 24, N83 - juillet-aou
ˆt-septembre 2014
E. AMAZAN, ET AL.
© John Libbey Eurotext, 2014
traitement, l’itraconazole e
´tait relaye
´par du posaconazole
(CMI a
`0,0640) a
`800 mg/j, permettant une e
´volution favorable a
`
deux mois de traitement.
Discussion
Pleurostoma ootheca ae
´te
´identifie
´par Barr en 1985 comme
e
´tant un champignon saprophyte des ve
´ge
´taux en de
´composi-
tion [3]. Il fait partie du groupe des Ascomyce
`tes et de la famille
des Calosphaeriaceae, dans laquelle des cas de phaeohypho-
mycoses ont e
´te
´de
´crits avec Pleurostomophora richardsiae [4]
et plus re
´cemment un cas d’eumyce
´tome a
`Pleurostomophora
ochracea [5].
Ce sont des espe
`ces tre
`s proches morphologiquement de
Phialophora sp., qui ont e
´te
´diffe
´rencie
´es par la biologie
mole
´culaire. Il s’agit de la premie
`re description d’infection
humaine a
`P. ootheca chez un patient ayant eu une greffe
re
´nale.
Les patients ayant subi une transplantation re
´nale sont a
`haut
risque d’infections opportunistes, dont des infections fongiques
superficielles et profondes [6]. L’e
´tude de Revankar a d’ailleurs
mis en e
´vidence que la transplantation d’un organe solide e
´tait
un facteur de risque de phaeohyphomycose [2]. Cependant,
toutes les causes d’immunode
´pression peuvent favoriser les
mycoses sous-cutane
´es et donc les phaeohyphomycoses. En
effet, les phaeohyphomyce
`tes rendent la phagocytose plus
difficile par la pre
´sence de me
´lanine dans leur paroi et
e
´chappent ainsi aux de
´fenses immunitaires [7].
Les phaeohyphomycoses peuvent prendre des pre
´senta-
tions cliniques tre
`s diffe
´rentes d’un patient a
`l’autre (nodule,
kyste, abce
`s...) rendant le diagnostic plus difficile. L’aspect le
plus e
´vocateur e
´tant celui d’un « kyste phaeohyphomycotique ».
Dans le cas pre
´sent, il s’agissait d’une tume
´faction fistulise
´e
pouvant faire e
´voquer une mycose profonde, une infection
bacte
´rienne ou a
`mycobacte
´rie. La ne
´gativite
´des cultures
en bacte
´riologie et mycobacte
´riologie re
´futait ces dernie
`res
hypothe
`ses. L’aspect clinique de la le
´sion et la rapidite
´
d’e
´volution ainsi que l’absence de cellules fumagoı
¨des (corps
scle
´rotiques) et la non-visualisation de grains au sein de la le
´sion
permettaient d’e
´liminer respectivement une chromomycose
ainsi qu’un myce
´tome.
Notre observation rappelle la ne
´cessite
´d’une surveillance
dermatologique rapproche
´e de toute le
´sion cutane
´omuqueuse
persistante ou inhabituelle survenant chez des immunode
´pri-
me
´s afin de re
´aliser les pre
´le
`vements a
`la recherche de
champignons, de bacte
´ries, de mycobacte
´ries, de virus ou de
parasites.
Aucun consensus n’est e
´tabli dans le traitement des
phaeohyphomycoses mais l’itraconazole est l’un des anti-
fongiques les plus efficaces [8]. Le posaconazole a lui aussi
e
´te
´de
´crit comme e
´tant efficient dans les infections fongiques
invasives apre
`s transplantations d’organe y compris les
phaeohyphomycoses [9], comme dans l’e
´tude d’Alexander
(treize patients dont un cas de phaeohyphomycose a
`Exophiala
sp.) [10].
Le traitement des phaeohyphomycoses chez les patients
ayant eu une transplantation d’organe soule
`ve le proble
`me des
interactions me
´dicamenteuses. En effet, les azole
´s sont des forts
inhibiteurs du CYP3A4/5 et peuvent, de ce fait, augmenter les
concentrations sanguines de certains immunosuppresseurs
dont le tacrolimus [11]. Chez notre patient, le dosage du
tacrolimus sous traitement azole
´are
´ve
´le
´un surdosage. Il a e
´te
´
de
´cide
´avec les ne
´phrologues de diminuer le tacrolimus de
3,5 mg/j a
`0,5 mg/j, permettant une normalisation du dosage et
une conservation de la fonction du greffon.
En conclusion, il est important que tous les acteurs
me
´dicaux participant au suivi post-transplantation d’organe
e
´voquent syste
´matiquement le diagnostic de mycoses pro-
fondes – incluant les phaeohyphomycoses –, devant des le
´sions
cutane
´es traı
ˆnantes, afin d’obtenir un diagnostic pre
´coce et
entreprendre rapidement un traitement adapte
´.
Conflits d’inte
´re
ˆt:aucun.
Re
´fe
´rences
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Me
´decine et Sante
´Tropicales, Vol. 24, N83 - juillet-aou
ˆt-septembre 2014 325
Phaeohyphomycose a
`Pleurostoma ootheca