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Migrations internes et santé à Dakar (Sénégal). Comparaison de l’autoévaluation de la santé, de l’hypertension artérielle et de l’obésité des migrants internes et des personnes originaires de Dakar

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L'objectif de cet article est de comparer les prévalences d'hypertension et d'obésité ainsi que l'autoévaluation de la santé des migrants internes et des populations originaires de Dakar en tenant compte de la durée de résidence et de l'insertion socio-économique des migrants. L'échantillon de population, représentatif de la population du département de Dakar, comprend 600 individus. Les caractéristiques sociodémographiques, le statut de migrant, la durée de résidence à Dakar, l'autoévaluation de la santé, l'hypertension artérielle (HTA), le poids et la taille des individus ont été recueillis. Les analyses statistiques utilisées sont des tests du Chi2 et des régressions logistiques binaires. Les résultats obtenus montrent que le statut de migrant n'est pas lié aux variables utilisées lors de cette étude afin d'évaluer l'état de santé des individus. Par contre, toutes choses égales par ailleurs, la durée de résidence à Dakar l'est : les personnes originaires des villes secondaires et du milieu rural, ont significativement moins de risques d'être affectées d'HTA et d'être obèses lorsqu'elles vivent à Dakar depuis moins de dix ans. Contrairement au statut migratoire, la durée d'exposition à l'environnement urbain et les changements de mode de vie qui y sont associés déterminent l'apparition de l'HTA et de l'obésité. Par contre, ils ne conditionnent pas l'autoévaluation de la santé, connue pour être corrélée à l'état de santé réel des individus
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ARTICLE / ARTICLE
Migrations internes et santé à Dakar (Sénégal). Comparaison
de lautoévaluation de la santé, de lhypertension artérielle et de lobésité
des migrants internes et des personnes originaires de Dakar
Internal migrations and health in Dakar (Senegal). Comparison of self-rated health, hypertension
and obesity between internal migrants and dakarites
P. Duboz · E. Macia · L. Gueye · N. Chapuis-Lucciani
Reçu le 10 février 2010 ; accepté le 6 septembre 2010
© Société danthropologie de Paris et Springer-Verlag France 2011
Résumé Lobjectif de cet article est de comparer les préva-
lences dhypertension et dobésité ainsi que lautoévaluation
de la santé des migrants internes et des populations originaires
de Dakar en tenant compte de la durée de résidence et
de linsertion socio-économique des migrants. Léchantillon
de population, représentatif de la population du département
de Dakar, comprend 600 individus. Les caractéristiques
sociodémographiques, le statut de migrant, la durée de rési-
dence à Dakar, lautoévaluation de la santé, lhypertension
artérielle (HTA), le poids et la taille des individus ont été
recueillis. Les analyses statistiques utilisées sont des tests du
Chi
2
et des régressions logistiques binaires. Les résultats
obtenus montrent que le statut de migrant nest pas lié aux
variables utilisées lors de cette étude afin dévaluer létat
de santé des individus. Par contre, toutes choses égales par
ailleurs, la durée de résidence à Dakar lest : les personnes
originaires des villes secondaires et du milieu rural, ont signi-
ficativement moins de risques dêtre affectées dHTA et dêtre
obèses lorsquelles vivent à Dakar depuis moins de dix ans.
Contrairement au statut migratoire, la durée dexposition à
lenvironnement urbain et les changements de mode de vie
qui y sont associés déterminent lapparition de lHTA et de
lobésité. Par contre, ils ne conditionnent pas lautoévaluation
de la santé, connue pour être corrélée à létat de santé réel
des individus. Pour citer cette revue : Bull. Mém. Soc.
Anthropol. Paris 23 (2011).
Mots clés Anthropologie biologique · Migrations internes ·
Santé · Hypertension artérielle · Obésité · Sénégal
Abstract This article compares self-rated health and the
actual prevalence of high blood pressure and obesity among
Dakars internal migrants and native inhabitants, according
to how long they have resided in Dakar and their level of
socio-economic integration. Based on survey data from a
representative sample of Dakars population, comprising
600 individuals, we analyzed the links between migration
and health. The socio-demographic characteristics, migration
status, time of residence in Dakar, self-rated state of health,
blood pressure, weight and waist size of individuals were col-
lected during face-to-face interviews. The statistical analyses
were performed with Chi square tests and binary logistic
regressions. The results show that there is no link between
migration status and the variables used here to assess the
health status of individuals, but that, all other factors being
equal, the reverse is true for the duration of residence in
Dakar: people from secondary towns and rural areas are signi-
ficantly less likely to develop high blood pressure or to
become obese if they have lived in Dakar for less than
10 years. The length of exposure to the urban environment
and associated changes in lifestyle, and not migration status,
seem to be the determining factors in the appearance of high
blood pressure and obesity. However, the duration of resi-
dence is not linked to self-rated health, which is known to be
correlated with the real state of health of individuals. To cit e
this journal: Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris 23 (2011).
Keywords Biological anthropology · Internal migrations ·
Health · Hypertension · Obesity · Senegal
Introduction
Au Sénégal, comme dans la majorité des pays [1], les flux de
population les plus importants ne sont pas internationaux,
mais bien ceux amenant des individus à migrer à lintérieur
de leur propre pays, notamment vers le milieu urbain [2].
P. Duboz (*) · E. Macia · L. Gueye · N. Chapuis-Lucciani
UMI 3189 environnement, santé, sociétés,
CNRS/université Cheikh-Anta-Diop/université de Bamako/CNRST,
laboratoire de physiologie exploratoire et fonctionnelle,
faculté de médecine de Dakar, université Cheikh-Anta-Diop,
Dakar, Sénégal
e-mail : prisciduboz@yahoo.fr
Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris (2011) 23:83-93
DOI 10.1007/s13219-010-0029-4
Cependant, rares sont les études qui analysent limpact du
changement denvironnement associé à la migration interne
sur la santé des individus. La majorité des travaux porte en
effet sur les différences de santé entre milieux urbains et
ruraux. Ainsi, dans les pays en développement, la mortalité
apparaît nettement plus élevée en milieu rural quen milieu
urbain [3,4]. Par contre, concernant les maladies chroniques,
linverse est généralement observé [5]. Du point de vue de la
santé des migrants internes, la durée dexposition à lenvi-
ronnement urbain semble conditionner lapparition de mala-
dies chroniques telles que lhypertension artérielle (HTA) et
le diabète [6]. Cependant, au Sénégal, pour le moment
aucune étude comparative entre létat de santé et les préva-
lences de maladies chroniques des migrants internes et leurs
populations daccueil na été menée.
Migrations internes
Selon le rapport mondial sur le développement humain de
2009, les flux de population les plus importants sont ceux
amenant des individus à migrer à lintérieur de leur propre
pays. Ce rapport estime à environ 740 millions le nombre de
migrants internes, soit près de quatre fois celui des migrants
internationaux. Ces migrations internes seffectuent le plus
souvent sur de courtes distances et sont majoritairement
orientées vers le milieu urbain [1]. Selon le modèle de Harris
et Torado [7], la migration du milieu rural vers le milieu
urbain est liée aux avantages attendus par les migrants en
termes de revenus économiques. Dans cette perspective, la
migration interne est conçue comme un rapport coûts/béné-
fices et persiste tant que les déséquilibres économiques entre
milieux urbains et ruraux perdurent. Cependant, les limites
de ce modèle ont été démontrées par de nombreux auteurs,
pour qui la migration est davantage le fruit dune décision
collective des ménages qui, en envoyant un de leurs mem-
bres en milieu urbain, diminuent ainsi les risques économi-
ques associés aux crises du marché, courantes dans les pays
en développement [8]. Mais, même lorsque les effets des cri-
ses économiques sestompent, il apparaît que les différences
en termes déquipements collectifs, de structure de santé,
déducation, dinvestissements créateurs demplois rémuné-
rateurs non agricoles entre milieu urbain et milieu rural dans
les pays en développement contribuent à entretenir les migra-
tions à destination des capitales et des villes secondaires [9].
Au Sénégal, lun des phénomènes contemporains majeurs
consiste en laccentuation des déplacements à lintérieur du
pays [2] : les migrations à destination de la capitale, Dakar,
sont importantes et en 2002, 46,6 % des individus y habitant
étaient originaires dautres régions du Sénégal [10]. La situa-
tion économique et sociale des Dakarois reste largement plus
favorable que celle des autres Sénégalais. Vingt-sept pour
cent seulement des premiers nont aucun niveau dinstruc-
tion contre plus de la moitié des seconds (56,4 %), et 80,4 %
des logements urbains ont lélectricité contre 15,8 % des
logements ruraux [3]. Globalement, les équipements collec-
tifs sont nettement plus développés et fonctionnels à Dakar
que dans le reste du pays (eau, électricité, écoles, hôpitaux et
postes de santé). Cest pourquoi aujourdhui, il est possible
daffirmer quavec les différenciations croissantes entre
milieux urbains et ruraux, les migrations vers les villes
secondaires et la capitale sont devenues une composante
structurelle de léquilibre démographique au Sénégal. Il
faut cependant remarquer que la migration urbainrural et
la plurirésidentialité constituent de nouvelles tendances de
la migration interne au Sénégal. Les retours vers le milieu
rural et les migrations urbainrural en général sont
aujourdhui plus nombreux, et le nombre de ménages choi-
sissant la plurirésidentialité est en hausse, les principales
motivations étant la diversification des ressources économi-
ques disponibles et la réduction des coûts de la vie quoti-
dienne (beaucoup plus élevés à Dakar que dans le reste du
pays) [11,12].
Santé des populations rurales et urbaines
De nombreuses études ont été réalisées sur la comparaison
des indicateurs de santé en milieu urbain et rural. Dun point
de vue général, la mortalité est plus élevée en milieu rural
quen milieu urbain dans les pays développés [1316], de
même que dans les pays en développement [3,4]. Cela peut
être expliqué par différents facteurs favorables à la ville,
notamment économiques et sanitaires : les revenus moins
aléatoires que ceux du milieu rural, lassainissement, la
médecine préventive et la disponibilité des soins [17].
Dans les pays en développement, les études analysant
les différences entre milieux urbain et rural en termes de
maladies chroniques montrent un net avantage du second
par rapport au premier. Ainsi, de manière générale, Kaufman
et al. [5] indiquent quen Afrique subsaharienne, les taux
dhypertension sont plus faibles en milieu rural quen milieu
urbain. Dautres études menées sur les populations Zoulou
[18], camerounaise [19,20] et gambienne [21] soulignent
cette tendance. Elles indiquent également que la même répar-
tition géographique peut être observée concernant lobésité
chez les Zoulou, les Camerounais et les Gambiens. Malgré
quelques études indiquant que les taux dHTA sont compara-
bles entre milieux urbains et ruraux en Afrique subsaharienne
[6,22,23], la majorité des travaux montre que la population
rurale est globalement favorisée en termes de prévalence des
maladies chroniques en Afrique subsaharienne.
État de santé des migrants internes
dans le monde
Selon Roux et Van Tonder [24], la santé peut être associée à
différentes phases de la migration. Elle peut en effet être une
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condition préalable à la migration, lorsque cette dernière
est une migration de travail ; elle peut être la raison de la
migration (notamment chez les personnes âgées à la recher-
che de soins) ; enfin, elle peut être le résultat de la migration.
Dans ce dernier cas, un ensemble conséquent de facteurs
entre en jeu dans lévolution de létat de santé de lindividu.
La migration peut être caractérisée par un gain de santé
lorsquun meilleur équipement sanitaire et un accès aux
soins plus important caractérisent le lieu de destination du
migrant [25], mais également par une détérioration de la
santé lorsque les conditions dinsertion dans le milieu
daccueil sont défavorables [26].
La durée dexposition à lenvironnement urbain semble
conditionner, chez les migrants, lapparition de maladies
chroniques telles que lHTA et le diabète [6]. En effet, une
fois exposées à lenvironnement urbain, les populations
migrantes abandonnent leur alimentation traditionnelle et
remplacent cette dernière par une alimentation de type
occidental, caractérisée par une diminution de la quantité
de carbohydrates et une augmentation des graisses [27]. De
plus, lactivité physique, facteur protecteur de lapparition de
maladies chroniques [28], diminue en ville, au fur et à
mesure quaugmentent la proportion de travaux automatisés
et les possibilités de transport public [29]. Ces changements
de mode de vie ont un impact négatif sur la santé, notamment
en termes de prévalence dHTA, dobésité, de diabète et de
certains cancers [3033]. Ainsi, au Cameroun par exemple,
il a été démontré que la durée de résidence en milieu urbain
était liée à la prévalence de lobésité [20,34]. De même,
selon Steyn et al. [32,35], la durée dexposition à lurbani-
sation est un prédicteur indépendant de lapparition de
lHTA à Cape Town (Afrique du Sud).
État de la question au Sénégal
Aucune étude comparative entre létat de santé et les préva-
lences de maladies chroniques des migrants internes, de leurs
populations dorigine et daccueil (cest-à-dire, urbaines) na
été menée au Sénégal. Les seules informations disponibles
concernent pour le moment uniquement les populations
urbaines et rurales et non les populations migrantes. Dans
létude menée par lOrganisation mondiale de la santé
(OMS) [36], lautoévaluation de la santé des individus en
milieu rural ne différait pas significativement de celle des
individus du milieu urbain au Sénégal. Par ailleurs,
deux études de Kane et al. [37,38] ont permis destimer la
prévalence de lHTA à 25 % en milieu suburbain (Pikine) en
1995 et à 20 % en milieu rural en 1997. Cette même préva-
lence était de 21,7 % à Pikine en 1998 [39]. La seule étude
portant sur cette question tend donc à indiquer que la préva-
lence de lhypertension dans le milieu rural sénégalais est
moins élevée que celle existant en milieu urbain.
Calculées grâce à lindice de masse corporelle (IMC), les
prévalences de surpoids et dobésité chez les femmes sont
respectivement de 30,5 et 18,8 % dans la région de Dakar
[3]. Ce résultat récent corrobore les données recueillies à
Pikine, banlieue de Dakar, indiquant que 26,6 et 18,8 %
des femmes âgées de 20 à 50 ans étaient respectivement en
surpoids et obèses en 2004 [40]. À notre connaissance,
aucune étude na récemment été menée en milieu rural séné-
galais dans le but destimer les prévalences de surpoids et
dobésité. Cependant, lactivité physique étant nettement
plus importante en milieu rural [36] et lalimentation plus
conséquente quantitativement et plus riche en graisse en
milieu urbain [33], il est fort probable que, tout comme
dans les autres pays en développement, les prévalences de
surpoids et dobésité soient moins élevées en milieu rural
quen milieu urbain, au Sénégal.
Objectif de létude
Lobjectif de cet article est donc de comparer les prévalences
dhypertension et dobésité ainsi que lautoévaluation de la
santé des migrants internes et des populations originaires
de Dakar en tenant compte de la durée de résidence et de
linsertion socio-économique des migrants.
Matériels et méthodes
Échantillon de population
Des interviews en face à face ont été menées de janvier
2009 à mai 2009 à Dakar. Léchantillon de population
constitué lors de cette étude comprend 600 individus âgés
de 20 ans et plus. Cet échantillon a été construit selon la
méthode des quotas croisés, de façon à être représentatif
de la population du département de Dakar âgée de 20 ans
et plus, à partir des données de lAgence nationale de la
statistique et de la démographie (ANSD) datant du dernier
recensement. Les variables utilisées lors de la méthode des
quotas croisés étaient le sexe (hommes/femmes), lâge
(2029 ans / 3039 ans / 4049 ans / 50 ans et plus) et la
commune de résidence. Ces communes étaient regroupées
selon quatre arrondissements du département de Dakar :
PlateauGorée (cinq communes), Grand-Dakar (six com-
munes), Parcelles assainies (quatre communes) et Almadies
(quatre communes). La durée des entretiens variait de 30 à
45 minutes, selon la disponibilité et lenvie de parler des
personnes. Enfin, lobjectif de cette étude étant de comparer
les migrants internes et les populations originaires de
Dakar, les personnes nées à létranger ont été retirées
de léchantillon, portant leffectif de ce dernier à 568
individus.
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Variables étudiées
Les variables socio-économiques et démographiques recueil-
lies sont : lâge, le sexe, le lieu de naissance, le niveau
déducation, le bien-être matériel et, pour les migrants, la
duréederésidenceàDakar.
Conformément à la définition de lANSD du Sénégal, ont
été considérés comme migrants les individus nétant pas nés
à Dakar et y résidant depuis plus dun an. Parmi la popula-
tion migrante, deux groupes ont été distingués : le premier
comprend les individus nés dans une des villes secondaires
du Sénégal (Saint-Louis, Kolda, Louga, Ziguinchor, Tamba-
counda, Thiès, Diourbel, Fatick, Kaolack et Matam) et le
second, les individus nés en dehors de ces villes. Cette dis-
tinction a été effectuée, car les villes secondaires consti-
tuent, selon Pélissier [41], de par limportante croissance
quelles connaissent, un agent de diffusion des modèles
urbains, de modernisation mais également duniformisation,
et participent ainsi à l« urbanisation » des campagnes. Situées
aux carrefours des échanges commerciaux, elles sont deve-
nues le cœur des migrations circulaires et animent les liens
entre rural et urbain. De plus, la diffusion du modèle urbain
principal dans les villes secondaires incite à penser que les
modes de vie adoptés dans ces dernières pourraient favoriser
lémergence de maladies chroniques, telles que lhyperten-
sion, et de facteurs de risque, tels que lobésité. Cest pourquoi
la distinction entre migrants originaires du milieu rural et
originaires des villes secondaires est apparue nécessaire lors
de cette étude.
Afin destimer linsertion socio-économique des indivi-
dus dans la ville de Dakar et de pallier les biais généralement
liés au recueil des données portant sur le salaire mensuel des
individus, une question permettant destimer le bien-être
matériel subjectif des individus a été introduite dans le ques-
tionnaire : « Étant donné le revenu de votre ménage, vous
estimez que vous vivez : bien / ça va à peu près / ça va, mais
il faut faire attention / difficilement ». Notons enfin que cette
question a déjà été utilisée en Afrique de lOuest pour
évaluer les conditions matérielles des individus [42].
La pression artérielle a été mesurée grâce à un tensiomètre
de marque Omron
®
. Conformément aux recommandations
de lOMS, la mesure de la pression artérielle a été effectuée
après au moins cinq minutes de repos. Du point de vue médi-
cal, deux mesures sont nécessaires par consultation, au cours
de trois consultations successives sur une période de trois à
six mois pour asseoir le diagnostic dHTA. Cependant,
compte tenu de la difficulté à remplir ces conditions lors
des visites à domicile, nous avons arbitrairement réalisé
deux mesures en une visite, la première en début dentretien
et la seconde à la fin de cet entretien. Tous les participants
étaient confortablement assis sur une chaise, détendus,
les bras mis à nu et soutenus, le brassard aux dimensions
adaptées, placé au niveau du cœur. La première mesure sest
faite aux deux bras afin déliminer une anisotension, et cest la
valeur de la mesure de fin dentretien qui a été retenue.
Conformément aux classifications de lOMS, les indivi-
dus présentant une pression systolique supérieure ou égale
à 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique
supérieure ou égale à 90 mmHg ont été considérés comme
hypertendus, de même que les personnes sous traitement
antihypertensif prescrit par un médecin.
Le poids a été mesuré avec un pèse-personne mécanique
de marque Soehnle
®
. La taille a été mesurée à laide dune
toise métallique. Pour la mesure de la taille, le sujet devait se
placer au « garde-à-vous », bras pendants, talons joints sans
chaussures. La tête, légèrement relevée, sappuyait contre la
toise, le regard était dirigé vers lhorizon. Lobésité a été
déterminée selon le calcul de lIMC, qui correspond à la
division du poids (en kg) de lindividu par le carré de la taille
(en centimètres). Ainsi, les personnes ayant un IMC supé-
rieur ou égal à 30 kg/m
2
ont été considérées comme obèses ;
celles ayant un IMC compris entre 25 et 29,9 kg/m
2
ont été
définies comme étant en surcharge pondérale ; et celles ayant
un IMC inférieur à 18,5 kg/m
2
comme maigres. La « norma-
lité » est ainsi définie par des valeurs dIMC situées entre
18,5 et 24,9 kg/m
2
.
Enfin, corrélée à létat de santé des individus [43],
lautoévaluation de la santé est connue pour être un prédicteur
de la mortalité [44]. Lautoévaluation de la santé des indivi-
dus a été évaluée par la question suivante : « Estimez-vous
que votre santé est : excellente / bonne / assez bonne / mau-
vaise / médiocre ? ». Afin de permettre lobtention de
sous-effectifs suffisants du point de vue statistique, les moda-
lités positives (excellente / très bonne / bonne) et négatives
(mauvaise / médiocre) ont été regroupées lors des analyses.
Analyses statistiques
Les dossiers constitués sur ordinateur à partir des 600 ques-
tionnaires recueillis ont été entrés dans leur forme initiale
puis codés sur une fiche Excel (version 2003). Le logiciel
SPSS (version 16.0) a été utilisé pour la réalisation de tests
du Chi
2
. Il a également servi à la réalisation de régressions
logistiques binaires. Les résultats ont été considérés comme
significatifs lorsque p< 0,05.
Résultats
Caractéristiques socio-économiques et démographiques
Notre échantillon représentatif de la population dakaroise
compte 45,1 % de migrants. Parmi ces derniers, 103 sont
nés dans une ville secondaire et 153 en milieu rural. Le
nombre dhommes et de femmes dans chaque catégorie de
population (non-migrante, migrante originaire des villes
86 Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris (2011) 23:83-93
secondaires, migrante originaire du milieu rural) est compa-
rable (Tableau 1). Par contre, les migrants originaires des
villes secondaires et du milieu rural sont significativement
plus âgés que les personnes originaires de Dakar.
Concernant le niveau déducation, quasiment la moitié
des migrants originaires du milieu rural na suivi aucune
année détude (46 %), alors que ce nest le cas que de
27 % des migrants des villes secondaires et de 11 % des
individus originaires de Dakar. La tendance inverse peut
être observée concernant le cycle universitaire. Globale-
ment, les migrants dorigine rurale présentent donc un
niveau déducation moindre par rapport aux originaires de
Dakar, les personnes originaires des villes secondaires se
situant entre les deux.
Dans lensemble, 34 % des migrants résident à Dakar
depuis moins de dix ans, alors que 21,9 % y résident depuis
10 à 19 ans et que la majorité, soit 44,1 % des migrants, y
résident depuis plus de 20 ans. La durée de résidence à Dakar
diffère significativement en fonction du lieu de naissance.
En effet, les personnes nées en milieu rural sont plus
nombreuses à être installées à Dakar depuis au moins dix
ans, alors que la durée de séjour de celles nées dans les villes
secondaires est plus courte (zéro à neuf ans).
Enfin, les migrants dorigine rurale sont les plus nom-
breux à déclarer quétant donné le revenu de leur ménage,
ils vivent difficilement (37 %), alors quils ne sont que 6 % à
estimer « bien » vivre grâce à leurs revenus. Comme pour
le niveau déducation, les plus défavorisés en termes de
bien-être matériel sont donc les migrants dorigine rurale.
État de santé et maladies chroniques en fonction
du statut migratoire
Globalement, sur notre échantillon, la prévalence de lHTA
est de 27,11 %, celle du surpoids de 22,54 % et celle de
lobésité de 8,10 %. Les personnes évaluant leur santé
comme excellente, très bonne ou bonne représentent la
grande majorité (83,63 %), tandis que celles sévaluant en
médiocre ou mauvaise santé ne représentent que 16,4 % des
individus. Le Tableau 2 illustre la répartition de ces variables
selon le genre. Il apparaît que les hommes sont significative-
ment plus nombreux à évaluer leur santé positivement
(Chi
2
= 12,334 ; p< 0,001) et quils sont également signifi-
cativement plus nombreux à avoir un IMC normal ou à
être en situation de surpoids (Chi
2
= 22,411 ; p< 0,001).
Par contre, aucune différence nest observée selon le sexe
en termes de prévalence de lHTA (Chi
2
= 1,029 ; p> 0,05).
Comme illustré sur la Figure 1, le taux dhypertension
dans chaque catégorie de population est comparable.
Aucune différence significative na donc pu être mise en
Tableau 1 Répartition des variables sociodémographiques en fonction du statut migratoire (n= 568) / Socio-demographic variables
by migration status (n = 568)
Variables Catégories Lieu de naissance Total
Nombre
(%)
Chi
2
Dakar
Nombre (%)
Ville
secondaire
Nombre (%)
Milieu rural
Nombre (%)
Sexe Hommes 155 (49,68) 55 (53,40) 80 (52,29) 290 NS
Femmes 157 (50,32) 48 (46,60) 73 (47,71) 278
Âge 2029 ans 159 (50,96) 40 (38,83) 37 (24,18) 236 43,817 ;
p< 0,001
3039 ans 84 (26,92) 24 (23,30) 42 (27,45) 150
4049 ans 40 (12,82) 18 (17,48) 35 (22,88) 93
50 ans et plus 29 (9,29) 21 (20,39) 39 (25,49) 89
Niveau
déducation
Aucun 35 (11,22) 28 (27,18) 71 (46,41) 134 82,859 ;
p< 0,001
Primaire 109 (34,94) 16 (15,53) 29 (18,95) 154
1
er
cycle secondaire 62 (19,87) 20 (19,42) 16 (10,46) 98
2
e
cycle secondaire 46 (14,74) 22 (21,36) 19 (12,42) 87
Cycle universitaire 60 (19,23) 17 (16,50) 18 (11,76) 95
Durée de
résidence
09 ans 45 (43,69) 42 (27,45) 87 7,24 ;
p<0,05
1019 ans 19 (18,45) 37 (24,18) 56
20 ans et plus 39 (37,86) 74 (48,37) 113
Bien-être
matériel
Difficilement 71 (22,76) 21 (20,39) 58 (37,91) 150 23,369 ;
p< 0,005
Ça va mais il faut faire attention 92 (29,49) 20 (19,42) 31 (20,26) 143
Ça va, à peu près 108 (34,62) 48 (46,60) 54 (35,29) 210
Bien 41 (13,14) 14 (13,59) 10 (6,54) 65
Total 312 (100) 103 (100) 153 (100) 568
Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris (2011) 23:83-93 87
évidence entre migrants dorigine rurale, migrants originai-
res des villes secondaires et personnes originaires de Dakar,
concernant lhypertension (Chi
2
= 5,791 ; p> 0,05). La
même tendance peut être observée pour les autres indicateurs
de santé étudiés. Ainsi, les taux de surpoids et dobésité dans
les trois catégories de population sont comparables, de
même que le nombre de personnes évaluant leur santé
positivement (Tableau 3).
État de santé et maladies chroniques
en fonction de la durée de résidence à Dakar
Comme illustré sur la Figure 2, les résultats obtenus concer-
nant les liens entre durée de résidence à Dakar et HTA
indiquent que les personnes hypertendues sont surreprésen-
tées chez les migrants résidant à Dakar depuis plus de dix
ans (Chi
2
(3ddl) = 51,773 ; p< 0,001).
Par ailleurs, les individus migrants (originaires des villes
secondaires et du milieu rural) sont sous-représentés chez les
individus maigres (IMC < 18,5 kg/m
2
), alors que seuls les
migrants ayant passé moins de dix ans à Dakar sont sous-
représentés chez les obèses (IMC 30 kg/m
2
). Ces mêmes
personnes ainsi que les individus nés à Dakar sont sous-
représentés chez les personnes en surpoids (Chi
2
(9ddl) =
24,932 ; p< 0,01) (Fig. 3).
Enfin, aucune relation significative na pu être mise
en évidence concernant la durée de résidence à Dakar et
lautoévaluation de la santé (Chi
2
(3ddl) = 2,432 ; p>0,05).
Cette dernière est majoritairement positive quelle que soit la
durée de résidence : entre 80,5 et 87,5 % des individus
estiment être en excellente, très bonne ou bonne santé.
Les relations précédemment identifiées entre la durée de
résidence à Dakar et lHTA, dune part, et lIMC, dautre
part, ont été vérifiées grâce à une régression logistique
binaire prenant en compte les variables socio-économiques
et démographiques. Ce type danalyse est nécessaire, car
lâge peut par exemple représenter un facteur de confusion :
il est en effet corrélé à la durée de résidence à Dakar chez les
migrants, mais également à lHTA et à lobésité. Les résul-
tats des régressions logistiques binaires sont présentés dans
les Tableaux 4, 5.
Le fait de contrôler la relation entre durée de résidence
à Dakar et HTA par les variables socio-économiques et
démographiques étudiées (Tableau 4) montre quen réalité,
seules les personnes ayant résidé moins de dix ans à Dakar
présentent moins de risque dêtre hypertendues (OR = 0,253 ;
p< 0,005), quels que soient leur sexe, leur âge, leur niveau
détude et leur évaluation du bien-être matériel. Cest égale-
ment le cas des plus jeunes, les 2029 ans (OR = 0,067 ; p<
0,001), 3039 ans (OR = 0,130 ; p<0,001) et 4049 ans
Tableau 2 Répartition de lautoévaluation de la santé, de lhypertension artérielle (HTA) et de lindice de masse corporelle (IMC)
en fonction du genre (n= 568) / Self-rated health, hypertension and body mass index by gender (N = 568)
Variables Catégories Hommes Femmes Total
Nombre (%) Nombre (%) Nombre (%)
Autoévaluation
de la santé
Médiocre / mauvaise 32 (11,03) 61 (21,94) 93 (16,37)
Excellente / très bonne / bonne 258 (88,97) 217 (78,06) 475 (83,63)
HTA HTA206 (71,03) 208 (74,82) 414 (72,89)
HTA+ 84 (28,97) 70 (25,18) 154 (27,11)
IMC < 18,5 kg/m
2
28 (9,66) 43 (15,47) 71 (12,50)
18,524,9 kg/m
2
185 (63,79) 138 (49,64) 323 (56,87)
2529,9 kg/m
2
66 (22,76) 62 (22,30) 128 (22,54)
30 kg/m
2
11 (3,79) 35 (12,59) 46 (8,10)
Total 290 (100) 278 (100) 568 (100)
Fig. 1 Répartition des hypertendus en fonction du lieu de nais-
sance (n= 568) / Individuals with hypertension by birth location
(n= 568)
88 Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris (2011) 23:83-93
(OR = 0,324 ; p< 0,005), présentant significativement moins
de chances dêtre hypertendus que les 50 ans et plus.
Enfin, la régression logistique effectuée dans le but de
contrôler la relation entre IMC et durée de résidence à
Dakar par les variables socio-économiques et démographi-
ques (Tableau 5) montre que seuls les migrants résidant à
Dakar depuis moins de dix ans présentent moins de chances
dêtre obèses que les personnes originaires de Dakar (OR =
0,119 ; p< 0,05). Ainsi, les migrants habitant à Dakar depuis
dix ans et plus ne diffèrent pas significativement en termes
dobésité des personnes nées à Dakar, quels que soient
leur sexe, leur âge, leur niveau détude et leur évaluation
du bien-être matériel. Remarquons également que les
femmes ont quatre fois plus de chances dêtre obèses que les
hommes (p< 0,001), alors que les 2029 ans (OR = 0,068 ;
p< 0,001) et les 3039 ans (OR = 0,255 ; p< 0,005) ont
moins de chances de lêtre que les personnes âgées de
50 ans et plus.
Discussion
Les résultats obtenus lors de cette étude montrent que plutôt
que le statut migratoire des individus, cest en réalité la durée
de résidence à Dakar qui savère être un facteur prédicteur de
la prévalence de lHTA et de lobésité chez les migrants ins-
tallés à Dakar. Par ailleurs, aucune relation na pu être mise
en évidence entre le statut migratoire et lautoévaluation de
la santé, cette dernière nétant pas non plus liée à la durée de
résidence à Dakar.
Fig. 2 Répartition des hypertendus et non-hypertendus en fonc-
tion de la durée de résidence à Dakar (n= 568) / Individuals with
and without hypertension by length of residence in Dakar (n= 568)
Fig. 3 Répartition des différentes catégories dIMC (kg/m
2
)
en fonction de la durée de résidence à Dakar (n= 568) / BMI
categories (kg/m
2
) by length of residence in Dakar (n= 568)
Tableau 3 Répartition de lindice de masse corporelle (IMC) et de lautoévaluation de la santé en fonction du lieu de naissance
(n= 568) / Body mass index (BMI) and self-rated health by birth location (n = 568)
Variables Catégories Lieu de naissance Total Chi
2
Dakar
Nombre (%)
Ville secondaire
Nombre (%)
Milieu rural
Nombre (%)
IMC < 18,5 kg/m
2
48 (15,38) 9 (8,74) 14 (9,15) 71 NS
18,524,9 kg/m
2
175 (56,09) 59 (57,28) 89 (58,17) 323
2529,9 kg/m
2
62 (19,87) 27 (26,21) 39 (25,49) 128
30 kg/m
2
27 (8,65) 8 (7,77) 11 (7,19) 46
Autoévaluation
de la santé
Médiocre / mauvaise 47 (15,06) 19 (18,45) 27 (17,65) 93 NS
Excellente / très bonne / bonne 265 (84,94) 84 (81,55) 126 (82,35) 475
Total 312 (100,00) 103 (100,00) 153 (100,00) 568
NS : non significatif.
Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris (2011) 23:83-93 89
Situation socio-économique et démographique
des migrants internes à Dakar
La proportion de migrants internes au sein de léchantillon
étudié est de 45,07 %. Les migrants nés en milieu rural sont
plus nombreux que ceux originaires des villes secondaires.
Les caractéristiques socio-économiques des migrants ne
diffèrent pas de celles généralement observées dans la littéra-
ture. En effet, les migrants dorigine rurale sont plus nom-
breux que les autres catégories de population à navoir suivi
aucune année détude, et leur proportion diminue au fur et à
mesure que le niveau déducation augmente. Il semble par
contre que les migrants originaires des villes secondaires
soient globalement caractérisés par un niveau déducation
plus important. Sachant que ces derniers sont plus nombreux
à être installés à Dakar depuis moins de dix ans et quils
comptent une proportion plus importante de 2029 ans que les
migrants dorigine rurale, il est possible quune partie non
négligeable des migrants originaires des villes secondaires
ait migré à Dakar dans le but de poursuivre des études.
Tableau 4 Odds ratios ajustés sur le fait dêtre hypertendu (n= 568) / Adjusted odds ratio for hypertension (n = 568)
Variables Catégories Odds
ratios
Intervalle de
confiance 95 %
p
Sexe (hommes) Femmes 0,832 0,541,29 0,413
Âge (50 ans et plus) 2029 ans 0,067 0,030,13 < 0,001***
3039 ans 0,130 0,070,25 < 0,001***
4049 ans 0,324 0,170,62 0,001**
Niveau détude (cycle universitaire) Aucun 1,236 0,542,82 0,614
Primaire 1,386 0,642,99 0,404
1
er
cycle secondaire 1,624 0,733,63 0,236
2
e
cycle secondaire 0,955 0,402,26 0,917
Bien-être matériel (bien) Difficilement 1,240 0,562,76 0,597
Ça va mais il faut faire attention 0,994 0,442,25 0,988
Ça va à peu près 1,012 0,472,19 0,976
Durée de résidence à Dakar (nés à Dakar) 09 ans 0,253 0,100,63 0,003**
1019 ans 1,223 0,602,48 0,577
20 ans et plus 1,314 0,742,34 0,352
***p< 0,001 ; **p< 0,005.
Tableau 5 Odds ratios ajustés sur le fait dêtre obèse (n= 568) / Adjusted Odds ratios for obesity (n = 568)
Variables Catégories Odds ratios Intervalle de
confiance 95 %
p
Sexe (hommes) Femmes 4,055 1,918,62 < 0,001***
Âge (50 ans et plus) 2029 ans 0,068 0,020,22 < 0,001***
3039 ans 0,255 0,100,65 0,004**
4049 ans 0,583 0,241,39 0,223
Niveau détude (cycle universitaire) Aucun 1,464 0,346,24 0,606
Primaire 1,614 0,416,38 0,495
1
er
cycle secondaire 1,088 0,254,76 0,911
2
e
cycle secondaire 1,473 0,336,53 0,610
Bien être matériel (bien) Difficilement 0,573 0,181,82 0,345
Ça va mais il faut faire attention 0,815 0,262,54 0,725
Ça va à peu près 0,711 0,242,12 0,541
Durée de résidence à Dakar (nés à Dakar) 09 ans 0,109 0,010,88 0,038*
1019 ans 0,387 0,081,79 0,224
20 ans et plus 0,667 0,291,51 0,330
***p< 0,001 ; **p< 0,005 ; *p< 0,05.
90 Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris (2011) 23:83-93
Par ailleurs, linsertion économique, évaluée par linter-
médiaire du bien-être matériel, est bien moins favorable pour
les migrants dorigine rurale : ces derniers estiment, plus
souvent que les autres, vivre difficilement. Par contre, les
migrants des villes secondaires déclarent éprouver moins
de difficultés et sont surreprésentés dans le fait de déclarer
« bien » vivre. Cela confirme que les migrants originaires
des villes secondaires se différencient très nettement
des migrants originaires du milieu rural : par leur niveau
déducation et leur bien-être matériel, ils ne correspondent
pas aux critères de pauvreté généralement caractéristiques
des migrants internes en Afrique subsaharienne.
Enfin, alors quauparavant la prédominance masculine
dans les populations migrantes était de mise, un rééquili-
brage entre les genres peut être observé au sein de léchan-
tillon étudié. Ce rééquilibrage correspond à une des
nouvelles tendances contemporaines de la migration interne
au Sénégal, à savoir la féminisation des populations migran-
tes [4547]. Cette féminisation peut être interprétée comme
étant le résultat de deux phénomènes concomitants : dune
part, lindividualisation de la prise de décision dans le pro-
cessus migratoire, qui conduit une proportion de plus en plus
importante de femmes à migrer à destination des villes pour
diversifier leur revenu, et, dautre part, laccélération du
regroupement familial lié à la migration essentiellement
masculine ruralurbain massive des années 1980 [11].
Autoévaluation de la santé et migrations
Les résultats issus de cette étude montrent que du point de
vue de lautoévaluation de la santé, corrélée à létat de santé
réel des individus [43], aucune différence statistiquement
significative nexiste entre migrants (quelle que soit leur ori-
gine) et personnes nées à Dakar. De même, lautoévaluation
de la santé nest pas liée à la durée de résidence à Dakar.
Comme exposé en introduction, en 2003 lOMS a inclus,
lors de son étude au Sénégal, une question portant sur
lautoévaluation de la santé ; il a montré que cette dernière
était comparable entre milieu rural et milieu urbain [36].
Les résultats obtenus lors de notre étude confirment cette
tendance, également retrouvée en Afrique du Sud [24].
HTA, obésité et migrations
Les résultats obtenus lors de cette étude montrent que ni
lHTA ni lobésité, ni lautoévaluation de la santé ne sont
liées au statut migratoire des individus. Par contre, la durée
de résidence à Dakar
1
est associée à la prévalence de lHTA
et de lobésité, quels que soient le sexe, lâge, le niveau
détude et le bien-être matériel des individus. Les migrants
(dorigine rurale ou des villes secondaires) résidant à Dakar
depuis moins de dix ans ont moins de chances dêtre hyper-
tendus et obèses que les personnes nées à Dakar, et ce, même
lorsque cette relation est contrôlée par lensemble des
facteurs sociodémographiques et économiques.
Puisque les prévalences dHTA et dobésité sont moins
importantes chez les « nouveaux venus » à Dakar (cest-
à-dire, y résidant depuis moins de dix ans) que chez les
autres, les résultats obtenus permettent donc de supposer
que les prévalences dHTA et dobésité sont moins importan-
tes en milieu rural et dans les villes secondaires quàDakar
(milieu urbain par excellence), conformément à ce qui a été
observé dans dautres pays en développement [5,1821].
Enfin, conformément aux observations de Poulter et al.
[6], Steyn et al. [32,35] et Sobngwi et al. [20], il apparaît
que le critère de différenciation en termes de maladies chro-
niques est la durée de résidence en milieu urbain (Dakar), et
non le statut migratoire. En effet selon les régressions logis-
tiques binaires réalisées lors de cette étude, le fait davoir
passé dix ans ou plus à Dakar augmente les risques dêtre
affecté dHTA et dêtre obèse. Ainsi, lurbanisation et les
modes de vie qui y sont associés changements dhabitu-
des alimentaires, diminution de lactivité physique, stress
psychologique additionnel [48] semblent être les détermi-
nants de la détérioration de létat de santé en termes de mala-
dies chroniques. Inversement, le mode de vie des Sénégalais
hors de Dakar peut être considéré comme un facteur
protecteur de lapparition des maladies chroniques.
Limites de létude et perspectives
La première limite de cette étude concerne le recueil de
données concernant le bien-être matériel des individus.
Cette variable est une affaire de perception et reste donc
subjective. Un indice de niveau socio-économique basé sur
les biens du ménage aurait certainement été plus approprié.
De plus, lors de cette étude, seules les migrations à destina-
tion de Dakar ont été étudiées, en distinguant les migrants
originaires des villes secondaires de ceux originaires du
milieu rural. Les limites associées à ce type détude sont
multiples : dune part, létude des migrations internes à des-
tination de Dakar ne constitue quun champ restreint des
mouvements populationnels sénégalais et ne permet donc
pas la mise en perspective des résultats avec ceux issus de
lanalyse des autres tendances migratoires au Sénégal
(migration ruralrural et urbainrural) ; dautre part, la dis-
tinction entre migrants originaires des villes secondaires et
du milieu rural effectuée dans cet article devrait être complé-
tée par une étude portant sur les individus originaires du
milieu rural et migrant à destination des villes secondaires
afin de comparer leurs caractéristiques démographiques,
1
Personnes nées à Dakar / migrants résidant à Dakar depuis zéro à neuf
ans / migrants résidant à Dakar depuis 10 à 19 ans / migrants résidant à
Dakar depuis 20 ans et plus.
Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris (2011) 23:83-93 91
socio-économiques et sanitaires. Cest pourquoi, après avoir
recueilli les données concernant les migrants internes et leurs
populations daccueil, il apparaît indispensable détudier le
milieu rural et les villes secondaires sénégalaises. Il sera
alors possible de comparer les autoévaluations de la santé
ainsi que les prévalences dHTA et dobésité des personnes
habitant le milieu rural et les villes secondaires à celles des
personnes originaires de ces milieux et ayant migré à Dakar.
Conclusion
Létude réalisée dans le but de comparer les états de santé et
les prévalences dHTA et dobésité selon le statut migra-
toire à Dakar a permis de montrer que les migrants des
villes secondaires et du milieu rural se différencient entre
eux par le niveau déducation et le bien-être matériel. Les
migrants originaires du milieu rural apparaissent comme
les moins favorisés de ce point de vue. Par contre, les pro-
portions de femmes et dhommes dans chaque sous-
catégorie de population sont comparables, cela pouvant
être entendu comme le résultat croisé de la féminisation
des migrations internes et du regroupement familial, consé-
cutif aux migrations internes à destination de Dakar ayant
eu lieu dans les années 1980.
Les résultats obtenus montrent par contre que la distinc-
tion entre migrants et personnes originaires de Dakar est
inopérante lorsque lon sintéresseàlautoévaluation de
la santé ou aux prévalences dHTA et dobésité. En effet,
aucune de ces variables nest liée au statut migratoire des
individus. Cependant, la durée de résidence à Dakar est
associée à lHTA et à lobésité (et non à lautoévaluation
de la santé). En effet, les personnes ayant résidé depuis dix
ansouplusàDakarou y étant nées présentent signi-
ficativement plus de risque que les autres (migrants instal-
lés depuis moins de dix ans à Dakar) de développer ces
problèmes de santé. Ces résultats correspondent à ceux
obtenus par Poulter et al. [6], Steyn et al. [32,35] et
Sobngwi et al. [20], qui ont montré que la durée dexposi-
tion à lurbanisation et à ses facteurs associés (changements
dhabitudes alimentaires, diminution de lactivité phy-
sique, stress psychologique additionnel) détermine lappa-
rition de maladies chroniques.
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in lower income countries. Public Health Nutr 1,1:521
Bull. Mém. Soc. Anthropol. Paris (2011) 23:83-93 93
... Although a causal relationship cannot be established directly through these studies due to the complexity of the links between migration and health, many hypotheses and theories explaining the links between migration and health have been constructed. In Senegal, few studies address these relationships [25,39,40], and none allow defining the demographic and socio-economic profile of the migrant population to Dakar. This is why the general objective of this study is twofold: To characterize the migrant population present in Dakar (demography, socioeconomics and health status), and to test the existence in Senegal of two hypotheses related to the relationship between health and internal migration: The Healthy Migrant Hypothesis and the Convergence Hypothesis. ...
... Within our sample of population representative of the population of the department of Dakar, the proportion of migrants is significant (40.5% of the sample). Compared to a study dating from 2012 [40], it appears that the proportion of migrants in the Dakar population is relatively lower (it goes from 45% to 40%), a result consistent with the observations of the last Senegalese census [15]. In contrast, as in 2012, there is no difference in terms of gender distribution between the native Dakar population and migrant populations, which confirms the fact that female migration in Senegal is now well established in practice. ...
Article
The prediction of risk profile trends associated with non-communicable diseases in developing countries is among the greatest global health challenges. The aim of this study is to estimate prevalence, awareness, treatment and control of hypertension in Dakar (Senegal). This study was carried out between January and June 2009 on a population sample of 600 individuals living in the department of Dakar. This sample was constructed using the quota method in order to strive for representativeness. Sociodemographic characteristics, hypertension, hypertension awareness, treatment and control, and body mass index of individuals were collected during face-to-face interviews. Statistical analyses used were χ(2)-tests and binary logistic regressions. Prevalence of hypertension was 27.50%. Prevalence of awareness, treatment and control among hypertensives were 27.88%, 16.97% and 5.45%, respectively. Logistic regression showed that the prevalence, awareness and treatment of hypertension increased with increasing age. Overweight and obese subjects were more often hypertensive but did not differ from others in awareness and treatment. This could be linked to the social valorization of stoutness in West Africa, which explains that excess weight is not perceived as a risk factor for hypertension. In conclusion, given the very low rates of awareness, treatment and control in our sample, developing strategies for averting a hypertension epidemic must be a priority objective.Journal of Human Hypertension advance online publication, 16 January 2014; doi:10.1038/jhh.2013.142.
Chapter
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Cet article est le texte remanie d'une conférence donnée dans le cadre d'un séminaire organisé au cours de l'année 1988-1989. L'objectif de ce séminaire était d'élucider, à partir des travaux disponibles, les principaux déséquilibres qui risquent d'affecter le système mondial dans les prochaines décennies. La première séance de ce séminaire, qui s'est tenue le 26 septembre 1988, était consacr6e aux problèmes de démographie et de santé. Les organisateurs du séminaire souhaitaient en effet que les autres thèmes abordés par la suite (ressources naturelles, habitat, systèmes de production , éducation, emploi ...) le soient a la lumière de I'évolution démographique qui renvoie à ces différentes questions. Le travail prospectif nécessite des aller et retour entre toutes ces approches sectorielles, la démographie étant un aspect important, même si elle ne doit pas être rendue responsable de tous les maux de la planète. Dans cet esprit, le texte a pour objet de traiter des perspectives d'avenir de Ia population mondiale et des problèmes de démographie et de santé que les demographes peuvent essayer de poser à partir de leurs travaux. Les principaux aspects que présente I'évolution future de Ia population mondiale, telle que l'on peut aujourd'hui l'envisager, seront passés en revue : les effectifs et les taux d'accroissement, la fécondité et la mortalité, ainsi que quelques autres points évoqués plus rapidement (la structure par âge, I'urbanisation, les migrations internationales).
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This chronicle is focused on sub-Saharan Africa (48 nations, 730 million people) and includes both a summary of the major socio-demographic and health changes since the 1950s and a statistical survey based on the most reliable recent data on each nation. Particular attention has been given to the size and structure of the population, fertility and its intermediate variables, nuptiality, mortality, child health, migration and population movements, urbanization and access to education. Even though Africa still has the most rapid growth and the youngest population in the world, many changes are in progress. They occur at different speed depending on the country, the region, and the type of residence. As a result, African demographic regimes are diversifying. One major trend is the decline of fertility that has been observed for Africa as a whole for the last fifteen years, with rapid declines in a few countries, but also stagnation in about fifteen others. The age at first marriage is increasing in most countries, but polygyny is resisting rather well. Adult and child mortality have decreased markedly over the last forty years, though at a different pace and with worrisome reversals of trends in recent times in the countries most affected by AIDS. Access to education, particularly for women, is still an issue. The overall situation in sub-Saharan Africa has improved since the 1950s or 1960s, but progress is slower than in other regions in the world and appears reversible or uncertain in the current context of economic crisis, poverty and the AIDS pandemic.
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Subjective welfare is an increasingly important topic for empirical literature. Several factors (psychological, socio-demographic and economic) are proposed to explain subjective welfare. Until now, research on subjective welfare has primarily focused on developed countries. Very little research has been done on the linkages between institutional factors and the perception of welfare by society. The intent of this article is to assess the applicability to the poorest countries of “stylized facts” collected in developed countries. Without minimizing the importance of other factors, the article pays particular attention to the impact of governance and institutions (economic and political) on subjective welfare. It uses data from thematic modules in 1-2-3 surveys, a large body of household surveys providing comparative data from eight countries in Sub-Saharan Africa. Although exploratory, the analysis highlights three types of results. First, despite specific characteristics, such as the positive impact on welfare of the widespread availability of employment in the informal sector, the data show that the impact of traditional variables (e.g. income and education) is also important in African countries. Secondly, the article identifies different ways for institutions to exert their influence. In addition, the quality of public services is examined in terms of income, education, employment, security, etc. Finally, the analysis brings to light a paradoxical finding: the level of trust in the parliament is negatively correlated with the level of welfare. This finding, which is particularly significant in the poorest quartiles, could explain the higher expectations of the poorest from the democratic apparatus, despite its dysfunctionalities.
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This contribution proposes to re-examine the contribution of migration to urbanization in the developing world, by presenting a comprehensive review of research on Francophone West Africa. The contribution of migration to urbanization is examined from different points of view: demographic, geographic and economic. The paper presents the context of urbanization, describes new trends in migration flows between urban and rural areas, and examines how migrants integrate in the city and fit in the urban economy. The conclusions are that migrants adapt quite well to the city and that urban integration problems do not concern exclusively migrants but all city-dwellers, especially the youths. However social and economic integration should also be studied from the rural point of view, taking into consideration the recent urban-to- rural migration flows and the slow-down of urban growth.
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Large scale migration into towns produces far reaching sociodemographic changes which are currently taking place in the entire world, but in particular in the Third World. On the other hand it is a long recognized fact that urban life carries an increased risk of disease. In order to assess better the effects of migration on health and in an endeavour to assist in planning and organization of health services, the WHO programmed and launched studies on the subject, in collaboration with such countries as Senegal, Iran and New Zealand. A collaborative study was carried out in Senegal in 1970-73, involving, in addition to WHO, the University of Dakar and the Office of Overseas Research (Scientific and Technical), with technical assistance from the Ministry of Health and Social Affairs. This was a detailed investigation of urban migration and its effects on health in a sample of Serer migrants originating from the rural district of Niakhar and living, at the time of the study, in Dakar. This was also mainly applied research in which two samples, rural and urban, were compared from the three fold point of view of sociodemography, physical and mental health and environmental hygiene. The urban sample was analysed with a view to determining the conditions of adaptation to urban life among the population in question. In the opinion of the research team the data collected could be utilized also for planning of public health services and for programming further applied studies of a similar kind. The aims of the study were fulfilled. The methodological aspects of the study and the data collected are presented and their practical implications discussed.
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Migration behaviour by individuals, migration decisions and migration outcomes are not neutral to the needs and constraints facing the migrants' families who stay put. In this paper evidence from the Philippines is presented and analysed which suggests that the choice of migrant members and migration destination are largely determined by familial characteristics. Several interesting insights into the migration process are obtained. The standard human-capital approach explains the inverse relationship between the age of migrants and the propensity to migrate through the longer pay-off period facing the young. However, it is found that the young age of migrants can be explained by their greater amenability to familial income needs and familial manipulation. This amenability also seems to explain the preference for daughters over sons as migrants. Likewise, the initial labour-market performance of migrants is accounted for not, as in human-capital theory, by migrants' low skill levels but rather by familial needs which mandate participation in labour-market activities that secure certain if low short-run returns.