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Les créolismes syntaxiques du français magoua parlé aux Trois-Rivières

Authors:
Français d'Amérique: variation, créolisation, normalisation (Actes du colloque, Université d'Avignon, 8-11
oct.), dir. Patrice Brasseur, 229-48. Avignon: Université d'Avignon, Centre d'études canadiennes.
Les créolismes syntaxiques du français magoua parlé aux Trois-Rivières
Henri Wittmann
Syndicat des professeurs de l'Université du Québec
à Trois-Rivières
"Les Trois-Rivières" désignent une région historique à peuplement ancien allant de
la ville actuelle de Trois-Rivières au village de Maskinongé. Sur ce territoire longeant la
rive Nord du St-Laurent, délimité à l'est par la rivière St-Maurice et à l'ouest par la rivière
Maskinongé, la colonisation inofficielle a précédé la colonisation officielle partout de 20 à
60 ans. La première agglomération d'habitations de squatters précède ainsi de 19 ans la
construction d'un fort permanent en 1634. L'arrivée de la colonisation officielle relègue à
chaque fois ces squatters, que l'administration royale qualifie de "coureurs de bois", dans
des "faubourgs", les nouvelles paroisses avec leurs maisons permanentes bâties en pierre
étant réservées à ceux qui achètent leur terrain et payent les impôts. À l'aube du 20
e
siècle,
l'ampleur de ces "villages de Magouas" dans les marécages en bordures des paroisses était
encore telle que l'évêque de Trois-Rivières s'en émut au point que des missions furent
établies dans le but avoué d'intégrer ce monde. Les coopératives d'habitations qui
apparurent par la suite ont fait en sorte que de tous ces villages il n'en subsiste aujourd'hui
qu'un seul à peuplement de Magouas "ethniques".
De tous les peuplements anciens de la vallée du St-Laurent où le français fut
implanté, la région des Trois-Rivières est celle qui présente le plus d'intérêt linguistique
dans une perspective historique. C'est ici que les conditions d'une continuité permettant
une étude comparée du parler local avec les variétés du français colonial à l'extérieur de la
vallée sont les meilleures. Même si Trois-Rivières resta jusqu'au 19
e
siècle au centre de
l'industrie des articles de voyageurs (canots d'écorces, raquettes, souliers "sauvages",
mitaines, mitasses, etc.), la population a évolué essentiellement en vase clos. Il n'y eut suite
à la conquête et au traité de Paris de 1763 aucun boom démographique significatif ou
invasion d'anglophones ou d'allophones comme cela se fit dans les autres régions. Une
scolarisation inhibitrice de l'évolution naturelle du français n'a pu jouer, si ce n'est pour une
élite locale peu nombreuse, que pour les générations nées après 1945. La population
urbaine d'aujourd'hui avec ses débordements sur la rive ouest du St-Maurice et la rive sud
du St-Laurent ne dépasse guère 150 000 habitants, recrutés dans cette région élargie et
brassés à l'interne, d'où la grande homogénéité sociale qu'on constate. Malgré l'importance
de son industrie papetière à l'échelle mondiale, Trois-Rivières reste à l'heure actuelle la
région la plus unilingue française de toute l'Amérique du Nord.
"Magoua" n'est pas uniquement un ethnonyme mais désigne aussi la variété la plus
basilectale du français parlé. Parler magoua, c'est à Trois-Rivières parler "petit nègre" au
sens que lui donne le Petit Robert dans l'expression s'exprimer en petit nègre "[parler un]
mauvais français". Malgré la portée péjorative évidente du terme et sa régression chez les
jeunes au cours des 20 dernières années, parler "magoua" est aux Trifluviens ce que parler
"joual" était aux Montréalais. C'est le parler maternel d'un cinquième de la population,
généralement analphabète, et un médium dont use le plus grand nombre de Trifluviens dans
des circonstances spécifiques. En somme, c'est la variété identitaire que tout le monde
comprend et est capable de répliquer inconsciemment.
Nos données linguistiques et ethnographiques ont été recueillies en 1974-1975 avec
un groupe de Magouas "ethniques" nés entre 1893 et 1898 dont un était originaire du
village des Magouas en bordure de Yamachiche (toujours existant) et les deux autres du
village situé sur les terres inondées de l'ancienne "Commune" de Trois-Rivières (village
relocalisé à la suite de la construction d'une papetière sur le site en 1922 avant de
disparaître progressivement mais définitivement entre 1944 et 1974).
1
L'étude se propose de déceler dans le magoua des Magouas la présence de
créolismes syntaxiques. Le terme "créolisme" n'a pas ici une charge théorique particulière
ni un niveau d'abstraction conceptuellement plus profond que celui du terme "gallicisme".
1
Pour d'autres détails, voir Wittmann (1995a, 1996, en prép.).
2 Wittmann
Si "gallicisme" peut être compris comme une "construction syntaxique propre au français",
non créolisé évidemment, on peut entendre ici par "créolisme" une "construction
syntaxique propre aux français créoles", soit un artefact descriptif qui sert ou (a) à
démontrer une différence entre le créole et le français, ou (b) à substantier un principe
invariant de la genèse des créoles. Une fois la collection terminée, on peut décider: (1) si
l'échantillon est statistiquement pertinent en vérifiant si la comparaison n'est pas entachée
du vice méthodologique du principe de la cafétéria; (2) si (a) le créolisme collecté découle
d'un principe invariant valable pour toutes les langues naturelles ou (b) s'il est attribuable à
un calibrage de paramètres de la Grammaire Universelle disponibles dans toutes les
langues; et (3) s'il s'agit, dans le dernier cas, de "questions of typology [or] language
change" (Chomsky 1995:28) en distinguant le calibrage attribuable à une dérive naturelle
de valeurs des paramètres de la convergence de calibrages qui peuvent raisonnablement
être "related by historical accident" (Freidin 1991:1). Il suffirait que l'une ou l'autre des
conditions de (2) soit remplie pour qu'on soit obligé de conclure à une certaine vacuité du
terme "créolisme", notamment eu égard à la présomption voulant que la créolisation ne se
diagnostique d'après aucun symptôme d'une paramétrisation ou reparamétrisation de
variables qui lui est exclusive. Elle a l'allure d'un syndrome où les symptômes recensés
s'observent dans plusieurs états microvariationnels phylogènes différents (accident
ontogénétique, variation sociétale, changement linguistique régulier, dérive naturelle,
restriction linguistique) mais ne peuvent à eux seuls rendre compte de la cause ou de la
nature du phénomène considéré.
Malheureusement, il n'existe pas vraiment de listes de différences entre le créole et
le français qui pourraient satisfaire les conditions d'une comparaison méthodologiquement
kascher. Cette tangente des comparaisons n'a jamais bénéficié des mêmes largesses dans
les subventions que la comparaison du créole avec n'importe quelle langue autre que le
français. Le seul inventaire utile qui ne pourrait être soupçonné d'avoir été confectionné
dans le but de ruiner conceptuellement l'existence des créolismes est celui de Lefebvre et
Lumsden, "Des différences entre le créole haïtien et le français" (Lefebvre & Lumsden
1994a, désormais L&L). D'emblée, L&L situent l'ampleur des comparaisons de façon
claire et précise:
(0) Premièrement, nous montrons que la structure des syntagmes des catégories grammaticales du
haïtien est différente de celle du français. Deuxièment, nous démontrons que la sémantique des
verbes du haïtien est différente de celle des verbes correspondants en français. Nous appuyons notre
propos en grande partie sur des analyses comparées des grammaires du créole haïtien et des langues
sources effectuées au cours des dernières années. Nous faisons plus particulièrement référence aux
travaux du groupe de recherche sur la genèse du créole haïtien (Université du Québec à Montréal).
Ce groupe travaille à documenter en détail la contribution spécifique des langues sources à la
structure de la grammaire et du lexique du créole haïtien. (L&L 189-90 et note 1, 204)
Le seul reproche qui pourrait être fait à ce stade-ci serait de constater que, dans la liste des
quelques 150 travaux du Groupe (Lefebvre & Lumsden 1994b:83-93, liste à jour à ce
moment), L&L soit le seul à nous parler spécifiquement de différences systématiques entre
le créole et le français. Je reproduis ici ces différences sous I à IX (tableau I).
No Différence à valider Fr. CH
I Verbes: morphologie flexionnelle canonique riche + -
I (a) Accord (en personne/nombre) exprimé par suffixation sur le verbe/l'auxiliaire + -
I (b) Temps présent exprimé au moyen de suffixes sur le verbe/l'auxiliaire + -
I (c) TMA (non présent) exprimé au moyen de suffixes sur le verbe/l'auxiliaire + -
I (d) Passé composé exprimé par le participe passé précédé d'un auxiliaire + -
I (e) Conditionnel exprimé par une terminaison sur le verbe/l'auxiliaire + -
II Morphologie passive + -
III Particule -là: n'implique pas la connaissance préalable de l'événement verbal + -
Les créolismes du français magoua 3
IV Constructions à redoublement verbal et clivage du prédiccat non disponibles + -
V Cas génétif et datif épelés phonologiquement au moyen des marques de et à + -
VI Syntagmes nominaux à plus d'un argument + -
VII Verbe acheter: source introduite par le marqueur de casuel de + -
VIII Verbe pran: ne peut être utilisé comme verbe inchoatif + -
IX Verbes de mouvement: directionnalité incorporée par préfixation a(p)- / em- + -
Tableau I: différences entre le créole haïtien et le français selon L&L
Je reproduis sous (X) les conclusions tirées de la comparaison:
(X) I-VI: Dans cette section, nous avons montré que les propriétés syntaxiques des items grammaticaux
sont différentes pour les deux langues tant au niveau de la structure de la phrase qu'au niveau de la
structure du syntagme nominal. VI-IX: Cette section démontre que le sens des mots créoles et des
syntagmes créoles diffère en détail du sens des mots et des syntagmes français, malgré la similarité
au niveau phonétique et le fait qu'ils ont une certaine base sémantique. (L&L 197, 202)
Elles ne diffèrent pas des objectifs énoncés en (0).
De toute évidence, les neuf différences amenées au soutien des hypothèses n'ont pas
toutes le même poids. Il nous importe donc d'apporter les comparaisons supplémentaires
avec le magoua selon l'ordre qui respecte leur poids, des plus légères aux plus lourdes.
L'ordre retenu est celui de (11):
(11) (A) II, VI, VIII; (B) V, VII; (C) IV, IX; (D) III, I.
J'indique entre crochets les changements au texte original, notamment la renumérotation
des exemples. En principe, le texte est reproduit tel quel, les coquilles comprises. La
numérotation des exemples suit celle des différences (I, 1a, 1b, 1c, ..., II, 2a, etc.) et nos
contre-exemples continueront la numérotation adoptée, mais en partant avec (12).
A. Les différences II, VI et VIII
(II) Une deuxième différence entre les deux langues réside dans le fait que l'inventaire des propriétés
grammaticales n'est pas le même dans les deux langues. Par exemple, en français on trouve la
construction passive du type illustrée en [2a]
[2a] La pomme a été mangée par Jean
Cette construction est rendue possible grâce à la morphologie qui permet l'interprétation "passive" du
verbe. L'absence de la morphologie passive en créole haïtien implique l'absence de la construction
passive dans cette langue. (L&L 191)
(VI) En français, le syntagme nominal peut contenir plus d'un argument tel qu'illustré en [6a]:
[6a] Le portrait d'Aristote de Rembrant du Louvre
[...] la structure nominale [du créole] ne permet généralement la réalisation que d'un seul argument
par syntagme nominal [...] Dans le cas où un deuxième argument est requis, il doit être exprimé au
moyen d'un syntagme prépositionnel ou d'une phrase relative [...] (L&L 195-97)
(VIII) En créole haïtien pran peut également être utilisé comme verbe inchoatif:
[8a] Jan pran manje "Jean a commencé à manger"
Cet usage de pran ne trouve pas son parallèle en français. (L&L 200)
4 Wittmann
(II), (VI) et (VIII) ne sont pas seulement les différences du français avec le créole
les plus légères mais aussi les plus douteuses. Claire Blanche-Benveniste (1984) montre,
pour le français moderne, qu'on ne peut pas faire coïncider une forme syntaxique avec un
effet comme "passif", et qu'on ne peut pas faire état d'une opération générale de
"passivation" qui s'appliquerait à tous les verbes transitifs. Le sémantisme défini comme
"passif" lui semble être une notion suspecte. En somme (1984:2), "nous avons fini par
nous habituer à des passifs canoniques qui n'ont d'existence que dans les grammaires." On
ne sera donc pas surpris d'apprendre que le passif du magoua n'a pas d'existence du tout.
Tout au plus peut-on parler d'une alternance causatif-inchoatif et de passifs adjectivaux du
genre:
(12)a. Jan i-a kasé lver la ... "Jean a brisé le verre" (interprétation causative)
(12)b. lver la-i-a/(*sé)/(*sa) kasé "le verre s'est brisé" (interprétation inchoative)
(12)c. lver la-yé LE kasé "le verre est brisé" (interprétation adjectivale)
comme Ritter (1991) le propose pour le créole:
2
(13)a. Jan LA kraze vè a ... "Jean a brisé le verre" (interprétation causative)
(13)b. vè a LA kraze "le verre s'est brisé" (interprétation inchoative)
(13)c. vè a LE kraze "le verre est brisé" (interprétation adjectivale)
Les verbes "pronominaux" ne subsistent en magoua qu'avec un sujet animé et "conjugué"
au passé composé étymologique avec l'auxiliaire étymologique <avoir>:
(12)d. à-s-a pran à prann à fumé "elle a commencé à recommencer à fumer"
L'exemple [6a] de (VI) me semble sorti directement d'une démonstration de récursivité à la
Ruwet (1968:48) qui a vieilli depuis. Je doute fortement qu'un exemple comme celui-ci
puisse se prononcer correctement dans n'importe quelle variété de français oral. En tout
cas, le magoua ne supporte qu'un seul argument par syntagme nominal et exprime le
deuxième au moyen d'un syntagme prépositionnel ou d'une relative. Quant aux usages de
prendre (VIII), mon édition du Petit Robert m'en donne deux pleines pages de sorte que
l'absence d'un usage inchoatif pourrait nous paraître peu de chose dans cette mer d'usages.
Or, l'usage inchoatif "se mettre à" + verbe y est attesté, avec des exemples tirés de Duhamel
et d'Aragon: je les ai trouvés à la page 1378 de l'édition de 1972 et il n'y a aucune raison
pour qu'ils en aient disparu depuis.
3
Le magoua offre même plusieurs nuances au niveau de
l'inchoativité de prann:
(14)a. kan sà-i-pran à manjé dé tchip ... (occasionnellement)
(14)b. kan i-s-pran à manjé dé tchip ... (à l'occasion d'une attaque ponctuelle)
(14)c. kan i-pran à manjé dé tchip ... (pour en faire une habitude)
(14)d. kan {sà-i-pran / i-s-pran} à prann à manjé dé tchip ... (pour en faire une habitude périodique)
"quand il commence à manger des chips ..."
Après avoir disposé de ce premier groupe de fausses différences, on est encore loin de la
découverte d'une dissemblance probante entre le français et le créole.
2
Les exemples en (12)/(13) sont ceux de Ritter excepté que, à la position syntaxique où Damoiseau (1985,
1988, 1994) voit "le choix d'une marque zéro", j'insère selon les conventions proposées par Pesetsky (1995)
l'élément phonologiquement zéro LA avec l'interprétation causative-inchoative + passé accompli et l'élément
phonologiquement zéro LE à interprétation passive adjectivale + non passé. Cf. Wittmann (1995a) et plus
loin dans ce texte sous (I).
3
Robert Chaudenson me signale dans le FEW (IX:341): prendre à faire qch "se mettre, commencer à".
Les créolismes du français magoua 5
B. Les différences V et VII
(V) Alors que le français présente des marques de cas, telles à et de, en créole haïtien le cas n'est pas
épelé phonologiquement. Ce constraste est illustré en [5a] et [5b] respectivement:
[5a] Le jouet de l'enfant
[5b] Jouwet timoun nan (L&L 195)
(VII) Le verbe achte du créole haïtien présente une forme phonologique similaire à celle du verbe acheter
en français. [...] Cependant, si on considère l'usage de ces verbes plus en détail, on remarque des
différences sémantiques importantes entre les deux. En français, pour mentionner la source de la
transaction, on peut ajouter un argument introduit par un marqueur de casuel:
[7a] Jean a acheté la voiture de Pierre
Par ailleurs, en créole haïtien, l'argument source du verbe achte n'est généralement pas exprimé.
Dans le cas où il l'est, le syntagme exprimant la source est introduit par une expression locative telle
que nan men "dans main" ou che "chez":
[7b] Jan achte machin nan {nan men Pyè / che Pyè}
L'analyse de Lumsden ... propose que le verbe français décrit le tranfert de la possession de l'objet à
une personne, alors que le verbe créole décrit le transfert de l'objet au champ de possession d'une
personne. Quelle que soit l'analyse, la différence entre l'interprétation de [7a] et [7b] doit découler
d'une différence dans la représentation sémantique des deux verbes. (L&L 198-99)
Le deuxième groupe, (V) et (VII), est censé nous amener une discussion des
génétives et datives à interprétations possessives ou locatives, épelées phonologiquement
en français scolaire (désormais FS) par de et à, en créole haïtien ou phonologiquement zéro
dans l'interprétation possessive de (V) ou exprimé par une préposition dans l'interprétation
locative de (VII). Aucun exemple n'étant fourni pour le datif, je prends pour acquis qu'il
s'agit des mêmes exemples que ceux discutés dans Wittmann & Fournier (1994, 1996) et
Fournier (1994), soit des exemples créoles comme (que je reproduis ici dans une
numérotion qui suit (V)):
(5)c. Jan (te) bay Pòl liv la [+possessif, -locatif]
(5)d Jan (te) bay liv la pou Pòl [+possessif, -locatif]
(5)e. Jan (te) bay liv la ba Pòl [-possessif, +locatif]
"Jean a donné un livre à Paul"
où la possession est exprimée par une préposition et où le locatif est épelé phonologique-
ment par "un marqueur de casuel" d'origine sérielle verbale. Je prends également pour
acquis que les exemples du datif n'ont pas été omis dans une mauvaise intention!
Quant à de comme marque de cas en français, toutes les variétés du français, ou
presque, offrent le à en substitution, un fait qui se motive historiquement et qui est bien
documenté par exemple chez Meigret (1550:#48.3-4). Cette substitution s'avère être
obligatoire pour toutes les variétés du français québécois de sorte qu'on se trouve là en face
d'une marque casuelle passe-partout en à qui est encore très répandue dans le Nord d'Haïti.
Pour le magoua, les différentes possibilités s'énumèrent comme en (15) pour le
génétif et en (16) pour le datif:
(15)a. lpiti son jouwèt / ljouwèt opiti [+possessif, -locatif] [5b] (5'b)
(15)b. Jan {i-y-a àchté / ya té lachté} Pyer sà màchin [+possessif, -locatif] (?) (7'b)
(15)c. Jan {i-l-a àchté / ya té lachté} là màchin ché Pyer [-possessif, +locatif] [7b]
(16)a. Jan {i-y-a dòné / ya té ldòné} Pòl son liv [+possessif, -locatif] (5c)
(16)b. Jan {i-y-a dòné / ya té ldòné} lliv la pou Pòl [+possessif, -locatif] (5d)
(16)c. Jan {i-l-a dòné / ya té ldòné} lliv la à Pòl [-possessif, +locatif] (5e)
6 Wittmann
avec en (16b) et (16c) une interprétation pour pou et à qui est parallèle à celle de (5d) et
(5e) du créole mais à l'inverse de celle du québécois général ou du FS (cf. Tremblay 1991);
et en (15a), (15b) et (16a) une construction dont Rivard (1915) disait qu'elle n'existait pas
au Québec (contredite en cela par La Follette 1969:85-86, par exemple). Or, il s'agit là de
traits largement partagés par l'ensemble des variétés créoles et non créoles du français
colonial (Wittmann, en prép.) et il paraît inconcevable que tous ces traits aient pu dispa-
raître du français de Montréal sous la pression du FS sans laisser de trace. Il reste aussi à
trouver un équivalent haïtien au (15b) du magoua (énuméré ici sous (7'b) pour alterner avec
[7b]) et sous (5'b) la structure alternative à [5b] qui équivaut au (15a) du magoua:
[7b] Jan achte machin nan {nan men Pyè / che Pyè} [+possessif, -locatif]/[-possessif, +locatif]
(7')b. Jan (te) achte Pyè machin nan [+possessif, -locatif]
[5b] Jouwet timoun nan [+possessif, -locatif]
(5')b. timoun nan jouwèt li [+possessif, -locatif]
pour montrer le parallélisme particulier entre (15a)-(15b)-(16a) et (5'b)-(7'b)-(5c).
4
Encore un fois, on constate que les différences apportées sont douteuses ou peu
probantes dans le cas du français et franchement inacceptables en comparaison avec le
magoua.
C. Les différences IV et IX
(IV) La grammaire du créole haïtien présente plusieurs constructions syntaxiques qu'on ne trouve pas en
français. Par exemple, en créole haïtien les phrases adverbiales et les phrases factives peuvent
contenir deux occurrences du même verbe [...]
[4a] Rive Jan rive (a), Mari pati "Parce que Jean est arrivé, Marie est partie"
[4b] Vini Jan vini an fè li kontan "Le fait que Jean soit venu l'a rendu content"
[...] Le processus de redoublement verbal illustré en [4a] et [4b] n'existe pas en français. En créole
haïtien, il est possible de cliver le prédicat [...]
[4c] Se pati Jan pati "C'est partir que Jean a fait"
[...] Le clivage du prédicat n'est pas une construction disponible dans la grammaire du français.
(L&L 194-95)
(IX) Sauveur ... remarque que la différence entre les paires de verbes amener / emmener et apporter /
emporter en français est la directionnalité du mouvement. Pour incorporer la notion de direction
dans un verbe de mouvement, le français recourt au processus d'affixation. Ainsi, le morphème a(p)-
exprime le mouvement en direction du locuteur tandis que em- exprime le mouvement en direction
opposée au locuteur. Pour traduire cette même réalité, le créole haïtien emploie deux verbes dont le
premier est un verbe de mouvement qui implique également une direction:
[9a] Jan mennen pitit la {vini / ale} "Jean a {amené / emmené} l'enfant
[9b] Jan pòte pitit la {vini / ale} "Jean a {apporté / emporté} l'enfant. (L&L 200-01)
Pour (IV), je me contente de donner les contre-exemples en (17), (18) et (19):
(17)a. màlàd ((kòm)(k)) yé te màlàd, yon pa té kàpàb lsové
"il était malade au point qu'ils n'ont pas pu le sauver"
4
J'admets que l'interprétation de (7'b) et (15b) peut comporter une ambiguïté directionnelle qui est levée
quand on recourt à la prépositionnelle avec nan men pour l'haïtien, à la postpositionnelle avec dirèk pour le
magoua. Le [7b] locatif de L&L serait meilleur avec lakay au lieu de che tout comme le nôtre en (15c) qui
serait meilleur avec su au lieu de ché.
Les créolismes du français magoua 7
(17)b. à bwér ((kòm)(k)) à bwé, Ludjé yé te anbeté an titi
"Le fait qu'elle boive beaucoup embêtait beaucoup Ludger"
(17)c. à àtann ((kòm)(k)i) fo {àtann / t-àtan} lotobus à vil, ta ltan prann ràsin
"à partir du moment où tu attends l'autobus à Trois-Rivières, tu as le temps de prendre racine"
(18)a. sé manjé ((kòm)(k)) i-manj
"il ne mange pas, il bouffe"
(18)b. sé pa tràvàyé ((kòm)(k)) Ludjé tràvày
"c'est se défoncer (se distraire) que Ludger fait, pas travailler"
(18)c. tràvàyé ((kòm)(k)) i-tràvày, sé pa tràvàyé
"travailler comme il travaille, ce n'est pas travailler"
(19)a. ann-àlé wér wér sà i-a fèt
"allons donc voir ce qu'il a fait"
(19)b. vyen wér wér si té kàpàb màwér
"viens donc voir si tu peux m'attraper"
Les éléments entre parenthèses rendent les exemples acceptables dans d'autres variétés de
la région. En ce qui concerne (19), je n'ai pas d'équivalents créoles à offrir, pas plus qu'une
explication interprétative du phénomème, pour l'instant.
Dans les exemples de (IX), mennen vini / ale aussi bien que pòte vini / ale se
traduisent en magoua par vienn / àlé mnémné doit recevoir une interprétation différente
de mné "conduire" et porté "être porteur". Quand on insère vienn / àlé mné dans une
production linguistique plausible comme en (20):
(20)a. Jan i-va vyenn/àlé i-mné Màri son kàfé àmàten
"Jean apportera/emportera ce matin le café pour Marie"
(20)b. Jan i-va vnir/àlé i-mné à Màri son kàfé àmàten
(20b) étant l'équivalent de (20a) acceptable dans les autres variétés du français parlé à
Trois-Rivières; et qu'on fait subir à mné le test de variabilité comme en (20c) et (20d):
(20)c. *Jan i-va i-mné (à) Màri son kàfé àmàten
(20)d. *Jan y i-mèn (à) Màri son kàfé àmàten
on s'aperçoit que mné forme le membre invariant d'une série verbale et que l'alternance
vienn / àlé du deuxième membre de la série correspond à l'alternance affixale a(p)- / em- du
FS. Or, dans le FS pratiqué à Trois-Rivières, l'alternance affixale du FS n'a pas cette belle
systématicité du FS des auteurs des Différences au point où elle constitue une réelle
difficulté dans les classes d'alphabétisation, non seulement pour les participants mais aussi
pour les animateurs.
5
Je soupçonne fortement qu'il en est ainsi pour la francophonie toute
entière; et ce, d'autant plus que emporter du FS moderne a complètement perdu l'antonymie
canonique par apport à apporter de sorte qu'on doit avoir recours à une série verbale pour
traduire les séries verbales du créole et du magoua:
(21)a. Robert viendra (ap)porter/(*emporter) le casse-croûte à Henri
(21)b. Robert ira (ap)porter/(*emporter) le casse-croûte à Henri
(21a) nous permet de comprendre que Henri est ici et que Robert partira de là-bas pour lui
apporter son casse-croûte; (21b) nous permet de comprendre que Henri est là-bas et que
5
L'apprentissage d'une construction absente en magoua présente un défi dans les classes d'alphabétisation à
Trois-Rivières qu'on a pas quand on alphabétise en créole en Haïti.
8 Wittmann
Robert partira d'ici pour lui apporter son casse-croûte. C'est donc dire que c'est l'alternance
des verbes venir / aller qui exprime, comme en créole et en magoua, la directionnalité du
mouvement en (21) et non une quelconque alternance affixale a(p)- / em-. De plus, quand
dans la série verbale du magoua on fait alterner le membre invariant mné avec un autre
verbe inviariant comme kri "chercher", le résultat, vyenn / àlé kri, ne se traduit pas en FS au
moyen de l'alternance affixale mais bien au moyen d'une autre série verbale, venir / aller
chercher. Ainsi, la différence (IX) qui nous paraissait prometteuse au départ, à l'instar de
(IV) peut-être, s'avère avoir un poids tout à fait inexistant.
D. Les différences III et I
(III) L'adverbe [du français] n'a pas le sens précis associé au déterminant de phrase du créole haïtien.
Alors que la présence du déterminant implique la connaissance préalable de l'événement dénoté par
le verbe, l'adverbe ne contient pas cette implication. Cette différence est illustrée par le contraste
d'interprétation entre les exemples [3a] et [3b] (e.g. Fournier 1977:8, Wittmann & Fournier
1983:193, Valdman 1978):
[3a] Moun nan, ki te vini an, deja pati;
[3b] L'homme (là), qui est venu (là), est déjà parti (L&L 193)
(I) La première différence réside dans le fait que, alors que le français présente une morphologie
flexionnelle relativement riche, le créole haïtien présente un système de particules syntaxiquement
indépendantes. Ainsi, le français exprime l'accord (en personne et nombre), le temps, le mode et
l'aspect au moyen d'affixes sur le verbe ou sur l'auxiliaire. Par exemple, dans [1a] la terminaison sur
le verbe manger encode à la fois le futur et la 3ème personne du singulier. En créole haïtien, il n'y a
pas de morphologie flexionnelle. Il n'y a pas d'accord en personne et nombre sur le verbe et les
relations temporelles ou aspectuelles sont encodées au moyen de particules syntaxiques
indépendantes, de sorte que le verbe se présente toujours sous une forme invariante. Ainsi
l'équivalent de [1a] est [1b]. Parallèlement, alors que le français exprime le passé composé par un
temps impliquant un auxiliaire et le participe passé du verbe (e.g. [1c]), le créole haïtien exprime le
fait qu'une action soit complétée dans le passé par la particule te (e.g. [1d]) (cf. Damoiseau 1988).
[...] En français, le conditionnel est exprimé par une terminaison sur le verbe (e.g. [1e]) ou sur
l'auxiliaire dans le cas du conditionnel passé (e.g. [1f]). Pour former le conditionnel passé, le créole
haïtien utilise la particule du perfectif te en combinaison avec la particule ap (e.g. [1g]). Ceci n'a rien
de surprenant puisque le marqueur ap en créole haïtien ne signale pas le temps futur mais une action
non accomplie. Donc la combinaison de ap avec te est interprétée comme une action non réalisée par
rapport à un temps passé.
[1a] Jean mangera
[1b] Jan ap manje
[1c] Jean a mangé
[1d] Jan te manje (cf. Damoiseau 1988)
[1e] Jean mangerait
[1f] Jean aurait mangé
[1g] Jan t'ap manje (L&L 190-91)
Avec (III) et (I), on arrive dans les poids lourds des différences. J'abandonne la
première des deux questions, celle du la <là> au grand spécialiste en la matière qu'est
Robert Fournier (Fournier 1996b, dans ce volume). Je me contente ici d'observer que
Fournier qui étudie le phénomène du la créole depuis plus de 20 ans (voir Fournier 1977,
1996a), après avoir confronté ses résultats à ceux connus sur le la du québécois basilectal
depuis 1975, en vient aux conclusions suivantes: (1) on doit reconnaître pour le créole et le
québécois l'existence de deux types de la distincts par leurs rôles syntaxiques, pragmatiques
et prosodiques, (a) un la accentué adverbe de deixis lexicale et (b) un la inaccentué
particule de deixis fonctionnelle ayant des propriétés pragmatiques de bracketeur
Les créolismes du français magoua 9
syntagmatique (ponctuation de l'énoncé); (2) à part les usages comme article de phrase du
québécois, les deux bracketeurs ont la même distribution syntaxique; (3) la force déictique-
anaphorique du bracketeur est d'autant plus faible que l'ancrage syntaxique est éloigné. Je
signale en passant la curiosité que la définition (22a) que L&L donnent du la non adverbial
en créole reprend presque mot à mot le résumé anglais (22b) d'une définition de la fonction
du la non adverbial en québécois:
(22)a. [La présence du la non adverbial en créole] implique la connaissance préalable de l'événement
dénoté par le verbe. (L&L 193)
(22)b. [L'emploi du la discursif en français québécois] is connected with what the participants share at the
time of the verbal event. (Forget 1989:83)
6
Le cadre théorique de la différence (I), la première, est construit sur des
présomptions qui sont conceptuellement ou peu naturelles, ou floues, ou carrément fausses.
Ainsi, il est faux d'affirmer que le créole haïtien n'a pas de morphologie flexionnelle.
(23)a. Chomsky (1995:7): Variation of language is essentially morphological in character, including the
critical question of which parts of a computation are overtly realized [...]; (1995:133): [...]
inflection [...] involves syntactic rules such as V-raising to I [...]. I am thus assuming a sharp and
principled distinction between inflectional morphology, part of syntax proper, and strictly
derivational morphology [...]
En fait, la même structure morphologique que celle que Pollock (1989) propose pour le
français et l'anglais est reprise par Déprez & Vinet (1992a, b) pour le créole haïtien et par
Chomsky (1995) pour un grand nombre de langues naturelles à branchements gauches.
Cette structure, conçue sous la forme d'une suite ordonnée de projections syntagmatiques,
est illustrée en (23b):
(23)b. C" Agrs" Nég" T" Asp" Agro" Agrv" V"
Les éléments que fournit le lexique sous V" doivent monter dans cette structure pour
rencontrer les exigences morphologiques d'une dérivation convergente.
Il est aussi faux de dire que le français oral exprime l'accord en personne et en
nombre au moyen de suffixes sur le verbe ou l'auxiliaire ou que le temps présent est
exprimé en français oral au moyen de suffixes sur le verbe ou l'auxiliaire. Quant au critère
de la richesse morphologique, si riche veut dire que le français scolaire écrit canonique et
idéalisé dans les grammaires traditionnelles (FSÉ) est riche en suffixes en tout genre, cette
richesse n'est pas à la portée de tout le monde. Une infime minorité de francophones
hautement scolarisés seulement ont les habiletés requises pour se retrouver dans les dédales
du Bescherelle sans se tromper et c'est là tout le drame de l'alphabétisation en français, à
Trois-Rivières comme ailleurs.
Même si un suffixe -ra productif existait en magoua, il serait aussi inexact de dire
que ce -ra puisse varier en personne ou en nombre puisque ra est invariable, le <-ez> 2PL
du FS ne subsistant qu'au niveau d'un 2SG présent de politesse. Dans les faits, une
alternance -ra / -re lexicalisée héritée du français historique ne se maintient qu'avec un
sous-ensemble réduit de verbes et ce, avec le sens conditionnel exclusivement (j-manj-re
ben kètchoz). Pour un verbe comme désann, sont absents de la conjugaison prévue au
Bescherelle à laquelle se réfèrent L&L pour le FS, de l'indicatif: l'imparfait négatif, le passé
simple, le futur simple, le plus-que-parfait, le passé antérieur, le futur antérieur; du
conditionnel: le présent, les deux formes du passé; du subjonctif: le présent, l'imparfait, le
passé, le plus-que-parfait; de l'impératif: toutes les formes excepté le 2SG présent.
6
Version française du résumé: "[...] met directement en jeu le locuteur face à son destinataire au moment de
l'actualisation du discours."
10 Wittmann
Conclure qu'il reste quand même le présent, l'imparfait non négatif et le passé composé de
l'indicatif n'aurait pas beaucoup de sens puisqu'une telle conclusion ne montre aucune des
stratégies de renouvellement des moyens flexionnels suffixaux disparus ni comment les
débris recensés s'y insèrent. Il est plus juste de constater que le verbe désann, au niveau
des épiphénomènes à décrire, se présente sous deux formes, une forme "pleine" (ou
"longue") désann et une forme syncopée désan. Au niveau de l'interprétation syntaxique
des phénomènes constatés, on notera que la forme non réduite est celle que le lexique
fournit dans les positions natives sous V" comme par exemple en (24a):
(24)a. [
V"
lga, (pa) souvan désann à vil]
"l'homme, (ne pas) souvent descendre en ville"
et que la forme réduite syntaxiquement est celle qui se présente quand le verbe désann
monte dans la structure flexionnelle comme en (24b) et (24c).
(24)b. [lga
i
[la
i
-i-désan
j
[(pa) souvan [
V"
t
i
t
j
à vil]] la
i
]]
"l'homme (dont il est question) (ne) descend (pas) souvent en ville"
(24)c. [lga
i
[la
i
-i-a [(pa) souvan désan
j
[
V"
t
i
t
j
à vil]] la
i
]]
"l'homme (dont il est question) ne descendait pas souvent en ville"
où (24b) correspond au présent étymologique et (24c) au passé composé. Dans une version
non négative de (24c), des formes de l'imparfait étymologique sont possibles, désanne
variant avec désàne et désande, mais les formes privilégiées sont comme en (24c) et (24d):
7
(24)d. [lga
i
[la
i
-ya [(pa) té souvan désann
j
[
V"
t
i
t
j
à vil]] la
i
]]
"l'homme (en question) (ne) descendait (pas) souvent / (n') est (pas) souvent descendu en ville"
avec une forme non syncopée possible dans l'environnement sous T ya opaque sous Agrs
comme en (24d) qui est aussi la plus fréquente des deux. On constate que deux questions
sont soulevées par les exemples: une question de syncope du verbe et une autre qui
concerne la montée du verbe dans la structure flexionnelle.
La syncope du verbe ne se présente pas toujours pour le magoua comme dans
l'exemple désann. Quelques verbes comme mné "porter" et kri "chercher" ne sont pas
troncables du tout. Mais pour la grande majorité des verbes du lexique comme manje, la
syncope n'est possible que si la montée du verbe peut atteindre le sommet d'une chaîne:
8
(25)a. CH = (Agrs-V
i
, ..., t
i
)
une position qui correspond à celle du présent étymologique du FSÉ en (25b):
(25)b. CH = (V
i
-Agrs, ..., t
i
)
La différence qui émerge ici entre le FSÉ et le magoua est que c'est le FSÉ qui exprime
Agrs, soit l'accord en personne et en nombre avec le sujet, au moyen de suffixes sur le
verbe; et que le magoua, comme d'autres variétés basilectales du français populaire,
exprime Agrs au moyen de particules préposées au verbe en position de terminus d'une
7
Ce que je transcris comme étant /e/ dans les exemples du magoua se réalise [à] en syllabe finale ouverte et
devant /rC/, [à
i
]/[è:] dans les autres contextes, soit la diphtongue en position tonique, la monophtonguée en
position prétonique (Wittmann 1996).
8
Je prendrai pour acquis que dans mes notations Agrs dénote AGR
S
0
et que Agrs' et Agrs" représentent les
projections syntagmatiques maximales de Agrs. Je présumerai également que Agrs en italiques représente un
contenu flexionnel syntaxiquement réalisé mais phonologiquement zéro (Pesetsky 1995).
Les créolismes du français magoua 11
chaîne de montage CH = (K-α
i
, ..., t
i
).
9
Ainsi, le contenu flexionnel de Agrs (transparent)
est exprimé en magoua comme en (26a) et en FSÉ comme en (26b):
(26)a. Agrs- = (la-) {{j-, ch-}, t(u)-, {i-, à-, sà-, Agrs-}, on(l)-, {i-, sà-, l-, Agrs-}, {i-, sà-, Agrs-}}
(Wittmann 1986, 1988, 1995a)
(26)b. -Agrs = {{-e, -s}, -s, {-e, -t, -3SG}, -ons, -ez, -ent}
Or, l'accès du verbe au contenu flexionnel de Agrs est sévèrement restreint en magoua. La
position du présent étymologique n'est accessible au mouvement du verbe comme dans
l'exemple de (24b) que sous l'aspect habituel [-progressif] ou si le sémantisme inhérent au
verbe est incompatible avec l'aspect [+progressif] qu'exprime la particule àpre (exemples:
wér, kwér). Dans tous les autres cas, l'avance du verbe est bloquée:
(27)a. par des particules apectuelles sous Asp, àpre (progressif), pou (irréel); (Wittmann 1986, 1988, 1995a)
(27)b. si Asp n'est pas exprimé, par des particules temporelles sous T, va (futur), -a (passé accompli),
(passé suraccompli) (cf. Damoiseau 1988)
Les particules aspectuelles, à leur tour, sont confinées à leur position de base par les
contenus flexionnels de T:
(28) àpre et pou par te (passé inaccompli) et LE [-passé]. (Wittmann 1986, 1988, 1995a)
Des particules temporelles enfin:
(29)a. va et -a avancent
sous l'attraction du contenu transparent de Agrs- (26a) susceptible d'une interprétation
causative / inchoative pour former la chaîne CH = (Agrs-T
i
, t
i
);
(29)b. te et LE piétinent sur place
contraints par le contenu opaque Agrs (30) susceptible d'une interprétation passive
adjectivale;
(29)c. piétine sur place
contraint par le contenu opaque Agrs (31) susceptible d'une interprétation universelle.
(30) Agrs = (la-) {ch(u), t(é), {yé, è, sé, Agrs}, wén, {ison, sé, lé, Agrs}, {ison, sé, Agrs}}
(Wittmann 1986, 1988, 1995a)
(31) Agrs = (la-) {{j, ch}, ta, {ya, à, sà}, on, {yon, lon, sà}, {yon, sà}
La négation s'exprime syntaxiquement comme en (32):
(32) [
Agr"
Sujet [
Agr'
Agrs(-) [
Nég"
pa [
Nég'
Nég- [
T"
(e) [
T'
T [ ... ]]]]]]]
pa occupe la position de spécifieur à Nég" et Nég- est un contenu syntaxique transparent
phonologiquement zéro, morphologiquement mulet. La position de tête de Nég" est donc
ouverte à la traversée par les contenus natifs ou acquis sous T, en l'occurrence V, a, ou va,
vers Agrs. Si Agrs est transparent, Agrs-, alors Nég- doit quitter sa position native pour
9
Pour le développement de l'hypothèse, voir Wittmann & Fournier (1981), Wittmann (1983, 1988, 1995a).
12 Wittmann
s'adjoindre dans un mouvement tête à tête à Agrs-, en traversant pa et en emportant les
contenus de T à "dos de mulet" (Wittmann 1995a, b).
L'analyse proposée pour le magoua en (24a) à (32)
10
est construite de façon cruciale
sur le critère de la compatibilité des contenus flexionnels avec le progressif (= l'inaccompli)
sous Asp développé par Damoiseau (1988), soit le même repère qui sert de guide à L&L
pour construire la différence (I). Nous présentons en (33) le résumé des interactions des
contenus sous Asp, T et Agrs (avec Agrs réglé ici au 3SG masculin déterminé) eu égard à
la classification des verbes proposée par Damoiseau et en (34) l'inventaire des contenus
flexionnels du magoua:
(33) [Agrs, T, Asp] [Agrs, T, Asp] [Agrs, T] [Agrs, T] [Agrs, T]
(33)a. gade la-yé te àpre la-yé LE àpre la-ya té la-i-a
i
t
i
la-i-V
i
t*
i
(33)b. wer la-yé *te *àpre la-yé *LE *àpre la-ya té la-i *a la-i-V
i
t*
i
(33)c. kwer la-yé *te *àpre la-yé *LE *àpre la-ya té la-i *a la-i-V
i
t*
i
(33')a. gadé, manjé, planté, [processif]
(33')b. bàt "gagner", défann "interdire", disparet "disparaître", kén(ben)n "tenir", konprann "comprendre",
kònet "connaître", pàrmèt "permettre", wér "voir", [résultatif]
(33')c. àwer "posséder", àgir "haïr", dwér "devoir", ékleré "éclairer", jenné "gêner", kwér "croire", pansé
"penser, croire", pouwer "pouvoir", sàwer "savoir", voulwer "vouloir", [non processif]
(34) Agrs = {{la-yé, la-è, sé, Agrs}, {la-ya, l-à, sà}, {la-i-, l-à-, sà-, Agrs-}}, Nég-, T = {{te, LE}, té,
{{-a, -LA}, va}}, Asp = {àpre, pou}, Agro = {l-, (l)à-, (l)é-, i-, an-}
Il ne me reste qu'à démontrer que, pour former le conditionnel, le magoua utilise une
combinaison de particules sélectionnées parmi les particules de l'inventaire (34) comme en
(35) et (36):
(35)a. m't'a mouri si m'te koute'l (Sylvain 1936:87)
(35)b. (mwén) ch'te pou mourir si ch'te (pou) l'ékouté "je mourrais si je l'étoutais"
(36)a. m'pa te konnenn si l'te pou vini (Sylvain 1936:90)
(36)b. (mwén) ch'pa té (kàpàb) sàwer si à'té pou vyenn "Je ne savais pas si elle viendrait"
Il apparaît maintenant clairement que la morphologie flexionnelle du magoua ne pourrait
être taxée de suffixale sous aucune considération.
La démonstration de l'insignifiance des différences étant faite, je pourrais m'arrêter
là sans plus. Je me permets néanmoins de présenter sous (37) et (38) les faits du créole
haïtien qui correspondent à ceux présentés pour le magoua sous (33) et (34) même si je n'ai
pas l'espace ici pour les présenter en détail appuyés par des exemples:
11
(37) [Agrs, T, Asp] [Agrs, T, Asp] [Agrs, T] [Agrs, T] [Agrs, T]
(37)a. gade la t' ap la LE ap la te la LA la V
(37)b. la *t' *ap la *LE *ap la te la *LA la V
(37)c. kwè la *t' *ap la *LE *ap la te la *LA la V
(38) Agrs = {la, Agrs}, Nég, T = {{te, LE}, te, LA}, Asp = {ap, {ap, pou, ava}}, Agro-
(Damoiseau 1985, 1988, 1994, Wittmann 1986, 1995a, en prép.)
On constate qu'il existe, contrairement aux prétentions de L&L, deux ap, l'un progressif (=
inaccompli "être en train de"), l'autre irréel, ce dernier variant avec deux autres formes, pou
10
Avec les données et exemples de Wittmann (1995a, b) reproduits ici que très partiellement.
11
On consultera Damoiseau (1985, 1988, 1994), Wittmann (1986, 1995a, en prép.) pour les données et
exemples.
Les créolismes du français magoua 13
et ava, qui sont historiquement plus anciens (Sylvain 1936).
12
Certains choix n'existent
qu'au niveau des verbes processifs, notamment en ce qui concerne le ap progrssif et le LA
du passé accompli qui alterne alors avec te du passé suraccompli. On remarque aussi que te
dans t'ap et le te qui alterne avec LA ne peuvent avoir tout à fait la même signification et
que la conflation des deux te n'est qu'apparente. La montée du verbe n'atteind jamais Agrs
en raison des propriétés opaques des contenus natifs de Agrs et Nég. Ainsi, l'avancée du
verbe est bloquée sous T. Dans cette position néanmoins, le verbe est susceptible de deux
interprétations, une équivalente à un présent habituel pour les verbes processifs en (37a),
l'autre étant ou présent habituel ou passé inaccompli dans le cas des verbes de classe (37b)
ou (37c). Le verbe ne pouvant atteindre Agrs, il n'est pas étonnant que la syncope du verbe
n'aboutisse pas.
13
En quelque part, les contenus et propriétés des positions de la flexion et,
pour satifaire le critère de Muysken et Smith (1990), et la forme phonologique qui les
accompagne ont quelque chose qui rappelle furieusement le magoua, surtout la conflation
de magoua te et en un te unique d'apparence homophone et homonyme.
E. Conclusions
L&L avaient aligné les meilleures différences de leur arsenal pour mettre en
évidence l'incompatibilité structurelle-typologique du créole haïtien avec le français. Les
auteurs avaient pu bénéficier en cela de ressources très vastes dans le cadre d'un mégaprojet
dont le but avoué était justement d'évaluer comparativement la contribution de chaque
langue-source à la syntaxe et au lexique du créole haïtien. La validation des différences (I)
à (IX) présentées ici pour démontrer l'absence de contribution du français en neuf points
précis a donné les résultats suivants (avec les points dans l'ordre de leur discussion dans le
texte):
No Différence à valider Fr. Ma. CH
II Morphologie passive ? - -
VI Syntagmes nominaux à plus d'un argument ? - -
VIII Verbe pran: ne peut être utilisé comme verbe inchoatif - - -
V Cas génétif et datif épelés phonologiquement au moyen des marques de et à ? - -
VII Verbe acheter: source introduite par le marqueur de casuel de ? - -
IV Constructions à redoublement verbal et clivage du prédiccat non disponibles + - -
IX Verbes de mouvement: directionnalité incorporée par préfixation a(p)- / em- - - -
III Particule -là: n'implique pas la connaissance préalable de l'événement verbal ? - -
I Verbes: morphologie flexionnelle canonique riche ? - -
I (a) Accord (en personne/nombre) exprimé par suffixation sur le verbe/l'auxiliaire ? - -
I (b) Temps présent exprimé au moyen de suffixes sur le verbe/l'auxiliaire ? - -
I (c) TMA (non présent) exprimé au moyen de suffixes sur le verbe/l'auxiliaire + - -
I (d) Passé composé exprimé par le participe passé précédé d'un auxiliaire + - -
I (e) Conditionnel exprimé par une terminaison sur le verbe/l'auxiliaire + - -
Tableau II: les différences de L&L après validation
12
On peut même faire la démonstration que ava était plus anciennement un contenu sous T à la lumière des
va pou des textes historiques, correspondant ainsi à un va pou du magou et attestés dans d'autres variétés du
français colonial, anciennes ou modernes.
13
En créole haïtien, la syncope du verbe est un phénomène marginal qui, ayant déjà connu une distribution
plus large, est restreinte dans le créole moderne à une petite classe d'une douzaine de verbes (cf. Wingerd-
Phillips (1983:136-246) pour une liste et une description du phénomène). Dans les créoles en KA, la montée
du verbe est bloquée de façon absolue par les contenus sous Asp, minimalement par ka, et aucune syncope
n'est possible. Tous les autres créoles connaissent une règle productive de syncope du verbe.
14 Wittmann
Au terme de cette validation, aucun poids scientifiquement quantifiable ne peut être
accordé aux différences élaborées par L&L, ni à un niveau structurel-typologique, ni au
niveau des vraisemblances génético-historiques. On doit se rendre compte également que,
malgré leurs efforts (Lefebvre & Lumsden 1994b) pour refuter les critiques formulés par
Chaudenson (1990a, b, 1992, 1994), leurs préoccupations comparatistes à la Meillet
priment sur les préoccupations comparatistes à la Chomsky telle qu'en témoigne la
formulation des objectifs en (0). Chomsky ne parlerait en aucun cas de la "contribution"
d'une "langue-source" quelconque pour consigner les constantes et variantes observables au
niveau des épiphénomènes d'une langue naturelle à l'autre.
Quant aux différences entre le créole comme le créole haïtien et le français non
officiel comme le magoua, il ne sont pas inexistants. Notamment, on constate ici que les
contenus sous Agrs du magoua en (34) ne sont pas les mêmes que ceux du créole haïtien en
(38) et que cette différence explique pourquoi la syncope du verbe ne peut être productive
dans cette variété de créole. Or, cette différence se mettrait plus naturellement au compte
de la dynamique interne du français qu'à la contribution d'une source autre, ce qui n'a pas
l'air d'arranger le programme de recherche que Lefebvre et Lumsden se sont fixés.
14
BIBLIOGRAPHIE
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UQAM 18:1.57-83.
14
Les contenus flexionnels sous Agrs du magoua en (34) comportent notamment une série d'anciens pronoms
lexicaux déclassés et regrammaticalisés dans cette position syntaxique, agglutinés ou non à d'anciens verbes
auxiliaires, qui sont susceptibles de subir le déclassement ultime, la réduction à zéro. Ce déclassement ultime
est déjà arrivé à son terme si on considère les contenus sous Agrs du créole haïtien en (38) (voir Wittmann
1983 pour un modèle diachronique du renouvellement cyclique). De tels phénomènes ne se produisent pas
avec la même régularité quand le substrat est relativement fort comme c'est le cas dans les variétés du français
parlées en Afrique de l'Ouest.
Les créolismes du français magoua 15
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Montréal: Mémoire de maîtrise.
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Book
Cet article porte sur les constructions à Antéposition du Verbe avec Redoublement (anglais: Verb Fronting with Doubling: VFD) en haïtien, constructions dont la périphérie gauche contient un homonyme nu du lexème verbal, et dont l'interprétation implique la focalisation du verbe. Les auteurs visent à mettre à jour la description de VFD et à atteindre une analyse permettant d'éclairer les questions théoriques centrales pour l'ensemble de l'ouvrage. L'étude de VFD en haïtien conduit aux conclusions suivantes: (i) Les opérations syntaxiques impliquées dans la dérivation de VFD sont disponibles indépendamment du phénomène de réitération; (ii) L'effet sémantique de VFD n'est pas l'"intensification" mais le focus contrastif, et découle de la modification restrictive (cette hypothèse, si elle est correcte, ne permet donc guère d'analyser la relation forme-sens comme "icônique"); (iii) VFD, en haïtien, peut avoir résulté d'une recombinaison parfaitement régulière de traits contribuant à produire des effets de focus en français, en gbe, et dans la Grammaire Universelle.
Article
Résumé Un des emplois du là en français québécois, que nous appelons « discursif » met directement en jeu le locuteur face à son destinataire au moment de l’actualisation du discours. Loin de constituer un bruit du discours, il remplit une fonction sémantico-pragmatique essentielle. Son insertion en un ou plusieurs points de l’énoncé correspond à une stratégie énonciative qui consiste à marquer la pertinence d’un énoncé ou d’une portion d’énoncé. Elle est assurée par la reconstruction d’une proposition implicite sur la base d’éléments de nature linguistique et extralinguistique tirés du contexte immédiat.
Article
This article is concerned with the question of what the study of function words in pidgin and creole languages can contribute to the study of pidgin and creole genesis. Four main questions will be discussed: (a) to what extent could substratum languages have made a contribution to the analytical systems in creoles? (b) do the question words perhaps reflect universal tendencies toward semantic transparency in the creole languages? (c) what was the role of the lexicon of the colonial languages? (d) is there any evidence about the periodization of the genesis of question words? Superstrate effects are easily identified, although not often present in non-creole-continuum situations. Substrate items are rare — at least where the phonetic form of the substrate is preserved, and in many cases the substrate is different from the creole and pidgin forms. We are left with a large residue of cases where we cannot always distinguish between semantic transparency and relexification from a substrate source.