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Territoire et déterritorialisation des communautés locales : perceptions des communautés de Luhwindja au Sud-Kivu face à l'exploitation industrielle de l'or

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Abstract

We use the concept of "deterritorialization" to explore current perceptions of the local community on the delocalisation strategy by Twangiza mining in the "territory" of Luhwindja in South Kivu, 15 years after the mining company relocated households. A random sample of 250 households were surveyed after 9 semi-structured interviews with key informants and 3 focus groups in 2019. We measure perceptions on the deterritorialization through an index. Results indicate that households of Luhwindja are negative on Twangiza mining's delocalisation strategy. Perceptions are based on effects of this strategy: limitations of access to market, to business opportunities, to basic infrastructures and to social networks. Twangiza mining delocalization strategy allowed for significant differences in socioeconomic characteristics between delocalized and non-delocalized households. In the context of industrial mining in rural communities, the analysis of deterritorialization indicates that the socioeconomic aspects of populations are necessary in the perception of communities than other aspects and are factors on which any household relocation policy should be based. For the strategy of delocalisation, we propose to consider the territory in its plurality.
Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021, pp. 181-211
©
Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique
, 2021
(ISSN : 0850 3907)
Territoire et déterritorialisation
des communautés locales: perceptions
des communautés de Luhwindja au Sud-Kivu
face à l'exploitation industrielle de l'or
Janvier Kilosho Buraye*, Emer y Mushagalusa Mudinga**
& Anuarite Bashizi***
Résumé
Nous utilisons le concept de « déterritorialisation » pour explorer les perceptions
actuelles de la communauté locale sur la stratégie de délocalisation par Twangiza
mining dans le « territoire » de Luhwindja au Sud-Kivu, 15 ans après que la
compagnie minière a délocalisé les ménages. Un échantillon aléatoire de 250
ménages a été interrogé après 9 entretiens semi-structurés avec des informateurs
clés et 3 groupes de discussion en 2019. Nous mesurons les perceptions sur la
déterritorialisation à travers un indice. Les résultats indiquent que les ménages
de Luhwindja ont une appréciation négative de la stratégie de délocalisation
de Twangiza mining. Les perceptions sont basées sur les effets de cette stratégie
: accès limité au marché, aux opportunités d'affaires, aux infrastructures
de base, ainsi qu’aux réseaux sociaux. La stratégie de délocalisation de
l'exploitation minière de Twangiza a permis des différences significatives dans
les caractéristiques socio-économiques entre les ménages délocalisés et non
délocalisés. Dans le contexte de l'exploitation minière industrielle dans les
communautés rurales, l'analyse de la déterritorialisation indique que les aspects
socio-économiques des populations sont plus nécessaires dans la perception
des communautés que les autres aspects et sont des facteurs sur lesquels toute
politique de délocalisation des ménages devrait être basée. Pour la stratégie
de délocalisation, nous proposons de considérer le territoire dans sa pluralité.
* Faculté des Sciences Economiques et de Gestion et Centre d’Expertise en Gestion
minière, Université Catholique de Bukavu (UCB). Email : janvier.kilosho@gmail.com;
kilosho.buraye@ucbukavu.ac.cd
** Institut Supérieur de Développement Rural (ISDR/Bukavu) et Angaza Institute.
Email : mudingae@yahoo.fr
*** Centre d’expertise en Gestion minière, Université catholique de Bukavu et Angaza Institute.
Email : anuarite.bashizi@uclouvain.be
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Abstract
We use the concept of “deterritorialization” to explore current perceptions
of the local community on the delocalisation strategy by Twangiza mining
in the “territory” of Luhwindja in South Kivu, 15years after the mining
company relocated households. A random sample of 250households were
surveyed after 9semi-structured interviews with key informants and 3focus
groups in 2019. We measure perceptions on the deterritorialization through
an index. Results indicate that households of Luhwindja are negative on
Twangiza mining’s delocalisation strategy. Perceptions are based on effects
of this strategy: limitations of access to market, to business opportunities, to
basic infrastructures and to social networks. Twangiza mining delocalization
strategy allowed for significant differences in socio-economic characteristics
between delocalized and non-delocalized households. In the context of
industrial mining in rural communities, the analysis of deterritorialization
indicates that the socio-economic aspects of populations are necessary in the
perception of communities than other aspects and are factors on which any
household relocation policy should be based. For the strategy of delocalisation,
we propose to consider the territory in its plurality.
Introduction
Au cours des deux dernières décennies et dans le souci de restaurer
l’exploitation minière et de répondre ainsi aux appels des Institutions
financières internationales (IFI) pour les réformes pouvant améliorer la
gouvernance du pays, l’État congolais a signé une soixantaine de contrats
avec des multinationales (Buraye 2018 ; Mazalto 2008). Les populations
des régions à forte potentialité minière ont ainsi observé l’afflux des
compagnies minières transnationales apportant dans leur territoire1 des
projets d’exploitation minière à grande échelle. De nombreuses études ont
montré que l’exploitation minière à grande échelle a certes été un pilier du
développement et de la croissance économique de certains pays (Ericsson
2019). Néanmoins, elle est d’une part l’un des moteurs les plus destructeurs
de l’environnement, et de l’autre, un facteur important à l’origine des
conflits sociaux et politiques (Buraye et al. 2017 ; Welker 2014).
En effet, en acquérant des concessions minières en RDC, les compagnies
minières transnationales ont eu une mainmise sur les autres ressources du
milieu et les ont parfois utilisées à leur gré (Bashizi et al. 2018 ; Buraye
et al. 2017). Dès la phase d’exploration, les compagnies minières ont mis
en œuvre des stratégies d’accaparement des ressources des communautés
autochtones et d’expulsion de celles-ci en dehors de leur périmètre
d’exploitation (Buraye 2018 ; Geenen & Claessens 2013). C’est durant
183
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
l’année2005 que la compagnie Banro, à travers sa filiale Twangiza mining,2
est arrivée à Luhwindja pour commencer ses travaux d’exploration en vue
de produire de l’or de manière industrielle.3 En vue de s’installer, Twangiza
mining a évacué la population d’une partie de son périmètre d’exploitation
et a suspendu toutes les activités des populations locales sur ce périmètre
(Buraye et al. 2017). Une mesure dont la mise en œuvre avait suscité
l’attention de plusieurs acteurs, dont plusieurs organes de la société civile
ainsi que des universitaires.
De manière générale, la présente étude empirique se propose de
comprendre les perceptions des communautés locales vis-à-vis de stratégies
mises en œuvre par la compagnie minière Twangiza mining afin d’accaparer
les ressources des communautés locales et d’expulser celles-ci en dehors de
leurs territoires géographique et social. Elle répond ainsi à la question de savoir
comment les populations locales perçoivent la stratégie de délocalisation et
en quoi consistent ces perceptions. Comprendre la perception de la stratégie
de délocalisation présente l’avantage d’orienter les politiques de la grande
mine ainsi que celle de l’État afin de faciliter la cohabitation entre la grande
mine et les populations locales.
De manière particulière nous nous intéressons donc à la stratégie de la
délocalisation mise en œuvre par la grande mine en vue d’une exploitation
industrielle de l’or. L’argument central de cet article est que la stratégie de
délocalisation a eu des effets sur la perception que les communautés avaient
du « territoire » qu’elles occupent, et que les perceptions des communautés
vis-à-vis de la stratégie de délocalisation sont différenciées selon leurs
caractéristiques sociodémographiques, socio-économiques et selon leur
localisation dans leur territoire. Cet argument est ainsi illustré par le cas
d’étude de la chefferie de Luhwindja – une collectivité située à l’est de la
RDC et où est localisée la mine de Twangiza.
Du point de vue méthodologique, nous mesurons statistiquement la
perception des populations locales en rapport avec la stratégie de délocalisation.
Sur ce point, notre étude se distingue des études existantes relatives à la
délocalisation, qui ont été qualitatives en majorité pour le cas de Luhwindja,
au Sud-Kivu (Kabunga et al. 2018; Bashizi et al. 2018 ; La Maison des Mines
du Kivu, 2015 ; Geenen & Claessens 2013 ; Namegabe & Murhula 2013).
Du point de vue théorique et comme nous le présentons au niveau du
cadre théorique, les études existantes et qui ont abordé la question de la
délocalisation des populations autochtones à Luhwindja ont opté pour une
démarche juridique (Namegabe & Murhula 2013), socio-économique (La
Maison des Mines du Kivu, 2015 ; Kabunga et al. 2018), sociopolitique
(Geneen & Claessens 2013) et environnementale avec un accent sur la
184 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
« political ecology » (Bashizi et al. 2018). Contrairement à ces études, nous nous
basons sur l’approche de l’« écologie politique » vue au-delà de sa composante
environnementale. Il s’agit plutôt d’un regard de l’écologie politique basé sur
l’approche territoriale, le territoire étant considéré comme un « tout ».4
Dans cette étude, la délocalisation est entendue comme une
« déterritorialisation ». Entendue sous cet angle, elle permet de comprendre les
perceptions des populations locales vis-à-vis de la stratégie de délocalisation
qui a produit ce que nous qualifions de « déconnexions » entre les individus
(les ménages) et leurs territoires.5
Notre contribution théorique se forme donc à travers le recours
à une analyse basée sur l’approche de l’écologie politique afin de
comprendre comment la stratégie de la délocalisation a été à la base de
la « déterritorialisation ». Sous l’approche de l’écologie politique, l’étude
tente ainsi de comprendre comment la mise en place d’une politique de
délocalisation des populations pour une exploitation minière à grande
échelle peut permettre d’observer des différences de perceptions vis-à-vis
des actions de la grande mine et de la dégradation des vies des gens.
Dans la section suivante, nous discutons du cadre théorique relatif à la
stratégie de délocalisation ou à la déterritorialisation sous une approche de
l’écologie politique. Dans la troisième section, que nous consacrons à la
méthodologie, nous contextualisons notre cas d’étude et nous présentons
notre processus de collecte des données, ainsi que la mesure de l’indice de
perception des ménages en rapport avec la déterritorialisation. La quatrième
section discute les résultats de notre cas d’étude à la lumière de la notion
du territoire sous l’approche de l’écologie politique. Enfin, intervient
la conclusion.
Cadre théorique et littérature empirique
Cadre théorique: territoire et écologie politique
L’écologie politique,6 un domaine à la fois des sciences naturelles et sociales,
permet de mettre en relation l’économie politique, l’action des acteurs et
l’environnement. Parmi ses convictions,7 Blaikie (1985) indique que les
acteurs, ainsi que leurs positions, rationalités, perceptions et intérêts en
rapport avec l’environnement, sont nécessaires dans ses analyses. Dans ce
papier, nous analysons les perceptions des individus (ou des ménages) en
rapport avec les conséquences d’une des stratégies de Twangiza mining,
stratégie consistant à délocaliser les populations locales. Nous pensons
que la délocalisation, en affectant le territoire,8 peut être vue comme
une déterritorialisation.
185
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
En fait, pour son applicabilité, l’écologie politique est liée à la notion de
territoire que nous considérons, lorsqu’il est associé au terme territorialité et
au terme territorialisation, comme permettant l’application des dynamiques
du développement local et des dynamiques conflictuelles d’appropriation
de l’espace. Dans ce papier, le territoire est compris autant comme étant un
« espace socialement construit, qui est caractérisé par ses origines historiques,
culturelles, techniques, et politico-économiques » (Bassett & Gautier 2014:2)
que comme un « espace géographique ». Pour nous, le territoire est donc
autant un « espace géographique » qu’un « espace produit ». Il est un espace
géographique qui renferme des lieux qui sont singuliers – au niveau du
ménage – et communautaires – les différentes réalités dans la communauté,
les voies de communication matérielles ou immatérielles, les forêts, les
montagnes, les usines, les habitations, etc. (Requier-Desjardins 2009).
D’une part, Luhwindja est un espace produit, un espace fait des acteurs,9
ou un ensemble d’individus agissant sur son espace où les uns décident –
le Mwami (le chef de la chefferie), les chefs des groupements, les chefs de
villages, Twangiza mining –, les autres se soumettent, s’opposent, s’imposent,
s’allient pour finalement aménager et construire ce qu’on appelle territoire.
Il est en même temps un espace fréquenté et parcouru régulièrement par les
individus et où se construit un rapport entre le lieu et la société (espace de
vie). Il est aussi un espace de vie qui se transforme en espace vécu à partir
du moment où des pratiques s’y construisent (espace vécu), et un ensemble
de relations interpersonnelles, organisées comme un système de positions
sociales qui se définissent les unes par rapport aux autres et qui rattachent
l’individu à son milieu (espace social) (Requier-Desjardins 2009).
D’autre part, Luhwindja, comme territoire, est un territoire social, car
nous le considérons comme étant une représentation symbolique ou idéelle
de l’espace. Au niveau communautaire, les populations se construisent
alors un sentiment d’appartenance à cette espace commun, et de là, ils se
construisent une identité collective.10 Au niveau individuel, il s’agit plutôt
d’un territoire géographique: chaque individu – et même chaque ménage
– se sent non seulement appartenir à l’identité communautaire, mais aussi
à sa propre identité (identité individuelle ou identité personnelle)11 ou
à l’identité de son ménage, qui est tout naturellement attaché à l’espace
occupé (maisons, concession, cheptel, etc.). Sur ce genre d’espace, dans
de nombreux villages de l’Afrique subsaharienne par ailleurs, les illustres
disparus membres de la famille sont souvent enterrés (Geeneen & Claessens
2013). Ces tombes font donc partie de l’identité de l’individu vis-à-vis de
l’espace géographique (territoire géographique au niveau du ménage) ou de
son territoire social.
186 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
Tout détachement des populations, des ménages ou des individus de
leur territoire (au sens pluriel) constitue une « déconnexion ». Il s’agit d’une
rupture ou d’une déstabilisation des liens existants entre les populations et
l’espace, la culture, l’identité, le pouvoir, etc. Prise au niveau individuel, la
stratégie de délocalisation que Twangiza mining a mise en œuvre et qui a
consisté à déplacer les ménages de leur territoire vers un « autre » territoire
peut donc être considérée comme étant une « déterritorialisation ».
D’une part, il s’agit d’une production de la rupture entre l’individu et
l’environnement ou entre l’homme et la société, une rupture qui fragilise
en même temps les fondements du territoire social – qui détache ou éloigne
l’individu de son identité, de sa culture, de son histoire et de son espace
produit. Cette rupture conduit à de nouvelles perceptions des individus,
déplacés ou non, vis-à-vis de leur territoire (entendu comme territoire
géographique), des acteurs qui ont causé cette rupture (Twangiza mining,
État congolais, autorité coutumière, etc.) et du nouveau mode de vie que
les déplacés et les non-déplacés expérimentent comme conséquence de
la délocalisation.
Littérature empirique
Dans divers pays en développement, et plus particulièrement dans les pays
de l’Afrique subsaharienne comme le Ghana, la Sierra Leone, la Tanzanie,
l’Afrique du Sud du Sud, etc., de nombreuses études se sont intéressées
aux conséquences de l’arrivée de la grande mine pour une exploitation
industrielle dans les communautés minières (Buraye 2018 ; Geenen 2014 ;
Maconachie & Hilson 2011 ; Bush 2009).
Parmi les études qui se sont intéressées à la délocalisation des populations
à Luhwindja (en RDC) en vue d’une exploitation minière à grande échelle,
certaines ont emprunté une démarche juridique et d’autres ont abordé des
questions plutôt socio-économiques.
À travers une approche qualitative et juridique, Namegabe et Murhula
(2013) ont analysé la qualification juridique correspondant à cette mesure
de délocalisation et ont évalué les conséquences juridiques associées à
cette qualification. Ces auteurs ont montré que la délocalisation des
populations à Luhwindja relève d’une quasi-expropriation qu’ils ont
qualifiée d’expropriation de fait.12 Ils montrent que le bénéficiaire d’une
telle expropriation est l’investisseur privé, un acteur qui s’est imposé – la
compagnie minière Banro. Cela justifierait la raison pour laquelle l’État a
permis la mise en place d’une telle mesure d’expropriation.13
187
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
Kabunga et al. (2018), avec un regard qualitatif, critiquent quant à
eux la procédure de la mise en œuvre de la mesure de délocalisation des
populations de Luhwindja sur la base du dispositif de la gouvernance
participative locale. Ils montrent que la compagnie minière Banro utilise
la « stratégie de la carotte » pour influencer le forum communautaire – une
structure de gouvernance participative émanant de la communauté locale –
afin d’affaiblir la cohésion discursive des membres, les divisés en les mettant
en conflit et ensuite elle profite pour prendre le lead. Telle la stratégie de
« diviser pour régner ».
La Maison des Mines du Kivu (2015) et Justice et Paix (2019 et 2015),
dans leurs rapports de recherche sur la mesure de délocalisation, ont
analysé le processus de délocalisation et de réinstallation des populations.
Ces rapports montrent que la délocalisation a négativement impacté les
droits des populations autochtones et les droits humains des communautés
relocalisées lorsque l’on observe leurs conditions de vie (accès au marché,
infrastructures de base, habitat, etc.).
Méthodologie
Contextualisation de notre cas d’étude
Notre analyse se construit autour de l’étude de cas de la chefferie de
Luhwindja. Il s’agit d’une zone minière située dans la province du Sud-
Kivu, à l’Est de la RDC. Elle s’étend sur une superficie de 183km2et est
habitée par environ 95 101 personnes avec une densité de 519habitants
par kilomètre carré. Luhwindja est subdivisé en neuf groupements dont:
Kabalole, Idudwe, Cibinda II, Burembo, Lubuha, Bujiri, Mulama, Karundu,
Luciga. Et chaque groupement est subdivisé en villages. La figure suivante
présente le territoire géographique de notre cas d’étude.
En 2005, Banro, à travers sa filiale Twangiza mining,14 arrive à
Luhwindja pour commencer ses travaux d’exploration en vue de produire
de l’or de manière industrielle.15 À l’issue des travaux d’exploration, la
Twangiza mining décida d’installer son usine dans ce groupement de Luciga,
plus précisément à Mbwega, la mine qui était le poumon de l’économie de la
chefferie de Luhwindja. Luciga est le groupement le plus riche en ressources
forestières, aquatiques et en sol fertile. Il est aussi le groupement le plus peuplé de
la chefferie avec à lui seul 19 485habitants.16
188 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
Figure1: Localisation de la zone d’étude
Source: Bashizi et al. 2018
Pour l’exploitation de la mine à ciel ouvert, Banro a évacué la population de
son périmètre d’exploitation et suspendu toutes les activités des populations
locales sur ce périmètre (Buraye et al. 2017). En 2005, au cours de ce
processus d’expropriation des terres, des populations de Luciga ont été
dépossédées de leur village, de leurs logements, leur terre agricole, des
sites miniers artisanaux, de leurs eaux, etc. Ainsi, dépourvue de son
milieu de vie, de son environnement, de son territoire, cette partie de
la population de Luhwindja a finalement été soumise à une scène de
déterritorialisation. Les statistiques disponibles indiquent qu’environ
800ménages ont été délocalisés et 12 000paysans-creuseurs artisanaux
privés de leurs activités économiques (Justice et Paix 2019).
La première phase de délocalisation a eu lieu en 2006. Les ménages
concernés furent ceux de deux villages du groupement de Luciga (Nyorha et
CibandaIer) (OGP 2010). Ces derniers ont été installés à Cinjira, un milieu
enclavé se trouvant sur le sommet d’une montagne à 2 900m d’altitude.
Détachés de leur réseau social, de leur histoire et finalement de leur identité
189
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
(personnelle ou collective), ces ménages devaient s’adapter aux nouvelles
conditions de vie sur ce milieu inconnu, nouveau, et apprendre à développer
de nouvelles stratégies de survie. Sur le sommet de cette montagne, la
Twangiza mining avait construit des logements de remplacement pour ces
ménages (Justice et Paix 2019).
La collecte des données
Trois focus groups avec les femmes et les hommes de Cinjira et les représentants
de Twangiza mining et huit entretiens individuels semi-structurés ont
été réalisés à Luhwindja. Dans le cadre des entretiens, nous nous sommes
entretenus avec personnes suivantes17: le chef de la chefferie de Luhwindja, le
curé de la paroisse d’Ifendula, le directeur ad interim (a.i.) de l’école primaire
de Ciburhi, le médecin directeur a. i. de l’Hôpital général de référence
d’Ifendula, le chef du groupement de Bujiri, l’ancien président de la société
civile de Luhwindja, un révérend pasteur d’une église de la 8eCommunauté
des Églises libres pentecôtistes en Afrique (CELPA) et l’infirmier titulaire de
Cinjira. Ces personnes-ressources ont été identifiées par effet boule de neige à
partir du premier entretien que nous avons eu avec le chef de la chefferie. S’est
ensuivie l’enquête quantitative sur la base d’un questionnaire.
Nous avons sélectionné aléatoirement 250ménages18 dans la chefferie
de Luhwindja dans six villages (Cinjira, Bigaja, Buhamba, Cibanda 1er,
Ishongwe et Bulende) de trois groupements (Luciga, Bujiri et Kabolole).
Cette sélection s’est réalisée sur la base des listes de ménages que nous avons
produites après recensement et en collaboration avec les chefs des villages
sélectionnés. Le choix des villages s’est opéré en fonction de leur proximité
avec les activités de Banro.19 Par hypothèse, les ménages vivant proches des
activités de Banro (donc dans le groupement de Luciga) sont des candidats
ou des victimes potentielles d’une probable délocalisation au cas où les
activités minières de l’entreprise le nécessitent.
Dans les analyses, afin de comparer les perceptions en rapport avec la
déterritorialisation et les conditions de vie des ménages de Cinjira actuellement,
par opposition à ceux des autres villages, nous avons regroupé notre échantillon
en deux sous-échantillons: le premier groupe (n1) reprend les ménages de Cinjira
ou les ménages délocalisés et le deuxième groupe (n2) reprend les ménages non
délocalisés ou les ménages vivant dans les villages autres que Cinjira.
L’hypothèse qui se trouve derrière notre analyse de la perception de la
déterritorialisation et de la qualité de vie nous conduit à supposer que les
ménages de Cinjira soient plus négatifs en termes d’effets ressentis de la
déterritorialisation que ceux d’autres villages. Le tableau suivant représente
la répartition des ménages par village et par groupement.
190 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
Tableau n°1: répartition des ménages enquêtés par village et par groupement
Groupement Village
Taille de
l’échantillon
(ménages)
Proximité aux
activités
de Twangiza
mining
(en termes de
distance20)
Nature du
groupe
(n)
Luciga
Cinjira 72 Pas proche n1 =72
Bugaja 39 Proche
n2 =173
Buhamba 10 Proche
Cibanda1er 61 Proche
Bujiri Ishongwe 31 Proche
Kabalole Buhendwa 32 Proche
Total n =245
Source: confection des auteurs
Tableau n°2: Les composantes de la perception de la déterritorialisation
Facteurs Items Alpha de
Cronbach
Accès aux terres
arables et pratique
des activités
agricoles
Item1 Le milieu dans lequel nous vivons ne nous
donne pas d’opportunités en terres arables
pour les activités agropastorales parce que
Banro occupe les grands espaces de terres
arables.
0,65
Item2 C’est dicile de pratiquer l’agricul-
ture parce que les champs ne sont
plus fertiles suite à la pollution de
l’environnement.
Accès au marché
et opportunités
d’aaires
Item3 Banro a souvent eu des initiatives
de développement rattachées au
commerce pour restaurer nos moyens
de subsistance.
0,68
Item4 Banro a souvent eu des initiatives de
création d’emploi en notre faveur
(gardiennage, sécurité routière, etc.)
.
Item5 Banro a souvent eu des initiatives
pour améliorer les voies pour la
commercialisation de nos produits
agricoles (routes, ouvertures aux
grands marchés voisins).
191
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
Accès aux
infrastructures de
base (santé,
éducation,
espaces de loisirs)
Item8 Nous sommes carrément dépourvus
des infrastructures sociales de base
(le marché, le centre de santé ; les
établissements scolaires, etc.).
0,81
Item9 Les infrastructures sociales de base
qui sont disponibles ne sont pas
pleinement opérationnelles.
Item10 Le milieu dans lequel les gens sont
obligés de vivre actuellement donne
moins accès aux services sociaux
(hôpitaux, centre de santé) que
l’ancien milieu (avant 2009).
Accès aux
ressources minières Item11 Nous vivons dans le stress parce que
la compagnie peut nous interdire
même les petits sites miniers que nous
exploitons actuellement.
0,66
Item12 Avant l’arrivée de la société, nous
travaillions nombreux dans les mines,
ce qui permettait d’augmenter la
production.
Perturbation des
relations sociales
dans la
communauté
Item13 La présence de Banro a accentué
les conflits entre les membres de
la communauté parce que certains
membres de la communauté agissent
en notre défaveur pour le compte de
la société minière.
0,71
Item14 La présence de Banro a dissuadé
les exploitants miniers de travailler
ensemble (trahisons entre les
exploitants proches de la société
minière).
Item15 La présence de BANRO a réduit la
conance mutuelle entre les membres
de la communauté en général.
Coecient global de abilité 0,68
Source: confection des auteurs
Item6 Depuis que la société BANRO s’est
installée, les activités commerciales des
biens et services se déroulent mieux
(les centres de vente sont pleinement
opérationnels).
Item7 Depuis que la société BANRO s’est
installée, nous avons plus des clients
pour les produits que nous vendons.
192 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
La mesure de l’indice
À partir de la notion du territoire et de la déterritorialisation vue sous l’angle
de l’écologie politique (voir sectionII précédente), nous avons regroupé –
sur la base des entretiens réalisés – les différentes déconnexions entre les
individus (les ménages) et leurs territoires en cinq facteurs théoriques ou
dimensions de la perception de la déterritorialisation. Il s’agit de: l’accès
aux terres arables et la pratique des activités agricoles (1), l’accès au marché
et aux opportunités d’affaires (2), l’accès aux infrastructures de base (3),
accès aux ressources minières (4) et les perturbations des relations sociales
dans la communauté (5). L’échelle de Likert retenue va du niveau1 « pas du
tout d’accord » au niveau5 « tout à fait d’accord ». Le tableau n°2 regroupe
les items retenus pour chaque dimension après l’étape de l’épuration
des données.21 Le coefficient de corrélation inter-item (le coefficient
de Cronbach) a aidé à réaliser cette étape d’épuration. Le coefficient de
Cronbach global qui a été retrouvé est de 0,68 (proche de 0,7).22 L’extraction
de l’indice de perception de la déterritorialisation s’est réalisée à partir d’une
simple analyse en composante principale.
En théorie, les conditions de vie peuvent recouvrir trois dimensions
différentes: l’éducation, les conditions de l’habitat, et la santé (Alkire &
Santos 2010). Alkire et Foster (2010) indiquent que ces facteurs sont mieux
adaptés aux pays en développement où les données microéconomiques ne
sont ni complètes ni suivies régulièrement. Dans ce travail, étant donné le
contexte de Luhwindja, nous avons retenu ces trois dimensions: le niveau
d’instruction, l’habitat et la santé. Afin de comparer la population de Cinjira
à celle des autres villages de Luhwindja, nous avons, par une analyse en
composante principale, calculé l’indice des conditions de vie (Buraye 2017).
Les caractéristiques liées au niveau d’éducation du ménage recouvrent:
le niveau d’instruction du père, le nombre de personnes dans le ménage qui
fréquentent l’école, la perception en rapport avec la distance qui sépare le
ménage de l’école où les enfants étudient. L’habitat comprend: la qualité du
mur de la maison d’habitation, le type de toilettes que le ménage utilise, la
perception par rapport à la distance qui sépare la maison d’habitation et le
point d’approvisionnement en eau, et le type de source d’approvisionnement
en eau potable. La santé touche à la perception de la qualité de la santé
(satisfaisante ou non satisfaisante) et aux dépenses annuelles que le ménage
supporte en rapport avec les soins de santé. Le tableau n°3 ci-contre reprend
les facteurs des conditions de vie.
193
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
Tableau n°3: Les facteurs des conditions de vie
Dimensions ou facteurs Mesure Source
Habitat
Type de maison
d’habitation. 1 si en dur, 0 sinon. Buraye (2017),
Alkire et Santos (2010)
Type de toilette que le
ménage utilise. 1 si toilette privée au ménage,
0 sinon (commune). Alkire et Santos (2010),
Buraye (2016).
Type de source
d’approvisionnement
en eau potable.
1 si aménagé (robinet ou
borne-fontaine), 0 sinon
(naturelle…).
Buraye (2017),
Alkire et Santos (2010)
Distance entre le point
d’eau principale
et la résidence
(perception en termes de
courte ou longue).
1 si longue, 0 sinon. Alkire et Santos (2010).
Éducation
Le niveau d’instruction du
chef du ménage a dépassé le
niveau du cycle
d’orientation (2ans après
l’école primaire).
1 si le chef du ménage a dépassé
la deuxième année de cycle
d’orientation. Alkire et Santos (2010).
Nombre de personnes dans
le ménage qui fréquentent
l’école.
1 si Plus d’enfants à l’école
primaire. Buraye (2017),
Alkire et Santos (2010).
Distance qui sépare l’école
au domicile (ménage) 1 si longue, 0 sinon.
Discussion informelle
avec les habitants et
observations du milieu
par les auteurs.
Santé
Qualité des services de
santé que le ménage reçoit
lorsqu’un membre du
ménage est malade.
1 si les soins de santé sont
estimés de bonne qualité, 0
sinon. Alkire et Santos (2010).
Dépenses annuelles en
soins de santé.
1 si les dépenses annuelles de
santé sont énormes (au-dessus
de la moyenne).
Discussion informelle
avec les habitants et
observations du milieu
par les auteurs.
194 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
Discussion des résultats
La perception de la déterritorialisation
Dans l’ensemble, les ménages de Luhwindja (délocalisés et non délocalisés)
sont négatifs (62%) à l’égard de la stratégie de délocalisation que Twangiza
mining a mise en œuvre.
La dimension « accès à la terre arable » indique, à elle seule, qu’en moyenne
60pour cent des ménages de Luhwindja estiment que la terre arable n’est
plus disponible à Cinjira comme partout ailleurs dans la chefferie (figure2).
Figure2: Distributions des opinions par items du facteur « accès la terre arable »
Source: nos analyses des données de terrain
Toutefois, la situation est plus préoccupante à Cinjira – un « nouveau
territoire » pour les ménages qui y logent – que partout ailleurs dans la
chefferie: les ménages se plaignent des conditions climatiques (le froid et
le vent) qui sont défavorables à la pratique de l’agriculture (Bashizi 2020 ;
Alert International 2015 ; Maison des mines 2015 ; Justice et Paix 2015).
Un chef de ménage que nous avons enquêté s’est exprimé en ces termes:
Quand ils nous ont installés ici (Cinjira), nous croyions qu’ils allaient aussi
nous donner des terres à cultiver. Mais qui cultive et vit sur un espace de
15m2 ? La perte de nos terres suite à ce déplacement rend nos conditions
de vie difficiles.
Au-delà des conditions climatiques, dans ce nouvel espace de vie (Requier-
Desjaradins 2009) pris comme un espace géographique, l’adaptation à la
carence en terre arable, qui s’est traduite par une « expropriation de fait »
(Namegabe & Murhula 2013), devient un casse-tête pour les ménages
délocalisés. Avec 15 m2 d’espace par ménage, il s’agit tout simplement
d’une menace à la survie de ces ménages, dont la majorité pratiquaient
l’agriculture avant d’être délocalisés. Ainsi, la négativité des ménages de
195
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
Luhwindja dépendrait aussi de l’indisponibilité des terres arables. Dans le
reste de la chefferie, même les ménages qui n’ont pas été délocalisés ont dû
partager le reste de terre avec certains ménages qui sont venus de Mbwega.
Une autre dimension relative à la perception de la déterritorialisation qui
entre dans le cadre de l’écologie politique (Escobar 1998) concerne l’« accès
au marché et disponibilité des opportunités d’affaires ». La distribution des
opinions (figure3) montre que la très grande majorité (plus de 80%) des
ménages de Luhwindja affirme que Twangiza mining ne leur a pas encore
facilité l’accès au marché et ne leur a pas offert des opportunités d’affaires.
Figure3: Distributions des opinions par item du facteur « accès au marché et
disponibilité d’opportunités d’aaires »
Source: nos analyses des données de terrain
En effet, le marché reste moins accessible, même pour les activités
commerciales, dans toute la chefferie. Notre entretien avec un membre de la
société civile (annexeI) confirme ce point de vue, selon ses termes:
Aujourd’hui, je peux vous assurer que beaucoup de nos anciens commerçants
n’exercent plus, ils sont à la maison. Ils ont déjà essayé de varier les produits
qu’ils vendaient, mais en vain. Ceux qui sont restés dans le business, nous les
voyons actuellement en train de moisir et de s’appauvrir. Nous comprenons
de plus en plus que c’est la mine artisanale qui faisait vivre notre chefferie.
Les ménages qui ont été délocalisés à Cinjira souffrent encore un peu plus
de ce manque d’accès au marché et d’opportunité d’affaires: il n’y a pas
de marché à Cinjira. Les entretiens que nous avons réalisés (entretiens1,
2 et 6, annexeI) ont indiqué qu’il faut se rendre à Luciga ou dans d’autres
groupements à environ deux heures de marche en moyenne pour opérer sur
un marché qui a baissé d’intensité en personnes et en activités depuis que les
exploitants miniers ont été délocalisés du site de Mbwega.
196 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
Pour le facteur « accès aux infrastructures de base (santé, éducation,
espaces de loisirs) », la distribution des opinions qui se présente dans la
figure4 ci-contre, établit que les ménages de Luhwindja restent partagés en
ce qui concerne la disponibilité des services sociaux et des infrastructures
tels que les aires de loisirs, les structures de santé, les écoles…
Figure4: Distributions des opinions par items du facteur « Accès aux infrastructures
de base (santé, éducation, espaces de loisirs) »
Source: nos analyses des données de terrain
Contrairement aux conclusions de Justice et Paix (2015), qui a montré que
les communautés de Luhwindja étaient très négatives par rapport à l’accès
aux infrastructures, nos résultats indiquent que les opinions sont plutôt
partagées. Cela peut signifier qu’au fil du temps, les actions que Twangiza
mining réalise dans la communauté (construction des écoles, ambulance
médicale, etc.) sont saluées par certains membres de la communauté. Ceux
qui donnent une note positive se baseraient sur les quelques projets réalisés,
tandis que les sceptiques avancent les arguments selon lesquels ce qui a été
fait n’est pas à la hauteur de ce à quoi la communauté s’attendait.
Cependant, la comparaison de ces positions, y compris l’analyse des
différents rapports (Maison des Mines du Kivu 2015), permet de mettre en
exergue le fait que des projets de développement aient été réellement réalisés
bien que n’ayant pas satisfait la communauté dans son entièreté.
En fait, la position sceptique tient des lamentations sur l’accès effectif23 aux
services sociaux représentés par ces infrastructures et sur leur qualité, surtout
pour les ménages délocalisés. La déclaration suivante en est illustrative:
Avoir des hôpitaux ou des écoles c’est bien, mais quand on a perdu l’emploi
qui vous permettait de payer ces services, c’est comme si tout ça n’existait pas
pour moi. Même les enfants qui étudient, une fois délocalisés, nos enfants
doivent marcher pendant plus de 2heures pour atteindre les écoles.24
197
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
La faible qualité d’infrastructures et des maisons mises en place par
l’entreprise comparativement à celles convenues dans le cahier des charges
justifie les plaintes des sceptiques.
En effet, dans le Protocole d’accord signé en 2008 entre Twangiza
mining et la communauté de la chefferie de Luhwindja, il a été convenu,
par exemple, que la compagnie construise des maisons en briques ayant
au moins la même taille que les maisons à remplacer pour les délocalisés
(Justice et Paix 2015). Ces maisons devraient avoir les caractéristiques
suivantes: une toiture en tôle, des fenêtres vitrées, une unité de cuisine
extérieure, des toilettes sèches et aérées, et être à proximité des conduites
d’eau potable. Mais les maisons qui ont été construites n’ont pas rejoint ces
caractéristiques, d’où les plaintes de la communauté dans son ensemble et
des délocalisés en particulier.25
Pour le facteur « Accès aux ressources minières », la figure5 ci-contre, qui
reprend la distribution des opinions, indique que la présence de Twangiza
mining a réduit l’accès à l’or des exploitants miniers artisanaux à Luhwindja.
Ceux qui exploitent encore de l’or de manière artisanale (à Lukunguri et
à Kadumwa où ils ont été relocalisés en quittant Mbwega) sont dans une
situation instable et de stress permanent sur un « territoire » qui appartient
juridiquement à Twangiza mining, le titre minier ayant préséance sur le titre
foncier en RDC26 (Lwango 2016). Ils sont conscients que si la Twangiza
mining trouvait nécessaire de faire déguerpir les exploitants miniers du site
de Lukunguri et à Kadumwa par exemple, site où ces derniers semblent
encore être tolérés, elle n’hésiterait pas.27
Figure5: Distribution des opinions par items du facteur « accès aux ressources minières »
Source: nos analyses des données de terrain
Contrairement aux opinions des habitants de Luhwindja, les agents de
Twangiza Mining avec lesquels nous nous sommes entretenus ont soutenu
que la production de l’or par l’entreprise était déjà en baisse depuis un certain
temps et que l’entreprise n’exclut pas la possibilité d’élargir son espace de
198 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
manière à accroître sa production. Cette information sous-entend que les
ménages pourront donc être de nouveau délocalisés et ce processus peut
même atteindre les ménages que la compagnie avait installés à Cinjira. Vu
sous l’angle du « territoire » et de l’écologie politique (Requier-Desjardins
2009), sur l’espace « Cinjira » comme sur celui de Luhwindja, Twangiza
mining apparaît comme l’acteur qui décide et qui s’impose (Namegabe &
Murhula 2013) et la communauté comme l’acteur qui se soumet et qui peut
s’opposer parfois, mais ne peut pas changer de manière durable l’option prise
par la compagnie (Buraye et al. 2017), la loi foncière favorisant le titre minier.
L’on peut en déduire que lorsqu’une entreprise minière est implantée
dans un milieu, le processus de déterritorialisation cesse d’être un phénomène
conjoncturel pour être un phénomène structurel. Il suffit de la découverte des
minerais à chaque endroit pour que les populations soient exposées à la perte
de leurs droits et soient en permanence en incertitude quant à leur identité
personnelle aussi bien que collective, leur adresse physique exacte et leurs biens.
Enfin, c’est le facteur « perturbation des relations sociales dans la
communauté ». La figure6 permet de constater que la majorité des ménages
(plus de 50 %) reconnaît que Twangiza mining a perturbé les relations
sociales dans la communauté et que l’espace social a été donc touché.
Figure6: Distribution des opinions par items du facteur « Perturbation des relations
sociales dans la communauté »
Source: nos analyses des données de terrain
En vivant ensemble avant l’arrivée de Banro, la communauté avait construit un
capital social assez solide caractérisé par la solidarité, la convivialité et la fraternité.
Cependant, une fois une partie de la communauté délocalisée à Cinjira, il eut
199
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
une certaine rupture entre la population délocalisée et la population restante.
La vie sociale de cette communauté n’a plus été la même (Bashizi 2020). Une
interviewée retrouvée sur le site de la relocalisation nous disait:
Avec mes quatre voisines, nous nous organisions pour aller cultiver à tour
de rôle dans les champs de chacune de nous. Le travail en groupe était
plus efficace. Mais au-delà du travail, c’étaient des moments agréables de
retrouvaille où nous parlions de tout et de rien, nous chantions, nous riions
ensemble et nous nous partagions nos collations. Mais malheureusement,
cette délocalisation est venue pour nous séparer et briser cette harmonie
sociale dans laquelle nous vivions. Ça fait plus 2ans que je n’ai plus revu mes
anciennes voisines. C’est par hasard que nous nous croisons présentement au
marché ou lors des événements sociaux.
Caractéristiques des ménages et de l’indice de perception de la
déterritorialisation: comparer les délocalisés aux non délocalisés
Quelques caractéristiques des ménages
Le tableau4 ci-contre permet de comparer statistiquement deux groupes de
ménages (les délocalisés ou les ménages de Cinjira et les ménages qui sont
dans le reste de la chefferie de Luhwindja) en fonction des caractéristiques
sociodémographiques, socio-économiques, et de conditions de vie.
Les différences sociodémographiques ne sont pas statistiquement
significatives entre ces deux groupes de ménages.28 L’absence de cette
différence n’est pas surprenante à nos yeux. Il s’agit bel et bien des
ménages qui, bien qu’actuellement distants géographiquement du fait
de la stratégie de délocalisation, vivent les mêmes réalités et les mêmes
convictions (culturelle, religieuses, de procréativité, etc.) sur leur
territoire. Ce sont ces réalités et convictions communes qui donnent
du sens à leur appartenance au territoire. Comme l’a indiqué le chef de
chefferie, « ce n’est pas parce que certains ménages ont été délocalisés
que leur mode de procréation, leur définition du ménage, encore moins
la taille moyenne de leurs ménages vont changer ».29 Du coup, leur
localisation sur un nouvel espace au sein d’une même chefferie n’indique
pas que les caractéristiques sociodémographiques d’un ménage soient
différentes de celles des autres ménages de la même chefferie. Autrement,
les opinions que nous avons présentées dans la section précédente
pourraient ne pas être basées sur les différences sociodémographiques,
mais sur d’autres caractéristiques du ménage.
200 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
Tableau n°4.: Comparaison des caractéristiques des ménages de Cinjira à ceux du
reste de la cheerie
Ménages de
Cinjira
(n =72)
Autres ménages de
Luhwindja
(n =173)
Caractéristiques sociodémographiques
Âge du chef du ménage 43 44
Taille du ménage 5 5
Caractéristiques socio-économiques
La mine est la principale source de
revenus. 54% 37% **
Les dépenses mensuelles du ménage sont
élevées (par rapport à la moyenne). 20% 41% **
Conditions de vie
Habitat
La maison est en matériaux durables. 88% 63% ***
Le ménage a au moins une latrine dans la
maison. 3% 2%
L’eau potable que le ménage utilise est très
proche ou dans la parcelle du ménage. 35% 60% ***
Le ménage se ressource auprès d’une
source Aménagée. 26% 55% ***
Éducation
Le Chef du ménage a dépassé le niveau
du cycle d’orientation (2ans après l’école
primaire). 25% 36% *
Le ménage a beaucoup d’enfants à l’école
primaire qu’il prend en charge (plus de la
moyenne de l’ensemble). 75% 68%
L’école que fréquentent les enfants est très
éloignée. 44% 67% **
Santé
Le ménage estime que les soins de santé à
Luhwindja sont de bonne qualité. 90% 85%
Le ménage a au moins un membre qui
a souert d’une maladie pulmonaire
pendant l’année. 8% 20% **
Le ménage estime qu’il dépense beaucoup
pour les soins de santé. 93% 88%
Notes: *** p <0,01 ; ** p <0,05 et * p <0,1
201
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
Contrairement aux caractéristiques sociodémographiques, la comparaison
entre les caractéristiques socio-économiques et celles liées aux conditions de
vie indique des différences statistiquement significatives entre les ménages
délocalisés et les ménages non délocalisés. En effet, l’on se rappellera que,
venant du village de Nyorha (à Mbwega dans le groupement de Luciga)
où se trouvait le plus grand site minier de la chefferie (Bashizi et al. 2018),
les délocalisés sont principalement des exploitants miniers artisanaux. Par
conséquent, en rapport avec la source principale de revenu et le niveau des
dépenses mensuelles, la différence (à 5%) n’est pas surprenante. Comme
l’ont indiqué la Maison des Mines (2015), Justice et Paix (2015) et
Namegabe et Murhula (2013), la non-exploitation de l’or par les ménages
de Cinjira a fait baisser leur niveau de revenu et a rétréci leur niveau de
dépenses de consommation. Les opinions négatives des ménages de
Luhwindja (délocalisés ou non) vis-à-vis de la délocalisation peuvent donc
dépendre des caractéristiques socio-économiques.
La différence entre les ménages de Cinjira et ceux du reste de la Chefferie
est aussi significative sur le plan des conditions de vie, comme l’ont indiqué
la Maison des Mines (2015) et Justice et Paix (2015). Ces caractéristiques
pourraient influencer les opinions des ménages de Luhwindja sur la
déterritorialisation. L’habitat – murs de la maison, proximité avec la source
d’approvisionnement en eau et qualité de la source d’approvisionnement –
(à 1%), l’éducation (niveau d’éducation du chef de ménage et la distance
où se situe l’école que les enfants fréquentent) et la santé (le membre du
ménage a souffert d’une maladie pulmonaire) différencient les ménages de
Cinjira des ménages du reste de la chefferie.
Indice de perception sur la déterritorialisation et caractéristiques des ménages
En termes d’opinions en rapport avec la déterritorialisation, le tableau
n° 5 ci-contre indique que les ménages de Luhwindja présentent deux
caractéristiques qui les distinguent statistiquement les uns des autres: la
source de revenus, et le nombre d’enfants qui fréquentent l’école et qui sont
à charge du chef du ménage.
En effet, 50pour cent des ménages qui sont négatifs par rapport à la
déterritorialisation ont la mine comme principale source de revenus contre
32 pour cent qui sont positifs. Cette perception négative nous paraît
normale dans la mesure où ceux qui exploitaient la mine à Mbwega et dont
c’était la principale source de revenus devraient naturellement être négatifs
vis-à-vis de la déterritorialisation, car cette dernière ne leur a pas permis de
poursuivre leurs activités minières (Bashizi et al. 2018).
202 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
Tableau n°5: perception sur la déterritorialisation et quelques caractéristiques
des ménages
Indice d’opinion sur la
déterritorialisation
Négatifs
(n =132)
Positifs
(n =113)
Caractéristiques sociodémographiques
Âge du chef du ménage 42 45
La taille du ménage 5 5
Caractéristiques socio-économiques
La mine est la source principale du
revenu du ménage. 50% 32% ***
Les dépenses mensuelles du ménage
sont élevées (par rapport à la
moyenne). 38% 33%
Condition de vie
Habitat
Les murs de la maison sont en dur. 74% 68%
Le ménage a au moins une latrine
dans la maison. 2% 3%
L’eau potable est très proche ou dans
la parcelle du ménage. 55% 50%
Le ménage se ressource à une source
aménagée (Robinet, borne-fontaine,
puits aménagé). 47% 47%
Éducation
Le chef du ménage a dépassé
la deuxième année de cycle
d’orientation. 35% 30%
La distance jusqu’à l’école est plus
ou moins longue, distance pour les
enfants. 63% 58%
Le ménage a beaucoup d’enfants à
l’école, qui sont à charge du chef du
ménage. 77% 63% **
Santé
Le ménage estime que soins de santé
sont de bonne qualité. 83% 89%
203
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
Le ménage a au moins un membre
qui a souert d’une maladie
pulmonaire pendant l’année. 15% 19%
Le ménage estime que les dépenses
annuelles de santés sont énormes. 88% 90%
Caractéristique de localisation géographique
Le ménage est de Cinjira. 28% 31%
Le ménage est de Luciga (autre
que Cinjira et que le reste de la
cheerie). 63% 57%
Le ménage n’est pas de Luciga (donc
pas non plus de Cinjira). 24% 29%
Notes: *** p <0,01 ; ** p <0,05 et * p <0,1
En outre, de nombreux ménages qui sont négatifs (77 %) vis-à-vis de la
déterritorialisation ont beaucoup d’enfants (nombre supérieur à la moyenne)
qui fréquentent l’école et qui sont à charge du chef, contre 63pour cent qui sont
positifs. Ce facteur reflète, en quelque sorte, le poids que le ménage supporte
pour l’éducation de ses enfants. Logiquement, le nombre d’enfants dans le
ménage n’a rien à avoir avec la délocalisation ou le fait de vivre à Cinjira ou pas.
Mais avec la venue de la grande mine, les ménages peuvent s’attendre à
une prise en charge des enfants. D’ailleurs, Twangiza mining avait déjà pris en
charge les enfants pendant environ 5ans (Maison des Mines du Kivu 2015).
Conclusion
La présente étude est partie de la notion de territoire sous l’angle de
l’écologie politique pour tenter d’explorer, à partir du concept de
territoire, les perceptions de la communauté vis-à-vis de la stratégie de la
délocalisation que Twangiza mining, une entreprise minière industrielle,
a mise en œuvre et a imposée à Luhwindja. Nous sommes parvenus à
calculer l’indice statistique captant les perceptions des communautés. Les
résultats analysés dans le présent papier permettent de mettre en exergue
quatre éléments de conclusion.
Premièrement, la modernisation minière, en contradiction avec le
potentiel développeur des compagnies minières industrielles, est un processus
ayant la possibilité d’entraîner la confiscation territoriale et les limitations
d’accès au marché, aux opportunités commerciales, aux infrastructures
204 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
de base et aux réseaux sociaux. Ces limitations alimentent les plaintes des
communautés locales qui espéraient un développement local avec l’arrivée de
la grande mine. Elles définissent les perceptions négatives des communautés
locales. Ainsi, la stratégie de délocalisation que la grande mine a imposée et
que les communautés ont subie est un phénomène destructeur du territoire
comme espace produit.
Deuxièmement, l’analyse des perceptions des communautés locales
vis-à-vis de la stratégie de délocalisation ne permet pas de différencier les
ménages selon leurs caractéristiques sociodémographiques, quelles que
soient leurs localisations au sein du territoire géographique. Délocaliser un
ménage ou pas au sein d’une même chefferie ne permet pas aux ménages
de changer leurs habitudes culturelles, religieuses et de procréation, ainsi
que leurs convictions communes, qui donnent du sens à leur appartenance
au territoire.
Troisièmement, la déterritorialisation a permis d’observer les différences
statistiquement significatives, en termes de caractéristiques socio-
économiques, entre les ménages délocalisés et les autres ménages. En effet,
délocaliser un ménage d’un territoire où les membres du ménage exerçaient
leurs activités économiques (exploitation minière, agriculture, petit
commerce, etc.), accédaient assez aisément au marché et aux opportunités
d’affaires, et avaient déjà constitué de solides réseaux sociaux constitue
une rupture qui a des effets néfastes sur les aspects socio-économiques
des ménages (habitat, niveau d’instruction et santé). Ces effets néfastes
différencient ainsi les ménages délocalisés et les ménages non délocalisés.
Enfin, dans le contexte de Luhwindja, l’analyse de la déterritorialisation
enseigne que les aspects socio-économiques des populations sont nécessaires
dans la perception des communautés et sont des facteurs sur lesquels devrait
s’appuyer toute politique de délocalisation des ménages. Il apparaît donc
nécessaire pour la grande mine et pour l’État congolais de concevoir, chaque
fois que la situation s’y prête, des stratégies de délocalisation permettant
aux ménages de bénéficier dans leur nouveau territoire de conditions de vie
égales aux conditions qu’ils avaient avant la délocalisation ou meilleures.
Remerciements
Les travaux de recherche ont été rendus possible par le Conseil pour le
développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA)
à travers ses Initiatives de recherche pour la construction du sens (MRI).
Nous remercions tous les évaluateurs anonymes pour leurs commentaires et
contributions qui ont permis d'améliorer la qualité de cet article.
205
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
Notes
1. Dans ce papier, nous comprenons le « territoire » à travers la dimension spatiale
des sociétés. Nous considérons le territoire comme un système, comme un
réseau où l’on retrouve l’espace, la communauté, la culture, l’environnement,
etc. (Requier-Desjardins 2009).
2. Depuis 2018, Banro Resource Corporation a été restructuré et appartient
désormais à deux actionnaires: le groupe chinois Baiyin Nonferrous Limiter
et la société américaine Gramancy. Aujourd’hui il s’agit de Banro Corporation
LtD, une liale de Newco, une société basée aux iles Caïman. Ces informations
sont disponibles au: https://www.thierryregards.eu/2019/06/banro-mine-ex-
traction-or-gold-kivu/ (consulté le 28février 2020).
3. La mine de Twangiza fait partie de quatre concessions minières que Banro
Resource Corporation détient en RDC et qui s’étend sur 2 790kilomètres
carrés. La mine de Twangiza couvre 180km dans les 183km de la cheerie de
Luhwindja.
4. Nous considérons la terre et l’eau, l’attachement culturel, les activités écono-
miques et les infrastructures de base disponibles sur un espace donné ainsi que
les conditions de vie.
5. Dans la deuxième section relative à la revue de la littérature, nous discutons de
l’approche « political ecology » et nous revenons sur ce que nous entendons par
« déconnexion » et sur ses diérentes formes.
6. Pour des raisons d’harmonisation, nous utiliserons systématiquement le terme
français « écologie politique » en lieu et place du concept anglais de « political
ecology » bien que ces deux termes ne se substituent pas parfaitement.
7. Les autres convictions sont: (1) l’accès et l’utilisation des ressources naturelles
s’organisent et se transmettent par des relations sociales qui peuvent exercer
une pression excessive sur l’environnement (Watts, 1983), (2) la connectivité
à l’échelle du global sous-entend que des processus locaux peuvent à la fois
inuencer et être inuencés par des processus globaux et (3) la marginalité
sociale est le résultat des processus politiques, économiques et écologiques qui
se renforcent mutuellement (Escobar 1998).
8. Le concept de « territoire » est utilisé dans plusieurs disciplines comme la
géographie, l’écologie, les sciences politiques… En géographie, le territoire
représente l’ensemble de relations entre une population et l’espace sur lequel elle
vit et se développe (Moine 2005). Cet ensemble de relations constitue ainsi un
système dans lequel l’un des deux éléments ne peut s’appréhender sans l’autre
(ibid.). En écologie, le territoire se réfère à la notion d’écosystème qui met en
relation des espèces vivantes sur un espace donné (Requier-Desjardin, 2009).
Autrement dit, le territoire est un espace où les espèces vivantes trouvent des
ressources pour assurer leur survie et leur reproduction (DiMéo 1998). En
sciences politiques, le territoire renvoie à un espace délimité sur lequel s’exerce
la « violence légitime » d’une autorité politique (Faure 2005:12).
206 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
9. Au Sud-Kivu, les autochtones de Luhwindja sont appelés les « bahwindja-hwindja ».
10. Comme le pense Wittorski (2008:1), la notion d’« identité collective » est une
notion polysémique. Elle est « une intention sociale, venant des groupes qui
cherchent à revendiquer une place et à se faire reconnaitre dans l’espace social ».
Selon les auteurs, plusieurs conceptssont liés à l’identité collective: « identité
sociale » (Haissat 2006), « identité universelle » (Chamarat, 1998).
11. Il s’agit ici de « la pensée sur soi ou le concept de soi qu’a l’individu » (Doise
1999:211). Nous considérons l’identité personnelle comme une représentation
sociale ou comme « un principe générateur de prises de position liées à des
insertions spéciques dans un ensemble de rapports sociaux et organisant les
processus symboliques intervenant dans ces rapports » (Doise 1999:211).
12. « Celle-ci s’apparente à l’expropriation formelle puisqu’elle a pour eet d’opérer
un transfert dénitif et forcé de la propriété au prot d’une personne publique
ou privée exerçant une activité considérée, à certains égards, d’utilité publique.
Elle doit dès lors s’accompagner d’une indemnité juste et préalable. » (Namegabe
& Murhula, 2013:150)
13. Article 281 tel que modié par la loi n°18/001 du Code minier du 9mars 2018
modiant et complétant la loi n°007/2002 du 11juillet 2002 portant Code
minier. Cet article stipule que: « Toute occupation de terrain privant les ayants-
droit de la jouissance du sol, toute modication rendant le terrain impropre
à la culture entraîne, pour le titulaire ou l’amodiataire des droits miniers et/
ou de carrières, à la demande des ayants-droit du terrain et à leur convenance,
l’obligation de payer une juste indemnité correspondant soit au loyer, soit à la
valeur du terrain lors de son occupation, augmentée de la moitié. » (Présidence
de la RDC 2018:35)
14. Depuis 2018, Banro Resource Corporation a été restructuré et appartient désor-
mais à deux actionnaires: le groupe chinois Baiyin Nonferrous Limiter et la
société américaine Gramancy. Aujourd’hui il s’agit de Banro Corporation LtD,
une liale de Newco, une société basée aux îles Caïman. Ces informations sont
disponibles au:https://www.thierryregards.eu/2019/06/banro-mine-extraction-
or-gold-kivu/ (consulté le 28février 2020).
15. La mine de Twangiza fait partie de quatre concessions minières que Banro
Resource Corporation détient en RDC et qui s’étend sur 2 790kilomètres
carrés. La mine de Twangiza couvre 180km dans les 183km de la cheerie de
Luhwindja.
16. Rapport annuel de 2019 pour l’année2018 de la cheerie de Luhwindja.
17. L’annexe n°1 donne la liste des entretiens individuels semi-structurés que
nous avons réalisés à Luhwinja et précise le type d’information que nous avons
obtenue pour chacun.
18. Nous avons xé la taille de notre échantillon à 250 par convenance. Aucun
groupement ne possédait des listes des ménages à jour. Selon que le village était
peuplé ou non, nous poursuivions jusqu’à atteindre 30ménages au moins pour
les villages les moins peuplés et 60ménages pour les villages les plus peuplés.
207
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
Cependant, la disponibilité des chefs des ménages eu pour conséquence que les
eectifs des ménages soient en deçà de 30 dans certains villages. Par exemple,
le village Buhamba n’a que 10ménages enquêtés sur les 30sélectionnés. Lors
du traitement, nous avons constaté que cinq questionnaires n’étaient pas bien
complétés, nous les avons élagués de notre base de données et avons gardé
245ménages.
19. Les villages que nous avons choisis sont les villages les plus peuplés. Après avoir
expliqué notre recherche au Mwami, non seulement il a indiqué ces villages
comme étant les villages les plus peuplés, mais il nous les a aussi recommandés
compte tenu de notre question de recherche.
20. L’estimation de l’éloignement ou du rapprochement d’un village donné a été
réalisée en même temps par le chef de la cheerie, le chef de groupement de
Bujiri et le représentant de la société civile.
21. L’épuration des données a consisté à éliminer les items qui étaient faiblement
corrélés avec les autres au sein d’un même facteur.
22. Carricano et Poujol (2009) recommandent que ce coecient de Cronbach soit
supérieur à 0,7 pour qu’il soit bon (entre 0,7 et 0,8) ou excellent (entre 0,8 et
0,9). Lorsque ce coecient est inférieur à 0,6 il est jugé insusant ; entre 0,6
et 0,65, il est faibleet entre 0,65 et 0,70 il est acceptable.
23. L’accès concerne la capacité de payer les soins et les études des enfants, la distance
qu’il faut parcourir pour atteindre les écoles et les marchés.
24. Entretien avec le membre de la société civile.
25. Focus groups avec les habitants de Cinjira et entretien avec le membre de la société
civile Justice pour Tous (2015) et la Maison des Mines (2015), détaillant les
caractéristiques des maisons construites à Cinjira.
26. Pour plus d’informations sur la problématique des droits fonciers dans un
périmètre minier concédé à la grande mine, lire Lwango Mirindi (2016).
27. Entretiens avec le curé et le pasteur.
28. Pour l’ensemble de notre échantillon, l’âge moyen des chefs des ménages de
Luhwindja est d’environ 43ans (voir la gure n°7, annexe 2) et la taille moyenne
du ménage est de cinq personnes.
29. Interview avec le Mwami de Luhwindja.
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210 Afrique et développement, Volume XLVI, No. 3, 2021
AnnexeI: Liste des entretiens individuels semi-structurés
réalisés en octobre2019 à Luhwindja
Qualité de
l’interviewé Nature de l’information
1Le Mwami, chef
de la Cheerie
de Luhwindja
Subdivision administrative de la chefferie,
peuplement, groupements les plus aectés par les
activités de Banro, types d’activités économiques,
les perturbations que Banro a impliquées, niveau
de satisfaction de la communauté par rapport
aux réalisations de Banro dans la chefferie,
processus de délocalisation des ménages (y compris
l’indemnisation) et le développement de la Cheerie
en présence de Banro.
2Curé de
la paroisse
d’Ifendula
La venue de Banro à Luhwindja, le
fonctionnement du Comité local de
développement, rôles de diérents acteurs dans
le développement de Luhwindja, problèmes que
connaît Banro vis-à-vis de la population.
3Directeur d’une
école de Luciga
Actions de Banro vis-à-vis des élèves et des
enseignants, perception des enseignants en rapport
avec les activités de Banro.
4
Médecin
directeur de
l’hôpital général
de référence
d’Ilfendula
Eets sanitaires du Lac de cyanure, conséquences
sanitaires de la présence de Banro dans le milieu.
5Le chef de
groupement de
Bujiri
Fonctionnement de son groupement, activités
économiques dans son groupement, actions de Banro
dans diérents groupements.
6
Un ancien
président de la
société civile de
Luhwindja
Les accords existants entre Banro et la
communauté, les occasions de conits qui ont
opposé Banro et la communauté, les conséquences
de ces conits, le développement de la
communauté depuis l’arrivée de Banro.
7Un révérend
pasteur d’une
Église protestante
Les diérents changements que Banro a impliqués
au niveau culturel, religieux, etc., les plaintes de la
communauté par rapport aux actions de Banro.
211
Buraye, Mudinga & Bashizi : Territoire et déterritorialisation des communautés locales
8
Un inrmier
titulaire à un
centre de Santé Eets sanitaires du Lac de cyanure.
9
Deux agents
délégués par
Banro pour
notre entretien:
le responsable
des questions de
santé, sécurité et
environnement
et le responsable
des relations
communautaires.
Bref historique des activités de Banro à Luhwindja,
obstacles que Banro a rencontrés lors de son
installation et pendant la phase de production,
processus de délocalisation d’une partie de la
communauté, rôle de l’État, des autorités locales
et des organisations de la société civile dans
les relations entre Banro et la communauté
de Luhwindja, diérentes contestations de la
communauté et leurs conséquences, la sous-
traitance dans Banro.
AnnexeII: Quelques statistiques descriptives
Figure7: La distribution de l’âge des chefs des ménages
Chapter
Studying the mining sector in the Democratic Republic of Congo using a grounded approach, Anuarite Bashizi, Cécile Giraud and Aymar Nyenyezi Bisoka adopt a Marxian and ecopolitical analytical framework in order to consider the interconnexions between ecological deterioration and primary resources, post-colonial politics and international financial institutions, class struggle and the international division of labour. In emphasizing the systematic race relations that structure the exploitation of the racialized work force as well as the access to natural resources, and underlining the heritage of colonialism in the form of “global coloniality”, the authors argue that a decolonial approach to political ecology and to Marxist capitalist analysis is necessary in order to apprehend the realities of exploitation in Africa.
Article
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DRC’s 2002 Mining Code has attracted Large-Scale Mining (LSM) through favorable fiscal conditions, but is detrimental to Artisanal and Small-scale Mining (ASM). The Code specifies that ASM should take place in Artisanal Exploitation Zones (AEZ), but far too few AEZ were created to accommodate the large number of artisanal miners. This has triggered an explosive situation, as many artisanal miners operate in mining concessions granted to LSM companies. While LSM companies justify their operations referring to statutory law, miners claim traditional rights to the land. We study how this situation of legal pluralism plays out in Kamituga, a gold mining area in South-Kivu. To what extent do the artisanal miners and the LSM company stick to their opposing frames of reference? To what extent do they look for compromises? Can these compromises give way to the re-making of institutions?
Article
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This paper proposes a framework for rethinking the conservation and appropriation of biological diversity from the perspective of social movements. It argues that biodiversity, although with concrete biophysical referents, is a discourse of recent origin. This discourse fosters a complex network of diverse actors, from international organizations and NGOs to local communities and social movements. Four views of biodiversity produced by this network (centered on global resource management, national sovereignity, biodemocracy, and cultural autonomy, respectively) are discussed in the first part of the paper. The second part focuses on the cultural autonomy perspective developed by social movements. It examines in detail the rise and development of the social movement of black communities in the Pacific rainforest region of Colombia. This movement, it is argued, articulates through their practice an entire political ecology of sustainability and conservation. The main elements of this political ecology are discussed and presented as a viable alternative to dominant frameworks. Key words: political ecology, social movements, rainforest, biodiversity, afrocolombians, global networks.
Article
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Introduction Au nom de la conservation environnementale, de la securite alimentaire et du developpement durable, un groupe diversifie d’acteurs public et prives s’affairent a diviser les Suds en territoires de conservation et de developpement a differentes echelles. Plusieurs objectifs et processus conduisent ces strategies spatiales a reconfigurer l’acces aux ressources, leur controle et leur gestion. La production de territoire pour controler les populations et les ressources est une pratiq...
Book
What are corporations, and to whom are they responsible? Anthropologist Marina Welker draws on two years of research at Newmont Mining Corporation’s Denver headquarters and its Batu Hijau copper and gold mine in Sumbawa, Indonesia, to address these questions. She shows how, against the backdrop of an emerging Corporate Social Responsibility movement and changing state dynamics in Indonesia, people enact the mining corporation in multiple ways: as an ore producer, employer, patron, promoter of sustainable development, religious sponsor, auditable organization, foreign imperialist, and environmental threat. Rather than assuming that corporations are monolithic, profit-maximizing subjects, Welker turns to anthropological theories of personhood to develop an analytic model of the corporation as an unstable collective subject with multiple authors, boundaries, and interests. Enacting the Corporation demonstrates that corporations are constituted through continuous struggles over relations with-and responsibilities to-local communities, workers, activists, governments, contractors, and shareholders.
Article
Discusses adaptation, hazards, and the value of the Marxist approach: nature is not separate from society. Illustrates these ideas with a case study of drought in northern Nigeria where the society is no longer able to respond by adaptation. Colonization has increased the hazard of an unchanged natural environment. Also town dwellers can continue to eat while rural people starve.-K.Clayton
Article
The DRC's mining sector s centra to eve opment po c es t at are banking on a macro-economic recovery, massively backed by foreign investments, to help the country in its "fight against poverty". A reform of the mining sector, initiated by international financial institutions (the IMF and the World Bank) has been integrated into the development programmes implemented in the DRC and has led to the liberalization of the mining sector. This article reflects on the process used to craft the mining sector reform and on the challenges involved in enforcing it, within the broader perspective of national reconstruction.
Article
This paper argues that a formalised small-scale gold mining sector could ameliorate Sierra Leone's emerging 'crisis of youth'. Burgeoning pockets of unemployed young men now found scattered throughout the country, the mobilisation of whom proved instrumental in prolonging civil war in the 1990s, have fuelled fresh concerns about renewed violence. If supported, small-scale gold mining could provide immediate economic relief in the form of direct employment and downstream activities. Its promotion, however, is contingent upon a radical change in mindset in policymaking circles. Gold mining continues to be associated with diamond mining, an industry which perpetuated the country's civil war.