ArticlePDF Available

Tristesse, détresse et dépression : un modèle intégratif des processus émotionnels du deuil et ses implications sur le processus thérapeutique

Authors:

Abstract

Il existe une confusion entre les processus émotionnels relatifs au deuil pathologique, qui est surrepré senté dans la littérature, et ceux du deuil résilient. La tristesse, émotion utile au deuil résilient, est mal différenciée de la détresse et de la dépression, conséquences du deuil pathologique. Il existerait un lien entre les capacités de mentalisation et l’aptitude à vivre de la tristesse. Un modèle théorique proposant un continuum entre le deuil résilient et le deuil pathologique sera élaboré. Ce modèle remettra en question l’idée que les phases de protestation et de désespoir de la théorie de l’attachement, utilisées dans la conceptualisation des processus émotionnels du deuil, s’appliquent autant au deuil résilient qu’au deuil pathologique. Les implications sur la psychothérapie seront abordées.
TRISTESSE, DÉTRESSE ET DÉPRESSION : UN MODÈLE INTÉGRATIF DES
PROCESSUS ÉMOTIONNELS DU DEUIL ET SES IMPLICATIONS SUR LE
PROCESSUS THÉRAPEUTIQUE
Alexandre Couët-Garand et Serge Lecours
Médecine & Hygiène | « Psychothérapies »
2019/4 Vol. 39 | pages 203 à 216
ISSN 0251-737X
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-psychotherapies-2019-4-page-203.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour Médecine & Hygiène.
© Médecine & Hygiène. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
203
Psychothérapies 2019 ; 39 (4) : 203-216
Tristesse, détresse et dépression :
un modèle intégratif des processus
émotionnels du deuil et ses implications
sur le processus thérapeutique
Alexandre Couët-Garand
1 et Serge Lecours
2
Il existe une confusion entre les processus émotionnels relatifs au deuil pathologique, qui est surrepré-
senté dans la littérature, et ceux du deuil résilient. La tristesse, émotion utile au deuil résilient, est mal
différenciée de la détresse et de la dépression, conséquences du deuil pathologique. Il existerait un lien
entre les capacités de mentalisation et l’aptitude à vivre de la tristesse. Un modèle théorique proposant
un continuum entre le deuil résilient et le deuil pathologique sera élaboré. Ce modèle remettra en question l’idée que les
phases de protestation et de désespoir de la théorie de l’attachement, utilisées dans la conceptualisation des processus
émotionnels du deuil, s’appliquent autant au deuil résilient qu’au deuil pathologique. Les implications sur la psychothérapie
seront abordées.
Introduction
Le deuil, période où l’expérience émotionnelle est
affectée par une perte, est souvent vu comme un
phénomène handicapant, contreproductif, mais
inévitable de la vie. En effet, le pragmatisme qui
domine dans la culture occidentale a tendance à
en teinter la perception puisqu’un deuil court et
« efcace », qui permet un retour rapide à la vie
sociale et au travail dans un souci de productivité,
est encouragé (Bourgeois-Guérin, 2015 ; Stroebe,
Gergen, Gergen, et Stroebe, 1992). Un deuil qui
affecterait plus sévèrement le fonctionnement est
vu comme pathologique (Bacqué, 2007 ; Bourgeois-
Guérin, 2015 ; Granek, 2010). Par conséquent, la
littérature scientique s’est plus souvent intéressée à
ces deuils pathologiques, vus comme nécessitant un
traitement, menant ainsi à une surreprésentation
des écrits sur ce type de deuils par rapport à ceux
portant sur le deuil résilient (Granek, 2010 ; Lobb,
Kristjanson et al., 2010). Or, bien que certains
deuils affectent sévèrement le fonctionnement des
individus, ces deuils excessivement douloureux ne
constituent pourtant qu’une minorité, soit environ
10-15 % des cas (Bonanno et Kaltman, 2001 ;
Zisook et Shear, 2009). Il semblerait même que
la majorité des gens vivent un deuil résilient, où
la personne fonctionne normalement, sans symp-
tômes incapacitants. Ce sont plutôt des épisodes de
tristesse courts, non débordants et ponctuels qui
caractériseraient ces deuils résilients (Bonanno,
Westphal, et Mancini, 2011 ; Freed et Mann, 2007).
Il serait donc possible d’être parfois triste et de fonc-
tionner tout de même normalement à travers cette
Résumé
1 Ph.D., Université de Montréal.
2 Ph.D., Professeur titulaire, Université de Montréal.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Psychothérapies
204
épreuve, ce qui contraste avec la vision répandue de
la tristesse comme une émotion liée à la faiblesse
(Carlson, 2008 ; Fox, 2004 ; Hoover-Dempsey, Plas
et Wallston, 1986). En effet, la perception de la tris-
tesse comme indésirable, comme un symptôme du
deuil, est encore répandue (Forgas, 2014 ; Sedikides,
Wildschut et al., 2006). Pourtant, des études
récentes (Bonanno, Westphal et Mancini, 2011 ;
Freed et Mann, 2007) ont créé un regain d’intérêt
pour tenter de comprendre la nature de cette tris-
tesse liée à un deuil résilient. Bien que souffrante,
cette tristesse serait tolérable. Elle serait différente
de l’expérience dysphorique vécue dans un deuil
pathologique, qui est ici nommée détresse (et qui
sera dénie plus tard), et de la dépression (Briand-
Malenfant, Lecours et Deschenaux, 2010). Peu d’ef-
forts ont été jusqu’à récemment mis en place pour
comprendre et distinguer ces expériences affectives
pourtant très différentes. Toutefois, la question se
pose : la tristesse est-elle une conséquence néfaste
de la perte, un artéfact de l’évolution, ou aurait-elle
une fonction adaptative ? Le fait que les expériences
affectives du deuil pathologique, la détresse et la
dépression, soient plus difciles à vivre, s’étendent
sur une plus longue période de temps et soient aussi
plus débordantes, indiquerait-il qu’elles sont moins
adaptatives ? Ce serait en effet tomber dans un
piège que de ne distinguer un deuil pathologique
d’un deuil résilient que par la quantité d’expériences
affectives vécues. Il est essentiel de considérer éga-
lement leur qualité puisque la nature de ces expé-
riences affectives est différente. Une meilleure
dénition de la nature et du rôle de la tristesse,
de la détresse et de la dépression permettra donc
d’établir un modèle théorique du deuil patholo-
gique et du deuil résilient plus adapté aux connais-
sances émergentes.
Tristesse, détresse et dépression
La tristesse peut être dénie comme un sentiment
de souffrance interne qui survient lors de circons-
tances désagréables. En plus de se distinguer d’autres
émotions souffrantes, elle s’en différencie par son
origine, puisque sa source principale ne repose
pas sur la responsabilité de la personne elle-même
(culpabilité, honte) ou de quelqu’un ou quelque
chose d’autre (colère, peur) (Izard, 1991, 2000), mais
tend à plutôt émaner de la perte de quelqu’un ou
de quelque chose. Bien que désagréable à vivre, elle
serait toutefois tolérable et ne comporterait pas de
symptômes somatiques incapacitants comme dans
la dépression (Briand-Malenfant et al., 2010 ; Izard,
1991). Depuis quelques années, un intérêt croissant
est accordé au rôle adaptatif de la tristesse. Il semble
que la tristesse aurait plusieurs avantages évolutifs
et une utilité marquée dans le cadre d’un deuil,
jouant notamment un rôle dans l’acceptation de la
perte et l’adaptation à une nouvelle vie sans la per-
sonne perdue (Bonanno, 2010 ; Briand-Malenfant
et al., 2010 ; Forgas, 2014 ; Welling, 2003). En effet,
la tristesse permettrait à un individu de ralentir son
rythme de vie et de prendre du temps seul, ce qui
favoriserait un processus d’introspection qui per-
mettrait de faire sens de la perte (Bonanno, 2010 ;
Briand-Malenfant et al., 2010). Toutefois, ces bien-
faits demeurent mal compris et la littérature sur le
sujet ne fait que commencer à sélargir, demeurant
en marge des écrits sur les aspects pathologiques
du deuil (Ciarrochi, Forgas et Mayer, 2006 ; Forgas,
2006, 2014).
La détresse, quant à elle, serait plutôt une version
débordante, intolérable et archaïque de la tristesse.
En ce sens, elle en serait qualitativement distincte
(Briand-Malenfant et al., 2010). Ce vécu affectif brut
peut être qualié de souffrance de perte anaclitique,
une forme de souffrance qui résulte d’une sépara-
tion non souhaitée, provoquée (volontairement ou
non) par une gure d’attachement dont on ne peut
prévoir le retour ou le moment du retour. Le terme
« anaclitique » réfère ainsi au fait que la gure d’at-
tachement est essentielle pour la personne, ayant
une fonction d’étayage (qui répond à un besoin de
support structurant, d’appui sur l’autre). Cela peut
être considéré comme pathologique et en décalage
avec le développement normal, une fois la per-
sonne devenue adulte (Bergeret, 1970). La survie
psychique de la personne dépend donc de l’autre
dans une relation anaclitique (Arieti et Bemporad,
1980). Ainsi, les affects liés à l’attente d’une réu-
nion sont vécus comme intolérables, car l’autre
n’est pas conçu comme étant « perdable », puisque
la survie de l’individu en dépend. En ce sens, la
détresse serait plus similaire à la panique que vit
le bébé en état d’impuissance qu’à ce que ressen-
tirait un adulte triste mais en paix avec la mort
de son père, par exemple. On peut mettre cette
souffrance de perte anaclitique en opposition à la
souffrance de perte normale qu’on retrouverait dans
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Modèle intégratif des processus émotionnels du deuil et ses implications sur le processus thérapeutique
205
la tristesse, sentiment douloureux mais tolérable
qui implique que malgré la perte, la vie continue,
que l’on survivra sans l’être aimé. L’autre est en ce
sens « perdable ». La souffrance de perte anacli-
tique se manifesterait par des crises d’assez longue
durée, pouvant comporter des pleurs intenses et
non contenus, alors que la souffrance de perte nor-
male se manifesterait davantage par vagues brèves
et moins débordantes (Bonanno et Kaltman, 2001 ;
Briand-Malenfant et al., 2010).
Chez la personne qui vit une souffrance de perte
anaclitique, l’absence de capacité à accepter la perte
aboutit éventuellement à un état de résignation,
d’apathie et de désespoir, qui suivrait et mettrait
un terme à la détresse, par un mécanisme d’ex-
tinction (American Psychiatric Association, 2013 ;
Feather et Davenport, 1981 ; Freed et Mann, 2007 ;
Watt et Panksepp, 2009). C’est ce « désespoir »,
mécanisme d’extinction de la détresse, qui est ici
nommé dépression. Cette succession entre détresse
et dépression est retrouvée dans la littérature du
modèle de l’attachement, dans les phases de pro-
testation et de désespoir que l’on observe chez les
bébés (Freed et Mann, 2007). Comme la tristesse,
la dépression survient souvent suite à une perte.
Cependant, la dépression est un amalgame affectif
complexe et pathologique, durable dans le temps,
qui comporte également des symptômes somatiques
et psychomoteurs handicapants, contrairement à la
tristesse (American Psychiatric Association, 2013 ;
Izard, 1991 ; Lazarus, 1991).
Dans le présent modèle, la tristesse est une émo-
tion tolérable, contenue. Elle peut être distinguée
de la détresse et la dépression qui sont des expé-
riences affectives non contenues. En ce sens, ces
dernières sont difciles, voire impossibles à intégrer,
ce qui peut faire en sorte qu’il est plus complexe d’en
faire sens. Cela implique qu’elles soient plus pré-
sentes dans la sphère interpersonnelle, la personne
étant agitée, pleurant beaucoup, étant en crise, ou
complètement abattue, sans espoir, par opposition à
une personne triste, capable d’une certaine retenue
et d’un recul introspectif sur son émotion (Briand-
Malenfant et al., 2010).
Donc, pour distinguer tristesse, détresse et
dépression, le présent modèle conçoit la nature
des expériences affectives du deuil comme étant
modulées par la capacité de la personne à contenir
le vécu affectif brut déclenché par la perte (ou
son incapacité, qui implique le débordement)
(Briand-Malenfant et al., 2010). En ce sens, cette
capacité à contenir serait un prérequis aux habiletés
de mentalisation, la mentalisation étant la capaci
à se représenter et comprendre les états mentaux de
soi (et d’autrui, par extension) (Briand-Malenfant
et al., 2010 ; Lecours, 2005, 2016 ; Zisook et Shear,
2009). Une expérience dysphorique de perte,
lorsque contenue et mentalisée, « deviendra » donc
de la tristesse, alors que si la personne est incapable
de la contenir, la mentalisation ne peut opérer et
l’expérience dysphorique débordante « demeure »
de la détresse, qui laissera éventuellement place à la
dépression. Ainsi, si les capacités de contention et
de mentalisation ne sont pas sufsamment dévelop-
pées, on observe suite à la perte une réaction émo-
tionnelle similaire à celle de l’enfant subissant une
séparation dans sa relation d’attachement (détresse
et désespoir/dépression).
Cette distinction dans le vocabulaire entre
tristesse, détresse et dépression n’est toutefois pas
envisagée dans la littérature sur le deuil, et reète
la confusion par rapport au rôle et à la nature de
ces expériences affectives. Par exemple, Welling
(2003) ne fait pas la distinction entre tristesse et
dépression lorsqu’il tente de cerner leur rôle adap-
tatif suite à une perte, ne différenciant pas les deux
quant à leur caractère adaptatif ou pathologique,
respectivement. La distinction entre tristesse et
détresse, quant à elle, a à peine été abordée dans
la littérature.
Cet article vise donc à combler une lacune
importante en mettant en évidence le fait que
l’expérience de tristesse, en tant qu’émotion adap-
tative, a été évacuée ou sous-appréciée dans les
théories du deuil normal. La tristesse est habituel-
lement vue comme indésirable et mal différenciée
des affects dysphoriques non adaptatifs, même dans
les modèles du deuil résilient comme celui des tra-
jectoires du deuil de Bonanno et Kaltman (2001).
En effet, dans ces modèles, le deuil est vu comme
résilient simplement parce que la tristesse y apparaît
moins fréquemment et durant moins longtemps, et
non parce qu’une qualité de tristesse « productive »
y est vécue. La résilience d’un deuil y est dénie
en fonction de la capacité d’une personne à bien
fonctionner et à vivre un minimum de tristesse.
Cette vision du deuil ne rend donc pas compte
du rôle central de la tristesse dans le processus de
deuil, comme pouvant en fait être utile, peut-être
même nécessaire.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Psychothérapies
206
En plus de cette confusion dans la compréhen-
sion des expériences affectives et émotions liées au
deuil, les modèles théoriques du deuil tendent à
manquer de diversité dans leur bagage théorique.
En effet, bon nombre de conceptualisations du
deuil s’inspirent du modèle de l’attachement, en
référant à l’analogie de la séparation du bébé et du
parent mentionnée plus tôt (Freed et Mann, 2007).
Bien qu’utile, cette analogie ne tient pas compte
de la maturation des capacités de mentalisation, et
ainsi des processus émotionnels, de l’enfance à l’âge
adulte. Il convient donc de réexaminer le modèle
de l’attachement à la lumière du nouvel éclairage
apporté à la tristesse, la détresse et la dépression,
an de proposer un modèle nouveau, qui rend
compte de la complexité du phénomène.
Perte et attachement
Élaborée principalement par Bowlby (1980) et
Ainsworth (Ainsworth et Bell, 1970), la théorie de
l’attachement stipule qu’il existerait trois types d’at-
tachement principaux : l’attachement sécure (70 %
de la population), l’attachement anxieux (15 % de
la population) et l’attachement évitant (15 % de la
population). L’enfant ayant un attachement sécure
vit un inconfort modéré lorsqu’il subit une sépa-
ration temporaire de sa gure d’attachement, mais
il est positif et joyeux à son retour. L’enfant évi-
tant, quant à lui, est indifférent autant au départ
de la gure d’attachement qu’à son retour : il ne vit
donc pas de détresse manifeste. Lenfant anxieux
est beaucoup plus affecté par le départ de sa gure
d’attachement : il vit une détresse intense et il est
hésitant ou même rejetant à son retour (Ainsworth
et Bell, 1970).
Reis et Grenyer (2002) se sont attardés à
observer les liens entre les types d’attachement
décrits par Ainsworth et Bell (1970) et deux types
de symptomatologie dépressive, ainsi que l’absence
de symptômes de dépression. Ils se sont basés sur
une distinction, récurrente dans la littérature, entre
une symptomatologie dépressive anaclitique/dépen-
dante (sociotropique chez Beck [1976], anaclitique
chez Blatt [1974], « dominant-other », chez Arieti
et Bemporad [1980]), et introjective/indépendante
(autonome, chez Beck [1976], introjective chez Blatt
[1974], « dominant-goal » chez Arieti et Bemporad
[1980]). Blatt décrit le type anaclitique comme lié à
un sentiment d’impuissance, de solitude et de peur
de l’abandon (Blatt, 1995, 2004). Par ailleurs, il
caractérise le type introjectif comme lié à une ten-
dance à l’autocritique, à l’automonitorage constant
et à des buts irréalistes et inatteignables. Ces carac-
téristiques sont également retrouvées chez Arieti et
Bemporad (1980), respectivement dans la dépression
de type dominant-other et dominant-goal. Or, Reis et
Grenyer (2002) ont observé un lien entre un type
d’attachement sécure et une plus faible propension
à la dépression. Selon eux, une corrélation existerait
également entre une symptomatologie anaclitique
et un type d’attachement anxieux, ainsi qu’entre
une symptomatologie introjective et un type d’atta-
chement évitant. Comme la symptomatologie intro-
jective est davantage axée sur l’autocritique et les
buts inatteignables, plutôt que sur le danger perçu
de la perte de l’autre, la similitude est beaucoup
plus marquée entre la symptomatologie dépressive
anaclitique et les symptômes du deuil pathologique.
Également, les prévalences se chevaucheraient : il
y aurait 15 % d’individus ayant un type d’attache-
ment anxieux, et 10-15 % de la population vivrait
un deuil chronique suite à une perte (Ainsworth
et Bell, 1970 ; Bonanno et Kaltman, 2001), ce qui
ajoute à l’observation de Bowlby, qui liait les deuils
chroniques à un attachement anxieux ou dépendant
(Bowlby, 1980 ; Stroebe, Schut et Stroebe, 2005).
Parkes aurait également observé un lien entre l’at-
tachement anxieux et un deuil prolongé (Parkes,
2003 ; Stroebe et al., 2005). Aussi, létat émotionnel
que l’on observe dans les moments qui suivent la
perte d’un proche chez les endeuillés pathologiques
est similaire à la détresse que l’on retrouve chez les
enfants anxieux lorsqu’ils sont séparés de leur gure
d’attachement (Ainsworth et Bell, 1970 ; Briand-
Malenfant et al., 2010 ; Freed et Mann, 2007).
Vers un modèle du deuil
intégrant tristesse, détresse
et dépression
La littérature semble suggérer que des deuils de
nature différente, variant selon les circonstances
de la mort, le type d’attachement et la personnalité
de l’individu, entraînent des expériences affectives
variant en quantité. Toutefois, la possibilité que ces
expériences affectives soient de qualité différente
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Modèle intégratif des processus émotionnels du deuil et ses implications sur le processus thérapeutique
207
est peu abordée (Briand-Malenfant et al., 2010).
On retrouve cette confusion au cœur du débat non
résolu que présentent Freed et Mann (2007). En
effet, ceux-ci se questionnent à savoir si le fait de
vivre de la tristesse facilite la résolution du deuil,
ou si cette tristesse serait au contraire un cataly-
seur pour la dépression. Pour dénir le rôle de la
tristesse, ils tentent de la situer dans l’une de deux
phases qui suivraient la perte, une idée héritée du
modèle de l’attachement, où l’enfant vit la sépa-
ration de la gure d’attachement en deux temps.
La première serait la phase de protestation, où la
personne vivrait une expérience affective et aurait
des comportements similaires à ceux de l’enfant qui
souhaite susciter la réunion avec sa gure d’atta-
chement, protestant contre son départ (Panksepp,
Knutson et Burgdorf, 2002 ; Parkes, 2001 ; Shaver
et Tancredy, 2001 ; Stroebe, Hansson, Stroebe et
Schut, 2001). Freed et Mann (2007) identient ces
épisodes de débordement comme étant des « pangs
of grief », qui peuvent durer jusqu’à plusieurs heures.
La deuxième phase serait celle du désespoir, où l’en-
deuillé cesserait ses comportements de protestation,
voyant qu’il est incapable de provoquer le retour de
la gure d’attachement, et tomberait dans un état
d’inactivité marquée qui servirait dextinction à la
protestation. En lien avec ces deux phases, Freed et
Mann (2007) présentent trois modèles théoriques
proposés dans la littérature. Les auteurs de chacun
de ces modèles assimilent leur conception respective
de la tristesse à un rôle et une nature dénis par la
position qu’elle adopte, soit dans la phase de protes-
tation ou dans la phase de désespoir.
Le modèle de soin (caregiving), proposé par Barr,
Hopkins et Green (2000), place la tristesse dans la
phase de protestation. Selon ce modèle, la tristesse
aurait pour rôle de renforcer les relations en pro-
voquant de l’empathie de la part des proches, qui
pourraient ainsi prendre soin de la personne dans
un moment de vulnérabilité, comme lors d’un deuil
(Barr, Hopkins et Green, 2000). Cependant, ce
modèle a pour faiblesse de ne postuler aucune fonc-
tion intrapsychique à la tristesse, son pouvoir adap-
tatif ne reposant que sur le soutien reçu des proches
et non sur l’expérience la personne elle-même
(Freed et Mann, 2007). Le modèle de réunion,
appuyé notamment par Archer (2003), Eisenberger
et Lieberman (2004), et Panksepp (2004), place éga-
lement la tristesse dans la phase de protestation. Il
lui donnerait toutefois un rôle intrapsychique, soit
de générer une punition envers soi-même an d’en-
seigner à la personne que la séparation des autres
est douloureuse et dangereuse, et ainsi motiver
des efforts de réunion. Cependant, cela implique-
rait que la tristesse suivant le décès d’un proche,
contrairement à une rupture par exemple, ne serait
pas adaptative puisque la réunion ne serait pas
possible. Pour Freed et Mann (2007), seule la souf-
france demeurerait. Le modèle de désengagement,
soutenu par Freed et Mann (2007), situe plutôt la
tristesse dans la phase de désespoir. La tristesse y
serait une réalisation que la réunion ne serait plus
possible, et favoriserait donc un détachement pro-
gressif de la personne (Freud, 1917 ; Klinger, 1975 ;
Nesse, 2000). Ultimement, les souvenirs et affects
négatifs liés à la perte seraient donc atténués, au
prot de souvenirs et d’affects plus positifs liés à la
personne. Cette idée s’apparente à la notion de tra-
vail de deuil (Freud, 1917) et plus spéciquement
au sorrow-work d’Arieti et Bemporard (1980). Selon
Bleichmar (2010), ce travail est possible grâce à
la xation primaire, par opposition à la xation
secondaire. Dans la xation primaire, l’individu est
intériorisé avec succès car investi avant sa mort et
la personne peut donc se détacher de la présence
concrète du défunt à travers le processus de deuil
puisqu’elle « porte » la personne en elle (Abraham,
1924 ; Bleichmar, 2010). Dans le cas de la xation
secondaire, toutefois, la personne décédée est idéa-
lisée après sa mort parce que l’endeuillé, dans son
malheur et son sentiment de vide présents, crée une
image d’une personne et d’un passé idéalisés n’ayant
jamais existé comme tels, et restructure les souve-
nirs du passé en fonction du présent (Bleichmar,
2010). La perte du défunt, qui avait une fonction
étayante, empêche le survivant d’avoir sufsam-
ment dénergie à investir dans de nouvelles activités
et de nouvelles personnes, ce qui mène à la dépres-
sion et l’isolement (Bleichmar, 2010). On retrouve
ce mécanisme dans le deuil anaclitique, donc plus
pathologique (Bleichmar, 2010).
Watt et Panksepp (2009) argumentent, par
opposition à Freed et Mann (2007), que la dépres-
sion, et non la tristesse, serait le processus adaptatif
servant d’extinction à la protestation, en évitant
les dépenses d’énergie liées aux comportements de
détresse. Freed et Mann (2007) stipulent plutôt que
les affects négatifs chroniques sont rarement adap-
tatifs. En effet, l’avantage de tomber en dépression
devrait être plus grand que les désavantages qu’elle
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Psychothérapies
208
entraîne, comme l’isolement, l’apathie et autres
symptômes dépressifs, ce qui n’est pas le cas. La
dépression ne serait donc pas adaptative en ce sens,
car elle est trop coûteuse et comporte peu d’avan-
tages comparativement au modèle de la tristesse par
courts épisodes, qui est plus tolérable.
Bien que Freed et Mann (2007) attribuent une
fonction plausible à la tristesse en tant que telle,
leur insistance à vouloir situer la tristesse dans un
modèle binaire de protestation ou désespoir hérité
du modèle d’attachement est questionnable. En
effet, le modèle d’attachement semble bien expli-
quer la réaction de perte en la comparant à celle
de séparation chez l’enfant, qui par ailleurs n’a pas
encore développé une capacité à contenir les affects
bruts débordants provoqués par la séparation.
Pourtant, un individu ayant traversé un dévelop-
pement normal, qui a appris à contenir ses émo-
tions et à les mentaliser, a un vécu qualitativement
différent. On peut donc qualier de deuil patholo-
gique chez l’adulte un deuil qui serait calqué sur les
aspects de protestation et de désespoir du modèle
de l’attachement, car ce deuil implique des lacunes
développementales, notamment dans la capaci
de contenance, et une souffrance trop grande pour
être jugée normale. En ce sens, l’idée de Watt et
Panksepp (2009), qui proposent que la dépression
éteindrait le comportement de protestation pour
économiser de l’énergie, serait valide mais seule-
ment dans le cas de deuils pathologiques, donc en
l’absence de la capacité à accepter la perte.
Un deuil résilient se situerait donc en dehors
de cette conceptualisation. En ce sens, le modèle
de Freed et Mann (2007) doit être revu, puisque
la tristesse qu’ils tentent de placer dans le modèle
de l’attachement est une tristesse saine, mature,
contenue. Celle-ci se retrouve dans la majorité de la
population adulte, comme le suggèrent Bonanno et
Kaltman (2001), qui observent la présence de tris-
tesse dans les deuils résilients. Notons au passage
que dans ce type de deuils, Bonanno et Kaltman ne
semblent pas faire état de la présence de ce qui sem-
blerait s’apparenter à de la détresse ou à une dépres-
sion. Ce serait donc plutôt la tristesse qui viendrait
par épisodes de quelques minutes, se présentant
par oscillations (Bonanno, Goorin et Coifman,
2008). On peut ainsi dire du modèle de Freed et
Mann (2007) qu’il a le défaut d’utiliser le modèle
d’attachement comme prémisse à la conceptualisa-
tion du deuil et d’évacuer la notion de capacité de
contenance en comparant le survivant du deuil à
un nourrisson qui ne sait pas encore nommer et
tolérer son vécu affectif brut. Le but n’est pas ici
d’évacuer la théorie d’attachement du modèle, mais
bien de s’opposer à son application normative, qui
expliquerait tous les deuils.
Un continuum, caractérisé par une plus ou
moins grande capacité à contenir ce vécu affectif
brut, existerait donc plutôt entre deux extrêmes.
D’un côté, il y aurait un deuil résilient où la tris-
tesse viendrait par vagues, et de l’autre côté un
deuil pathologique où la dépression viendrait servir
d’extinction à une détresse débordante et coûteuse
en énergie, comme le stipulent Watt et Panksepp
(2009). Ces derniers font toutefois l’erreur de nor-
maliser ce processus, qui serait plutôt pathologique.
Un modèle en continuum, tel que proposé ici,
demeure compatible avec l’idée de Freed et Mann
(2007) selon laquelle la tristesse a pour fonction
d’aider à réaliser et accepter que le lien ne peut être
restauré. Au contraire, la protestation (détresse),
où la personne souhaite la réunion alors qu’elle
est impossible, suivie du désespoir (dépression), où
la personne renonce à agir pour investir d’autres
sphères de vie par sentiment d’impuissance, pren-
drait le pas sur la tristesse. Cela se produirait lorsque
la personne n’a pas les capacités à contenir l’affect
provoqué par la perte. Cette capacité à contenir et,
par extension, la qualité du deuil dépendraient de
plusieurs facteurs liés notamment à la structure de
personnalité, au développement, aux circonstances
de la mort, à la relation entre l’endeuillé et le défunt
et aux capacités de mentalisation de l’endeuillé.
Comme il s’agit d’un modèle en continuum, il
existe une innité de possibilités de types de deuil
entre ces deux extrêmes. Une personne pourrait par
exemple vivre une certaine détresse, étant débordée
à cause du stress exacerbé de l’annonce de la mort,
puis se ressaisir et retourner dans la tristesse pour
éventuellement faire sens de la mort après un cer-
tain temps. Il est également possible que la per-
sonne se dissocie de son vécu ou nie la mort de
la personne, dans lequel cas le processus de deuil
se manifesterait plus tard, par exemple. Comme il
s’agit d’un phénomène complexe et idiosyncratique,
reposant sur plusieurs variables, il existe autant de
deuils que de pertes différentes, mais ce modèle
aide à tracer des repères quant à ce qui est résilient
et ce qui est pathologique, et quant aux processus
affectifs qui y sont associés.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Modèle intégratif des processus émotionnels du deuil et ses implications sur le processus thérapeutique
209
Le deuil pathologique
Description du deuil pathologique
La tristesse adaptative, bien mentalisée, s’acquer-
rait dans le cadre d’un développement normal, où
les habiletés de mentalisation seraient transmises
par les gures d’attachement (Allen, Fonagy et
Bateman, 2008 ; Briand-Malenfant et al., 2010). En
l’absence de cet apprentissage, le développement
de la capacité à nommer et s’approprier ses émo-
tions serait compromis, une condition nommée
alexithymie (Taylor, 1984). Lalexithymie peut être
dénie comme un décit cognitif résultant en une
difculté à identier et exprimer ses émotions. Elle
est habituellement associée à un mode de pensée
orienté vers la réalité externe, par opposition à
la réalité interne (Lecours et Bouchard, 2011 ;
Taylor, Bagby et Parker, 1997). Cette incapacité à
reconnaître l’émotion et le besoin qui y est associé
implique une impasse : puisque l’organisme est
incapable d’identier le vécu affectif brut, il ne sait
quoi en faire. Ce contenu n’est donc pas traitable
(Briand-Malenfant et al., 2010). C’est ce qui se pro-
duit dans le cas de la perte chez les personnes qui
vivent un deuil pathologique. La détresse, qui a pour
fonction évolutive de susciter le retour de la gure
d’attachement pour lui signaler un besoin (besoin
de sa présence pour se sentir sécurisé et rassuré,
besoin d’être nourri, besoin de comprendre et se
représenter ce que lon vit, etc.) (Soltis, 2004), n’est
plus adaptée lorsque la personne ne peut revenir le
combler parce qu’elle est décédée.
Ces comportements d’impuissance apparaissent
dès les premiers moments qui suivent la perte et
sont équivalents à ceux du bébé à l’attachement
anxieux lorsqu’il vit une séparation (Blatt, 1995,
2004 ; Reis et Grenyer, 2002). Ainsi, la personne
qui ne peut ni mentaliser son émotion, ni recruter
la gure d’attachement qui la contiendrait pour
elle, ne peut vivre un deuil résilient puisqu’elle ne
peut même pas se représenter la perte, n’arrivant
pas à la tolérer, la contenir assez longtemps pour le
faire. Elle doit donc la rejeter dans la sphère inter-
personnelle via des comportements de détresse, la
seule façon de fonctionner qu’elle connaisse.
Ainsi, la personne vit une relation « narcis-
sique » avec le défunt avant sa mort, c’est-à-dire
une relation où ce dernier est utilisé pour maintenir
l’estime de soi, le sens de soi, ou un sentiment de
sécurité de base. Comme l’autre n’existe que pour
sa fonction de remplir un besoin, il n’est pas traité
comme une personne à part entière puisque cela
impliquerait d’admettre que la personne ne peut ou
ne veut pas toujours répondre au besoin de façon
optimale et constante, ayant sa propre vie à vivre,
alors que cette réponse aux besoins est jugée essen-
tielle. En effet, une personne ayant des capacités
de mentalisation limitées a besoin de recruter une
gure d’attachement comme support externe pour
l’estime de soi et le maintien du fonctionnement
(Arieti et Bemporad, 1980), ne pouvant fonctionner
sans une telle « béquille » (Bleichmar, 2010). Arieti
et Bemporad qualient cette gure d’« autre domi-
nant » (dominant-other) : une personne fait une
entente imaginaire avec ce proche, lui accordant le
pouvoir de donner ou de retirer des gratications de
l’estime de soi. En échange, elle cherche un support
quasi constant de la part de cette autre personne
qui acquiert donc une fonction d’étayage. La satis-
faction, dans cette relation anaclitique, est tirée du
fait de plaire pour ne pas être abandonné par cet
« autre dominant » (Arieti et Bemporad, 1980). La
perte de cette personne impliquerait donc de ne
plus avoir cette source de gratication et la structure
qui vient avec le rôle d’étayage qu’elle remplissait,
ce qui rend le deuil et le fonctionnement difciles.
Ultimement, aucun travail de mentalisation ne
peut se faire puisque l’autre, qui servait de conte-
nant et de miroir, n’est pas « porté » à l’intérieur
de la personne, ce qui fait que la personne n’a pas
non plus intégré les capacités de reconnaissance et
de contention des émotions que l’autre fournissait.
Incapable de mentaliser sa tristesse, la perte ne peut
être traitée, acceptée, et c’est la détresse, dysphorie
brute et non mentalisée, qui se manifeste.
Alors que la tristesse tend à diminuer ou dis-
paraître avec l’acceptation et la découverte d’un
sens à la perte via le sorrow-work, les choses sont
différentes dans un deuil pathologique. En effet, la
dépression, qui vient servir de mécanisme d’extinc-
tion à la détresse, trop coûteuse en énergie (Watt
et Panksepp, 2009), n’a pas tendance à disparaître
aussi aisément puisqu’elle est en soi une entrave à
la capacité d’accepter la perte (Arieti et Bemporad,
1980) : la personne dépressive est convaincue que
cet état durera pour toujours et qu’aucune autre pos-
sibilité n’existe pour elle. Selon Arieti et Bemporad,
l’individu dépressif de type anaclitique a donc
malgré lui dangereusement réduit ses sources de
sens et de gratication, au point de ne les tirer que
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Psychothérapies
210
de cette gure d’attachement, et manque de modes
de pensée alternatifs qui lui éviteraient de sombrer
davantage dans la dépression. Cet état de désespoir
peut s’apparenter à la résignation acquise, où la per-
sonne se sent impuissante face aux événements et
cesse d’investir les autres sphères de sa vie et d’avoir
un sentiment d’agentivité (Beck et Greenberg,
1984). Selon Seligman (1975), cette impuissance
face à la situation est cause de dépression.
Le diagnostic à l’étude de trouble du deuil com-
plexe persistant proposé par les auteurs du DSM-5
(American Psychiatric Association, 2013) comporte
des symptômes similaires aux réactions de détresse
et de désespoir telles que décrites dans le modèle
présenté ici. Il est cependant nécessaire de souli-
gner la grande variabilité interindividuelle dans
ces symptômes, qui peuvent dépendre de variables
comme la nature de la relation, les circonstances de
la mort et la personnalité du survivant. Ainsi, les
symptômes peuvent s’organiser davantage autour du
déni de la mort de la personne, d’un débordement,
de la confusion identitaire résultant de la perte, de
la difculté à s’intéresser à ses proches et ses acti-
vités, d’une humeur dépressive persistante, du sen-
timent de solitude, de manque de sens et/ou encore
de l’évitement de tout ce qui touche aux souvenirs
liés au défunt, entre autres (American Psychiatric
Association, 2013). Malgré le manque de spéci-
cité du modèle proposé dans le DSM-5 (American
Psychiatric Association, 2013) et l’impact incertain
d’obtenir un diagnostic ratissant aussi large sur le
plan de traitement (Rando et al., 2012), il reste
pertinent dobserver que ce modèle, bien qu’en-
core mal déni et ne précisant pas le décours tem-
porel par rapport à la succession de la détresse et
du désespoir, tire des conclusions similaires quant
à la nature (et donc la qualité), la fréquence (plus
élevée) et la durée (plus longue) des réactions à
la mort d’un être cher dans le deuil pathologique.
La différence est donc marquée entre ce qui y est
décrit et la tristesse plus saine observée par courtes
vagues dans un deuil résilient.
Illustration d’un deuil pathologique :
vignette
Pour illustrer le deuil pathologique tel que décrit
dans ce nouveau modèle, prenons le cas d’une
femme dans la quarantaine, en retour progressif
au travail dans le milieu de la santé, qui a de la
difculté à réintégrer son emploi. Son nom a été
changé pour Florence an d’assurer son anonymat.
Elle participe à une entrevue semi-structurée dans
le cadre d’une étude sur le deuil (Couët-Garand et
Lecours, 2019), ayant perdu sa mère récemment.
Les données n’ont pas été retenues pour ladite
étude qualitative, étant donné son score élevé au
BDI-II (Beck, Steer et Brown, 1996), indiquant des
symptômes de dépression « sévère », ce qui était un
critère d’exclusion pour la participation. Elle a un
diagnostic de trouble de personnalité limite et suit
un traitement incluant la prise d’antidépresseurs,
d’anxiolytiques et d’antipsychotiques. Elle a effectué
plusieurs suivis en psychothérapie par le passé.
Florence dit vivre plusieurs symptômes dépres-
sifs depuis quelques semaines avant l’entrevue : elle
a de la difculté à prendre des décisions, pleure fré-
quemment, dort presque toute la journée et a de
la difculté à s’endormir, se sent fatiguée, est irri-
table, a de la difculté à travailler et à se concentrer
sur une tâche, a perdu l’appétit, n’a plus de plaisir
à s’adonner à ses activités, se sent triste, déçue
envers elle-même et vide, et peine à effectuer ses
tâches quotidiennes. Une période de détresse aiguë
où elle pleurait presque toute la journée, tous les
jours, s’était récemment terminée au moment
de l’entrevue.
Sa mère est décédée quelques mois auparavant,
d’une maladie dégénérative rare, le diagnostic
ayant été posé il y a quelques années. Elle dit
avoir d’abord été très en colère, à la fois contre les
médecins, contre sa mère qu’elle considère comme
l’ayant abandonnée, et contre Dieu de lui avoir
enlevé sa mère. Pour elle, « tristesse » et colère
viennent ensemble.
« Je garochais des affaires, là, j’étais chez nous pis
j’étais “t’es pas ne, tu m’as abandonnée.” Ah, ouin,
moi elle m’a carrément abandonnée, là. Pis là on me
disait : “Ta mère elle a de la peine en haut, laisse-la
partir.” C’est vrai je la laissais pas partir parce qu’elle
avait pas d’affaire à s’en aller. Elle m’a abandonnée,
complètement laissée toute seule. Je suis pas toute
seule, mais j’étais tellement son petit bébé que oui je
me sens toute seule t’sais, mais l’intensité quand je
pleure est… »
Ainsi, par son refus de la « laisser partir », on peut
croire que Florence n’arrive pas à accepter la perte, et
donc à « porter en elle » une représentation interne
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Modèle intégratif des processus émotionnels du deuil et ses implications sur le processus thérapeutique
211
de sa mère. On peut donc constater son incapacité
à accepter et faire sens de la perte, comme si elle
confondait son décès avec un abandon volontaire
de la part de sa mère. Elle dit avoir eu davantage de
comportements d’achats impulsifs au début du deuil,
et avoir pleuré tous les jours, durant presque toute
la journée, pendant plus d’un mois. Florence aurait
également dormi avec la couverture que sa mère
utilisait et elle porterait encore régulièrement ses
vêtements, ce qui supporte également l’hypothèse
où elle se raccroche à des manifestations externes
de sa mère (relation anaclitique) plutôt qu’à sa
représentation interne. Dans l’extrait suivant, on
voit la détresse aiguë manifestée par Florence suite
au décès de sa mère :
« Imagine… pendant un mois j’ai braillé à tous les
jours. Tous les jours, je pleurais “je veux ma mère,
je veux ma mère, veux ma mère.” Écoute, c’était,
c’était, c’était, mais… pleurer là des, aaah fort là,
fort. () Euh, elle me manque trop. J’ai, j’ai, j’ai
besoin de conseils là, là là. Qu’est-ce que je fais [dans
la quarantaine] de ma vie ? T’sais, on… Ma, ma
mère, elle coupait pas le cordon avec moi. C’est un
lien uni là, mais là, en partant, t’sais, elle a coupé le
cordon, mais moi je fais quoi ? T’sais comme… ok,
‘est partie, je fais quoi moi ? »
Malgré ses multiples symptômes prononcés de
dépression, quelques mois après la perte, Florence
afrme ne pas savoir si elle est en dépression,
signalant une carence en capacités de mentalisa-
tion, puisqu’elle a de la difculté à se représenter ce
qu’elle vit. Lorsque questionnée sur la façon dont
elle envisage le futur, elle dit ne pas savoir com-
ment les choses se passeront. Elle afrme se sentir
dans le noyau de son deuil et ressentir un besoin
de punir sa mère. En ce sens, on peut voir dans
cette vignette l’illustration d’un deuil pathologique
tel que décrit dans le modèle présenté ici. En effet,
Florence, suivant le décès, est d’abord dans un état
de protestation, caractérisé par une détresse aiguë
et des états affectifs débordants, où elle réclame
le retour de sa mère, comme l’enfant qui pleure
lors d’une séparation. Puis elle entre dans un état
de désespoir, où elle vit des symptômes sévères
de dépression, qui viennent mettre n à la phase
initiale de protestation et qui ne peuvent pas pro-
voquer le retour de la défunte. Dans cet état de
désespoir, elle vit une forme d’abattement où elle
perd sa capacité à se mobiliser et à trouver un sens
puisque son équilibre s’appuyait sur l’autre, qui ser-
vait de support externe, « le cordon n’ayant jamais
été coupé ». Dans cette image forte, on voit que c’est
l’autre qui est source de vitalité et de gratication,
et que sans elle, Florence ne peut digérer la perte et
retourner à une vie normale. Les expériences affec-
tives qu’elle vit semblent mal mentalisées, difciles,
voire impossibles à tolérer et à contenir, et aucune
résolution de cet état pathologique ne semble pour
l’instant envisageable pour elle.
Le deuil résilient
Description du deuil résilient
Dans un deuil résilient, on ne retrouverait pas les
phases distinctes typiques du deuil pathologique,
soit la protestation suivie par le désespoir. Plutôt,
on y verrait des oscillations entre un fonctionne-
ment normal et des épisodes de tristesse de quelques
minutes, qui deviendraient de plus en plus rares et
courtes avec le temps (Bonanno et Kaltman, 2001).
La tristesse véritable, qui est bien mentalisée, aurait
pour fonction de permettre, via l’introspection, de
prendre le temps pour réaliser et accepter la mort
de la personne, donc de s’en détacher (Arieti et
Bemporad, 1980 ; Bonanno, 2010 ; Freed et Mann,
2007 ; Welling, 2003). Cela arriverait par vagues
d’émotions bien contenues, qui seraient courtes
pour que la personne puisse continuer à investir le
monde, les autres et ses activités, contrairement à
la détresse où le débordement paralyse l’activité, ou
à la dépression où la personne se retire et désin-
vestit d’autres sphères de sa vie (Beck et Greenberg,
1984 ; Seligman, 1975). La personne fonctionnerait
donc bien dans sa vie quotidienne, proterait de
ses moments de solitude pour effectuer un processus
d’introspection nécessaire au deuil, puis nirait par
se remettre, bien qu’une certaine tristesse puisse
être présente lorsquelle pense à la personne défunte
(Bonanno et Kaltman, 2001 ; Bonanno, 2010).
Citons également le cas plus rare de certaines
personnes chez qui le deuil résilient pourrait éga-
lement être synonyme d’une quasi-absence de tris-
tesse, la personne pouvant simplement fonctionner
normalement et/ou vivre des moments de joie
(Bonanno et Kaltman, 2001). Bien que certains de
ces deuils soient en fait des deuils pathologiques
(déni du deuil) où les symptômes ressurgiront plus
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Psychothérapies
212
tard, certaines personnes ne semblent vivre que
très peu de symptômes ou d’émotions désagréables
liés au deuil. Aucun appui empirique n’a à ce jour
été apporté à la thèse afrmant qu’il ne serait pas
adapté de ne pas ou presque pas vivre de tristesse
(Zisook et Shear, 2009). Si la tristesse est bel et bien
nécessaire au travail de deuil, aucune hypothèse
n’a cependant été faite quant à la quantité et l’in-
tensité minimales nécessaires. Chez certaines per-
sonnes, comme lorsque le deuil est anticipé depuis
longtemps à cause d’une maladie dégénérative
mortelle par exemple, il est possible démettre l’hy-
pothèse que le travail de deuil se fait avant la mort,
ou en très peu de temps après la perte. Il semble
dans tous les cas que l’hypothèse la plus plausible
est que même si les manifestations de la tristesse
sont minimales, que l’expression en est limitée, ou
que la personne n’est pas en mesure de reconnaître
les manifestations de sa tristesse, une forme quel-
conque de tristesse soit vécue, aussi peu étendue
dans le temps et souffrante soit-elle. Des investi-
gations ultérieures sur la question seront toutefois
nécessaires pour répondre à ce questionnement.
Illustration d’un deuil résilient : vignette
Pour illustrer le deuil résilient tel que décrit dans le
modèle, prenons le cas d’une femme dans la cinquan-
taine, travaillant comme massothérapeute, dont le
nom a été changé pour Mélanie an d’assurer son
anonymat. Elle n’a pas de diagnostic psychologique
et ne prend pas de médication. Elle participe égale-
ment à une entrevue semi-structurée dans le cadre
d’une étude sur le deuil (Couët-Garand et Lecours,
2019), ayant perdu son père récemment. Son score
au BDI-II (Beck, Steer et Brown, 1996) indique la
présence de symptômes « minimes » de dépression,
la catégorie la moins sévère. Elle est présentement
dans un processus de psychothérapie à long terme.
Elle est en relation amoureuse depuis plusieurs
années. Elle vit une tristesse plus fréquente depuis
la perte, ce qu’elle juge normal, étant donné le deuil
à faire. Outre cette tristesse et une plus grande dif-
culté à prendre des décisions, ainsi qu’un ralentis-
sement psychomoteur léger, elle ne rapporte pas de
symptômes dépressifs.
Mélanie cone avoir vécu plusieurs deuils dans
les dernières années et vivre plusieurs événements
difciles dans le moment, mais elle semble rési-
liente et dit fonctionner normalement malgré tout.
Son père, décédé des suites d’une maladie, était un
homme âgé avec qui elle dit avoir eu des moments
de grande complicité et de proximité. Elle afrme
cependant qu’ils ne se sont pas souvent vus durant
une bonne partie de sa vie à cause de la distance
géographique, de sa mauvaise relation avec sa
belle-mère et de la tendance de son père à être
très occupé.
Dans les jours qui ont suivi le décès, elle dit
avoir « mis la grosse tristesse de côté » an de s’as-
surer que toutes les tâches liées au décès étaient
complétées. Puis elle aurait vécu beaucoup de tris-
tesse, venant par moments. En effet, elle dit ne pas
pleurer sans cesse, mais plutôt par courts épisodes,
déclenchés surtout lorsque quelque chose fait écho
à son père ou à de la tristesse en général.
« C’est pas en continu, mais ouais y’a par moments
qu’elle est vraiment là et pis y’a dautres moments où
c’est, bon elle est plus de côté et pis après ça s’remet
en route. »
Mélanie est capable de nommer et d’accepter sa
tristesse, indiquant de bonnes habiletés de menta-
lisation et de tolérance des émotions. Elle semble
adopter une attitude positive face à cette tristesse :
elle dit avoir hâte que son deuil se termine, mais
que la tristesse lui fait du bien malgré tout. Elle
manifeste avoir parfois l’envie de ne voir personne
et de rester seule ou avec son conjoint, sans que ce
retrait ne devienne source d’isolement et d’apathie.
« J’pleure beaucoup. Ben, pas vraiment envie de voir
personne. Mais plus dans l’sens euh… pas dans l’sens
déprimée, mais plus dans l’sens de l’introvertie qui,
qui veut rester toute seule, quoi. »
Mélanie dit donc tolérer la tristesse, se donner le
droit d’ignorer le monde externe pendant cette
période, et en proter pour prendre soin d’elle. Elle
afrme également se donner davantage le droit de
demander de l’aide aux autres pendant son deuil.
Son fonctionnement au travail semble peu altéré.
En effet, elle dit être capable de se centrer sur la
tâche lorsqu’un client se présente. Enn, elle recon-
naît que le deuil soit difcile mais elle a conance
que les choses se replaceront avec le temps qui
passe, même si elle ne se fait pas d’illusions quant au
fait que tout ne redeviendra pas tout à fait comme
avant. Cette vignette illustre donc comment une
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Modèle intégratif des processus émotionnels du deuil et ses implications sur le processus thérapeutique
213
personne vit un deuil résilient : par une tristesse
contenue, tolérable et venant par vagues de courte
durée, entre lesquelles elle fonctionne normale-
ment. On ne retrouve dans l’exemple de Mélanie
aucune détresse ni dépression ; la séquence d’une
phase de protestation suivie par une phase de déses-
poir ne s’applique donc pas. Ceci ne veut pas dire
qu’il n’y ait aucune souffrance dans la forme de tris-
tesse qu’elle vit, elle est simplement plus facilement
contenue et mentalisée.
Implications cliniques
La question « le deuil est-il une maladie ? » (Engel,
1961 ; Zisook et Shear, 2009) n’aurait donc pas
de réponse simple. En effet, un deuil peut sus-
citer un état dépressif dans une minorité de cas
(Bonanno et Kaltman, 2001). Dans la majorité
des cas, cependant, le deuil est un processus tolé-
rable, même si parfois douloureux et difcile à vivre
(Briand-Malenfant et al., 2010). Aussi, il n’existe
pas deux deuils qui soient identiques (Bonanno et
Kaltman, 2001).
Toutefois, bien que tous les deuils soient uniques
et dépendent d’une multitude de facteurs (person-
nalité, culture, âge, expériences de perte passées,
lien avec la personne, circonstances de la mort,
degré de préparation à la mort, etc.) (Zisook et
Shear, 2009), il semble qu’il soit possible de les situer
dans le spectre de ce modèle en continuum entre
un deuil résilient et un deuil pathologique. Le deuil
résilient, bien que souffrant, est habituellement
tolérable et ne requiert pas de traitement puisque,
contrairement au deuil pathologique, la personne
y est capable de réguler sa tristesse, seule ou avec
un peu de soutien social. Aussi, cette tristesse est
vécue comme ayant un sens et étant nécessaire
et tolérable, même si elle est désagréable (Briand-
Malenfant et al. 2010 ; Zisook et Shear, 2009).
Dans le deuil pathologique, on peut plutôt
observer un décit dans les capacités de régula-
tion émotionnelle. Dans une perspective clinique,
ce décit peut nécessiter un traitement puisque la
dépression peut potentiellement se prolonger durant
plusieurs mois (Briand-Malenfant et al., 2010 ;
Zisook et Shear, 2009). Ainsi, la personne souffrant
d’un deuil pathologique pourrait proter d’une thé-
rapie où elle développerait une capacité à tolérer
et mentaliser ses affects dysphoriques débordants
(Fonagy et Bateman, 2008). Le thérapeute aiderait
la personne à contenir ces expériences intolérables,
ce qui faciliterait la tâche d’accepter et faire sens de
la perte (Briand-Malenfant et al., 2010 ; Casement,
1985 ; Winnicott, 1989). Les affects dysphoriques
qui ne sont pas contenus par la personne seraient
donc partiellement identiés et traités en séance,
en présence du thérapeute et avec son aide (Briand-
Malenfant et al., 2010). Il est donc important pour
le thérapeute de savoir différencier les qualités dis-
tinctes des expériences affectives et émotions qui
suivent la perte, puisque le traitement sera orien
en conséquence. Un thérapeute en présence d’une
personne vivant de la tristesse aura davantage
à interpréter le matériel émotionnel et sa signi-
cation, alors qu’en présence d’une personne en
détresse, il devrait davantage contenir l’affect et
éventuellement aider à tolérer la perte (Briand-
Malenfant et al., 2010 ; Casement, 1985 ; Lecours,
2016 ; Winnicott, 1989).
Conclusion
En somme, le modèle présenté ici attribue à la
tristesse le même rôle que le font Freed et Mann
(2007) dans leur modèle de désengagement.
Ceux-ci stipulent en effet qu’elle aide à se détacher
du défunt et donc accepter la perte. Toutefois, le
fait de postuler que la tristesse se situerait dans la
phase de désespoir, suite à une phase de protesta-
tion, est questionnable (ibid.). Cette séquence pro-
testation-désespoir serait plutôt présente dans les
deuils pathologiques seulement, où l’on trouverait
respectivement la détresse et la dépression. Dans
les deuils résilients, c’est plutôt la tristesse qui serait
présente et qui viendrait par vagues de quelques
minutes plutôt que par périodes plus longues. La
tristesse aurait pour fonction d’aider à accepter la
perte, et donc d’en faire sens, alors que la dépression
serait le mécanisme d’extinction et de désinvestis-
sement pathologique suivant les comportements
d’impuissance face à la séparation intolérable de
l’être aimé, qui avait une fonction d’étayage pour
la personne (Arieti et Bemporad, 1980 ; Bonanno,
2010 ; Freed et Mann, 2007 ; Watt et Panksepp,
2009 ; Welling, 2003).
Les contributions de ce nouveau modèle à la
compréhension du deuil et des expériences affec-
tives liées à la perte sont multiples. Ainsi, il ajoute
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Psychothérapies
214
au modèle de Briand-Malenfant et ses collègues
(2010), qui vise à distinguer détresse et tristesse,
en ajoutant une distinction avec la dépression et
en intégrant et en positionnant ces expériences
affectives dans le contexte d’un modèle du deuil.
Il ajoute également aux contributions de Lecours
(2016) quant aux liens entre capacités de mentali-
sation et niveaux de souffrance, en mettant en lien
les rapports entre ces niveaux (agonie, détresse et
tristesse) et la perte dans le cadre du deuil. Une
autre de ses contributions majeures est d’aider à
démanteler l’application normative du modèle d’at-
tachement dans le deuil qui est régulièrement pris
pour acquis dans la littérature comme prémisse
sous-tendant tout deuil. Finalement, il propose une
nouvelle conguration du deuil qui se dégage des
modèles de l’attachement, du travail de deuil freu-
dien et des modèles par stades, qui sous-tendent la
vaste majorité des explications du deuil, sans qu’ils
sufsent pourtant à la fois à décrire, situer et com-
prendre tous les processus associés à la perte.■
(Article reçu à la Rédaction le 28.5.2019)
There is confusion between emotional processes involved in pathological mourning, which are
over-represented in literature, and those involved in resilient mourning. Sadness, a useful emotion
in resilient mourning, is badly distinguished from distress and depression, which are consequences
of pathological mourning. There is a link between mentalization capacities and the aptitude to ex-
perience sadness. A theoretical model that elaborates a continuum between resilient and pathological mourning is
explained. This model questions the idea that phases of protest and despair as observed in the theory of attachment and
used in the conceptualization of the emotional process of mourning apply as much to resilient as to pathological
mourning. Implications for psychotherapy are discussed.
Bibliographie
Abraham K. (1924) : A short story of the development of
the libido, viewed in the light of mental disorders. In : K.
Abraham : Selected papers on psychoanalysis. New York :
Basic Books.
Ainsworth M. D. S., Bell S. M. (1970) : Attachment, explora-
tion, and separation : Illustrated by the behavior of one-
year-olds in a strange situation. Child Development, 49-67.
doi :10.2307/1127388
Allen J. G., Fonagy P., Bateman A. W. (2008) : Mentalizing in cli-
nical practice. American Psychiatric Pub.
American Psychiatric Association (2013) : Diagnostic and sta-
tistical manual of mental disorders (DSM-5®). American
Psychiatric Pub.
Archer J. (2003) : The nature of grief : The evolution and psycho-
logy of reactions to loss. London, Routledge.
Arieti S., Bemporad J. R. (1980) : The psychological organiza-
tion of depression. The American Journal of Psychiatry. doi :
10 .117 6 /ajp.137.11.13 6 0
Bacqué M. F. (2007) : L’un sans l’autre – Psychologie du deuil et
des séparations. Paris, Larousse.
Barr R. G., Hopkins B., Green J. A. (2000) : Crying as a sign,
a symptom, and a signal : Clinical, emotional and deve-
lopmental aspects of infant and toddler crying. Clinics of
Development Medicine, 152.
Beck A. T. (1976) : Cognitive therapy and the emotional disorders.
New York, International Universities Press.
Beck A. T., Greenberg R. L. (1984) : Cognitive therapy in the
treatment of depression, in : Foundations of cognitive therapy
(pp. 155-178). New York, Springer.
Beck A. T., Steer R. A., Brown G. K. (1996) : Beck depression
inventory-II. San Antonio, 78 (2 ) : 490 -498.
Bergeret J. (1970) : Les états limites. Rev. Fr. Psychanal, 34 :
601-6 33.
Blatt S. J. (1974) : Levels of object representation in anaclitic and
introjective depression. The Psychoanalytic Study of the
Child, 29 (1) : 107-157. doi : 10.1080/00797308.1974.11822616
Blatt S. J. (1995) : The destructiveness of perfectionism : implica-
tions for the treatment of depression. American Psychologist,
50 (12) : 1003-1020. doi :10.1037/00 03-066x.50.12.1003
Blatt S. J. (2004) : Experiences of depression : Theoretical, cli-
nical, and research perspectives. New York, American
Psychological Association.
Bleichmar H. (2010) : Rethinking psychopathological mourning :
multiple types and therapeutical approaches. Psychoanalytic
Quarterly, 79 (1) : 71-94.
Bonanno G. A. (2010) : The other side of sadness : What the new
science of bereavement tells us about life after loss. New
York, Basic Books.
Bonanno G.A., Goorin L., Coifman K.G. (2008) : Sadness and
Grief, in : M. Lewis, J. Haviland-Jones, L.F. Barrett (dir.) :
Handbook of Emotions (3rd ed., pp. 797-810), New York,
Guilford Press.
Bonanno G.A., Kaltman S. (2001) : The varieties of grief expe-
rience. Clinical Psychology Review, 21 (5) : 705-734.
doi :10.1016/S0272-7358(00 )00062-3
Bonanno G .A., Westphal M., Mancini A.D. ( 2011) : Resilience to loss
and potential trauma. Annual Review of Clinical Psychology,
7 : 511-535. doi : 10.1146/annurev-clinpsy-032210-104526
Bourgeois-Guérin V. (2015) : Deuil ou dépression ? Réflexion cri-
tique sur la définition de la dépression du DSM 5. Frontières,
26 (1). doi : 10.7202/1034388ar
Bowlby J. (1980) : Attachment and Loss. New York, Basic Books.
Summary
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Modèle intégratif des processus émotionnels du deuil et ses implications sur le processus thérapeutique
215
Briand-Malenfant R., Lecours S., Deschenaux E. (2010) : La
capacité d’être triste : implications pour la psychothérapie
psychanalytique. Psychothérapies, 30 (4 ) : 191-201. doi :
10.3917/p sys.104.0191
Briand-Malenfant R., Lecours S., Deschenaux E. (2012) : What
does sadness mean to BPD patients ? Journal of Personality
Disorders, 26 (6) : 939-955. doi : 10.1521/pedi.2012.26.6.939
Carlson M. (2008) : I’d rather go along and be considered a
man : Masculinity and bystander intervention. The Journal of
Men’s Studies, 16 (1) : 3-17. doi : 10.3149/jms.1601.3
Casement P. (1985) : À l’écoute du patient. Paris, PUF.
Ciarrochi J. V., Forgas J. P., Mayer J. (2006) : Emotional intelli-
gence : A scientific approach. Philadelphia, Psychology Press.
Couët-Garand A., Lecours S. (2019) : Une investigation phéno-
ménologique d’une forme adaptative de tristesse chez des
adultes vivant un deuil résilient suite à la perte d’un parent.
Manuscrit soumis pour publication.
Eisenberger N. I., Lieberman M. D. (2004) : Why rejection hurts :
a common neural alarm system for physical and social pain.
Trends in Cognitive Sciences, 8 (7) : 294-300. doi : 10.1016/j.
tics.2004.05.010
Engel G. L. (1961) : Is Grief a Disease ? : A Challenge for Medical
Research. Psychosomatic Medicine, 23 (1) : 18-22. doi :
10.1097/00006842-196101000-00002.
Feather N. T., Davenport P. R. (1981) : Unemployment and
depressive affect : A motivational and attributional analysis.
Journal of Personality and Social Psychology, 41 (3 ) : 422.
doi : 10.1037/ 0022-3514.41.3.422
Fonagy P., Bateman A. (2008) : The development of border-
line personality disorder – A mentalizing model. Journal of
Personality Disorders, 22 (1) : 4-21.
Forgas J. P. (Ed.) (2006) : Affect in social thinking and behavior.
New York, Psy chology Press.
Forgas J. P. (2014) : Can Sadness Be Good for You ? : On
the Cognitive, Motivational, and Interpersonal Benefits of
Negative Affect, in : The Positive Side of Negative Emotions
(p p. 3-3 6 ). do i : 10.1111/ ap.12232
Fox K. (2004) : The Kleenex® for Men Crying Game Report : a
study of men and crying. Social Issues Research Centre,
September Notes.
Freed P. J., Mann J. J. (2007) : Sadness and loss : Toward a neu-
robiopsychosocial model. American Journal of Psychiatry,
164 (1) : 28 -34.
Freud S. (1917) : Mourning and melancholia. Standard Edition 14 :
23 7-25 8 .
Granek L. (2010) : Grief as pathology : The evolution of grief
theory in psychology from Freud to the present. History of
Psychology, 13 (1) : 46. doi : 10.1037/a0016991
Hoover-Dempsey K. V., Plas J. M., Wallston B. S. (1986) : Tears
and weeping among professional women : In search of new
understanding. Psychology of Women Quarterly, 10 (1) :
19 - 3 4. d o i : 10 .1111/ j .1471- 6 4 0 2.198 6 .tb 0 0 73 4 . x
Horowitz M. J., Siegel B., Holen A., Bonanno G. A., Milbrath C.,
Stinson C. H. (2003) : Diagnostic criteria for complicated grief
di s order. Focus, 1 (3) : 290-298. doi : 10.1176/foc.1.3.290
Izard C. E. (1991) : The psychology of emotions. New York,
Springer Science et Business Media.
Izard C.E. (2000) : Sadness, in : A. E. Kazdin (Ed.) : Encyclopedia
of Psychology, Vol. 7 (pp. 137-138). Oxford, Oxford
University Press.
Jacobson E. (1971) : Depression. New York, International
Universities Press.
Klinger E. (1975) : Consequences of commitment to and disen-
gagement from incentives. Psychological Review, 82 (1) : 1.
doi : 10.1037/h0076171
Lazarus R. S. (1991) : Emotion and adaptation. Oxford, Oxford
University Press.
Lecours S. (2001) : Mentalisation des affects et dépression.
Revue Francaise de Psychiatrie et de Psychologie Médicale,
5 (49) : 43 -48.
Lecours S. (2005) : Niveaux de fonctionnement mental et psy-
chothérapie psychanalytique. Psychothérapies, 25 (2) :
91-100. doi : 10.3917/psys.052.0091
Lecours S. (2016) : Niveaux de mentalisation de la souf-
france en clinique : agonie, détresse, et tristesse adapta-
tive. Revue Québécoise de Psychologie, 37 (3 ) : 235 -257.
doi : 10.7202/1040169ar
Lecours S., Bouchard M. A. (2011) : Verbal elaboration of dis-
tinct affect categories and BPD symptoms. Psychology
and Psychotherapy : Theory, Research and Practice, 84 (1) :
26-41. doi : 10.1111/j.2044-8341.2010.02006.x
Lobb E. A., Kristjanson L. J., Aoun S. M., Monterosso L., Halkett
G. K., Davies A. (2010) : Predictors of complicated grief : A
systematic review of empirical studies. Death Studies, 34 (8 ) :
673-6 98. doi : 10.108 0/07481187.2010.49 668 6
Nesse R. M. (2000) : Is depression an adaptation ? Archives of
General Psychiatry, 57 (1) : 14-20. doi : 10.1001/archpsyc.57.1.14
Panksepp J. (2004) : Affective neuroscience : The foundations
of human and animal emotions. Oxford, Oxford University
Press.
Panksepp J., Knutson B., Burgdorf J. (2002) : The role of brain
emotional systems in addictions : a neuro-evolutionary pers-
pective and new “self-report” animal model. Addiction, 97
(4) : 459-469. doi : 10.1046/j.1360-0443.2002.00025.x
Parkes C. M. (2001) : A historical overview of the scientific study of
bereavement, in : M. S. Stroebe, R. O. Hansson, W. Stroebe,
H. Schut (Eds.) : Handbook of bereavement research :
Consequences, coping, and care (pp. 25-45). Washington,
DC, US : American Psychological Association. doi :
10.1037/10 436 -001
Parkes C. M. (2003) : Attachment patterns in childhood :
Relationships, coping and psychological state in adults
seeking psychiatric help after bereavement. Unpublished
manuscript.
Rando S. (1928) : The problem of melancholia. The International
Journal of Psycho-Analysis, 9 : 420.
Rando T. A., Doka K. J., Fleming S., Franco M. H., Lobb E.
A., Parkes C. M., Steele R. (2012) : A call to the field :
Complicated grief in the DSM-5. OMEGA-Journal of Death
and Dying, 65 (4) : 251-255. doi : 10.2190/OM.65.4.a
Reis S., Grenyer B. F. (2002) : Pathways to anaclitic and intro-
jective depression. Psychology and Psychotherapy :
Theory, Research and Practice, 75 (4) : 445-459. doi :
10 .13 48/1476 0830 2 3 211519 3 4
Sedikides C., Wildschut T., Arndt J., Routledge C. (2006) : Affect
and the self, in : J.P. Forgas (ed.) : Affect in Social Thinking
and Behavior : Frontiers in Social Psychology ( p p. 197-215 ) .
New York, Taylor & Francis Group.
Seligman M. E. (1975) : Helplessness : On depression, develop-
ment, and death. A serie of books in psychology. New York,
WH Freeman/Times Books/Henry Holt & Co.
Shaver P. R., Tancredy C. M. (2001) : Emotion, attachment, and
bereavement : A conceptual commentary, in :.M. S. Stroebe,
R. O. Hansson, W. Stroebe, H. Schut (Eds.) : Handbook of
bereavement research : Consequences, coping, and care
(pp. 63-88). Washington, DC, US, American Psychological
Association. doi : 10.1037/10436-003
Soltis J. (2004) : The signal functions of early infant
crying. Behavioral and Brain Sciences, 27 (4) : 443 -458. d oi :
10.1017/S0140525X0400 010X
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Psychothérapies
216
Stroebe M. S., Hansson R. O., Stroebe W., Schut H. (Eds.) (2001) :
Handbook of bereavement research : Consequences, coping,
and care. Washington, DC, US : American Psychological
Association. doi : 10.1037/10436-000
Stroebe M., Gergen M. M., Gergen K. J., Stroebe W. (1992) :
Broken hearts or broken bonds : Love and death in historical
perspective. American Psychologist, 47 (10) : 1205-1212. do i :
10 .1037/ 00 0 3 - 066X . 47.10.12 0 5
Stroebe M., Schut H., Stroebe W. (2005) : Attachment in Coping
With Bereavement : A Theoretical Integration. Review of
General Psychology, 9 (1) : 48. doi : 10.1037/1089-2680.9.1.48
Taylor, G. J. (1984). Alexithymia : Concept, measurement,
and implications for treatment. The American Journal of
Psychiatry, 141(6) : 725-732. doi : 10.1176/ajp.141.6.725
Taylor G. J., Bagby R. M., Parker J. D. A. (Eds.) (1997) : Disorders
of affect regulation. Cambridge, Cambridge University Press.
Watt D. F., Panksepp J. (2009) : Depression : An evolutionarily
conserved mechanism to terminate separation distress ?
A review of aminergic, peptidergic, and neural network
perspectives. Neuropsychoanalysis, 11 (1) : 7-51. doi :
0.1080/15294145.2009.10773593
Welling H. (2003) : An evolutionary function of the depressive reac-
tion : the cognitive map hypothesis. New Ideas in Psychology,
21 (2) : 147-156. doi : 10.1016/S0732-118X(03)00017-5
Winnicott D. W. (1989) : Holding and interpretation : Fragment of
an analysis (No. 115). New York, Grove Press.
Zisook S., Shear K. (2009) : Grief and bereavement : what psy-
chiatrists need to know. World Psychiatry, 8 (2 ) : 67-74. doi :
10.1002/j.2051-5545.2009.tb00217.x
Correspondance
Alexandre Couët-Garand
5552 9e avenue, Montréal,
Québec, Canada, H1Y 2J8
alexandre.couet-garand@umontreal.ca
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.200.148.166 - 03/02/2020 21:49 - © Médecine & Hygiène
Article
Le deuil est une réalité délicate que nous avons à cœur de circonscrire, d’analyser et de préciser. Si ses affects se combinent et se chevauchent sans ordonnance précise (Sauteraud, 2018), ils expriment pourtant quelque chose du processus évolutif vécu par les personnes endeuillées. Analogues au « pathos » compris dans sa plus pure étymologie (Mathieu-Castellani, 2000), ces affects ou émotions induisent un champ heuristique unique. Notre article se propose donc d’analyser ces « états de l’âme sensible » (Mathieu-Castellani, 2000) à partir de l’émotion de la tristesse et sous deux angles complémentaires. Premièrement, en considérant son mouvement dialectique. Deuxièmement, en appréciant sa résonance téléologique. Dès lors, le cadre épistémologique de la première partie de notre article associera philosophie du vivant et philosophie première. Et parce que la deuxième partie de l’article appliquera ce cadre conceptuel à la dynamique d’accompagnement de ces personnes endeuillées, elle admettra, quant à elle, une prégnance plus éthique.
Article
Full-text available
Psychological theories and practices frequently neglect the extent to which their subject matter is historically and culturally defined. This issue is explored in the context of theories and therapies related to bereavement. Contemporary orientations emphasize the importance of breaking bonds with the deceased and the return of survivors to autonomous lifestyles. Placing this orientation in cultural and historical context reveals that it is largely a product of a modernist worldview. Within the romanticist ethos of the preceding century, such breaking of bonds would destroy one's identity and the meaning of life. In light of contemporary variations in subcultural meanings and values, a postmodern view is suggested in which reflexive responsibility is focal.
Article
Full-text available
Hypothesized on the basis of expectancy/valence theory that the negative affect that follows failure to obtain employment will be stronger among those individuals who are more strongly motivated to seek employment than among those who are less motivated. This hypothesis was tested by administering a questionnaire to 212 unemployed youth (mean age 19.76 yrs). Consistent with the hypothesis, results show that Ss who indicated in their ratings that they were highly motivated to get a job also provided higher ratings of depressive affect. Those Ss with higher levels of depressive affect were less likely to blame themselves for their unemployment and more likely to blame external difficulties, such as the current economic situation. They also provided higher ratings of the valence or perceived attractiveness of work itself. Their retrospective ratings concerning how confident they were of getting a job on leaving school and how much they needed and tried for a job also tended to be higher than those of the less depressed Ss. Results are discussed in relation to the expectancy/valence approach, A. T. Beck's (1967, 1976, 1979) theory of depression, helplessness theory of depression, and recent discussions of cognitive–affect linkages that employ attribution concepts. (47 ref)
Book
The Nature of Grief is a provocative new study on the evolution of grief. Most literature on the topic regards grief either as a psychiatric disorder or illness to be cured. In contrast to this, John Archer shows that grief is a natural reaction to losses of many sorts, even to the death of a pet, and he proves this by bringing together material from evolutionary psychology, ethology and experimental psychology. This innovative new work will be required reading for developmental and clinical psychologists and all those in the caring professions.